Publié le 5 mai 2021 à 9h30 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 17h57
L’Institut de l’élevage et la ferme expérimentale de Carmejane poursuivent leurs études afin de mettre au point une application d’aide au gardiennage des petits ruminants dans les espaces pastoraux.
Ce 19 avril, alors que la seconde séquence a débuté une dizaine de jours plus tôt, rendez-vous a été donné sur les parcours où pâturent les brebis du troupeau de la ferme expérimentale de Carmejane. La mission : changer les colliers qui ont été mis au cou de plusieurs d’entre elles et de leurs cinq chiens de protection.
Des colliers pas comme les autres, qui ont été conçus dans le cadre du projet CLOChèTE (Caractérisation du comportement et localisation des ovins et caprins grâce aux technologies embarquées). Ce projet multi-partenarial, financé par le Casdar, avait pour but de réaliser un outil d’aide au gardiennage des troupeaux de petits ruminants dans les espaces pastoraux par l’utilisation de capteurs embarqués associant GPS et accéléromètre.
«À terme, l’objectif est de développer une application qui puisse être accessible via son téléphone mobile. Pour l’instant, nous n’en sommes pas là et les données sont enregistrées dans les colliers. Il faut donc les changer en fonction des capacités de stockage et des batteries, soit tous les neuf jours », indique François Demarquet, directeur de l’exploitation expérimentale de Carmejane.
Un gros potentiel
En fait, le projet CLOChèTE s’est achevé en décembre dernier. Mais l’intérêt potentiel pour les éleveurs que les technologies utilisées avaient montré méritait d’être approfondi. Raison pour laquelle l’Institut de l’élevage et la ferme expérimentale de Carmejane ont organisé en mars et avril deux séquences de 18 jours visant à tester sur le terrain les résultats de l’étude.
« Nous avons décidé de poursuivre un peu les expériences, principalement en autofinancement, parce que nous nous sommes rendu compte qu’il y avait plein de potentialités que nous n’avions pas eu le temps de tester vraiment sur un cas concret. Jusqu’à présent, nous avions juste montré que cela pouvait marcher, mais pas sur des séquences suffisamment longues pour évaluer si cela pouvait vraiment être utile pour les éleveurs et les bergers. Le but, là, est de faire le point sur les informations que l’on peut avoir au niveau des comportements des animaux et d’établir comment ces informations pourront ensuite être réutilisées par les éleveurs et les bergers », explique Pierre-Guillaume Grisot, du service production de viande à l’Institut de l’élevage.
Les colliers ont été mis au point par Aguila technologies, une société basque qui assure l’extraction des données, lesquelles sont traitées conjointement avec le service statistiques de l’Institut de l’élevage. Pour l’heure, aucun nombre de colliers minimal par troupeau n’est préconisé faute d’éléments précis pour le déterminer. Sur le troupeau de 340 brebis de la ferme de Carmejane, neuf brebis ont été équipées. « Ces brebis ont été choisies en fonction de leur capacité à déclencher des mouvements dans le troupeau », note François Demarquet.
Le GPS doit permettre de localiser les animaux et de connaître leurs circuits afin de faciliter la gestion des milieux et du pâturage. L’objectif est également de permettre à l’éleveur d’être alerté en cas de franchissement des limites de la zone de pâturage.
Localiser les animaux et prédire leurs comportements
L’accéléromètre permet d’établir le comportement des petits ruminants en mesurant, selon la position ou le mouvement adopté par l’animal, une accélération par rapport à trois axes (horizontal, vertical et en profondeur), et ainsi de prédire leur activité (déplacement, repos, alimentation, rumination). Sur ce dernier aspect, les tests réalisés dans le cadre du projet CLOChèTE avaient permis de montrer que l’accéléromètre était en mesure de prédire l’activité des animaux entre 85 et 97 % en ovins et entre 76 et 91 % en caprins.
L’idée de départ qui consistait en revanche à réaliser dans le même temps un outil de lutte contre la prédation, en permettant de détecter des mouvements de panique du troupeau et d’envoyer des alertes à l’éleveur, a en revanche été abandonnée. « On pensait qu’on pourrait l’utiliser pour détecter des comportements de fuite à exploiter en cas d’attaque, mais on a abandonné cette idée, d’une part parce que la situation d’attaque était trop dure à reproduire, et d’autre part parce que les éleveurs n’étaient pas convaincus de l’utilité de cette fonction. Ils craignaient d’avoir trop de fausses alertes ou que les alertes arrivent trop tard », indique Pierre-Guillaume Grisot.
Demeure néanmoins un outil qui peut constituer tout à la fois une aide à la gestion des milieux et des pâturages, et une aide au gardiennage. En fait, résume Pierre Guillaume Grisot, « le but n’est pas de vendre un outil pour connaître le comportement des animaux, mais de vendre un GPS qui donne, en plus, des informations sur le comportement. C’est une plus-value sur un outil qui ne sera pas forcément plus cher qu’un GPS classique… » Ne reste plus désormais qu’à un industriel à s’emparer de cette technologie pour la commercialiser.
En attendant, les résultats des tests effectués au cours de ces deux mois devraient être disponibles à l’automne prochain.
Stéphanie Martin-Chaillan pour L’Espace Alpin
[(Visualiser la manière dont les chiens protègent les troupeaux
En parallèle des tests effectués sur les troupeaux dans la continuité du projet CLOChèTE, la ferme de Carmejane et l’Idele ont décidé de reconduire une autre expérimentation qui avait été menée il y a trois ans et qui consistait à équiper les cinq chiens de protection de la ferme des mêmes colliers, toutefois uniquement dotés de la fonction GPS. « C’est un programme mené dans le cadre de nos expérimentations autour des aspects pastoraux et protection contre la prédation, précise François Demarquet. L’objectif est de nous permettre d’établir et visualiser sur des cartes la distance des différents chiens par rapport au troupeau, et la façon dont ils se répartissent par rapport aux brebis équipées de colliers, cela nous apportera des connaissances sur le comportement collectif et individuel des chiens et la façon dont ils réalisent la protection du troupeau, en particulier dans les zones de parcours boisées où l’on n’a pas une bonne visibilité ».)]
[(L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin )]