Il s’appelle William Wisting. C’est un policier norvégien, accrocheur, ne lâchant jamais sa proie potentielle. Un obstiné que l’on n’aimerait pas voir surgir en travers de son chemin en cas de mauvaise action mais qu’on accepterait bien d’avoir pour ami surtout si l’envie nous prend de pratiquer parfois la pêche au lancer et à la foëne. Une activité dont il maîtrise toutes les techniques.
Cette activité, William Wisting la partage souvent avec son (presque) ami Martin Haugen. Oui, mais voilà il fait mauvais temps pour ce dernier. Suspecté d’être impliqué dans le rapt, voilà vingt-huit ans de Nadia Krogh, la fille de l’homme d’affaires multimillionnaire Joachim Krogh, (enlèvement effectué le 18 septembre 1987) il est au cœur de toutes les interrogations de la police. Pourquoi autant de temps avant de l’impliquer dans cette vieille affaire ? La cause en est Line Wisting, la fille de William, journaliste free-lance qui mène une enquête sur la disparition de la petite Nadia dont on est toujours sans nouvelles. Autre circonstance aggravante Katharina Haugen, la femme de Martin a elle aussi disparue sans laisser de traces le 10 octobre 1989, et Martin s’interroge souvent sur l’éventuelle implication de son partenaire de pêche.
Un autre homme voudrait bien en savoir davantage : il s’agit d’Adrien Stiller, qui travaillant au groupe des cold cases s’occupe des affaires de meurtres et d’enlèvements. De nouveaux indices découverts laissent à croire la thèse que Martin Haugen en sait plus qu’il ne le prétend. Alliés pour le pire du pire Stiller et Wisting, vont partir en chasse et tenter de retrouver les deux femmes dont on n’est pas persuadés qu’elles sont toujours en vie.
On le devine ils ne sont pas au bout de leurs surprises et sont très interloqués par la série de chiffres, de lignes et cette croix que Katharina Haugen avait griffonnées sur une feuille trouvée dans sa cuisine.
Jørn Lier Horst, star des lettres norvégiennes, digne héritier d’Henning Mankell
Il n’y a pas que les autorités norvégiennes qui seront estomaquées par leurs découvertes. Cueilli d’entrée, malmené, blackboulé, embarqué dans des fausses pistes et totalement surpris par un final apocalyptique digne de Martin Scorsese le lecteur ressortira groggy de cette double histoire policière à laquelle s’ajoute des réflexions poignantes sur les relations d’un père avec sa fille. Pas étonnant quand on sait que l’auteur de ce thriller glacial comme un soir d’hiver sur la Norvège n’est autre que Jørn Lier Horst, écrivain né le 27 février 1970 à Bamble et qui en digne héritier du Suédois Henning Mankell s’est imposé comme l’un des écrivains scandinaves les plus lus dans le monde.
On retrouve dans «Le code de Katharina » qui va bénéficier en France de la part de Gallimard d’un plan de lancement exceptionnel cet inspecteur Wisting que l’on a croisé dans d’autres enquêtes de Jørn Lier Horst.
Le disparu de Larvik
Et pas des moindres, toutes exceptionnelles de densité dramatique, cinq publiées au total en France avec celle-ci notamment «Le disparu de Larvik » qui reparaît conjointement en Folio/Policier. Là encore William Wisting et sa fille Line mettent leurs forces et leur sagacité en commun pour tenter de résoudre une sombre affaire là encore une histoire très trouble qu’on nous résume ainsi en quatrième de couverture : « À Larvik, l’été est là. Six mois se sont écoulés depuis la disparition de Jens Hummel et son taxi sans qu’aucun indice n’ait permis de faire avancer l’enquête de Wisting. Sa fille, Line, est revenue s’installer dans cette jolie ville côtière, à deux pas de chez lui, et elle profite de son congé maternité pour retaper la maison qu’elle vient d’acheter. Coup sur coup, deux événements surviennent qui offrent à Wisting une nouvelle piste à suivre. Mais les fils que son équipe et lui tirent viennent fragiliser une autre affaire dont le procès doit commencer sous peu. Affrontant les réticences de sa hiérarchie, et malgré l’imminence de l’accouchement de Line, Wisting suit jusqu’au bout son instinct de flic.»
Là encore deux enquêtes s’entrecroisent et se répondent. Tout d’abord donc la disparition suspecte d’un chauffeur de taxi et ensuite une autre presque bouclée sur une jeune femme assassinée au Nouvel An. Les deux enquêtes seront liées, par une histoire de trafics de drogue. Un parrain de la drogue, Franck Mandt ayant été retrouvé mort également dans sa cave. C’est prodigieusement agencé et par moments tout cela s’apparente à un drame antique.
La Norvège, décor et personnage à part entière de l’intrigue
Si l’inspecteur William Wisting, héros récurrent d’un Jørn Lier Horst ancien officier de police très au courant donc des manières dont on déploie son énergie dans la résolution d’une affaire criminelle apparaît comme un taiseux, qui ne dépense son énergie qu’à bon escient, nous sommes saisis par la manière dont l’auteur le met en scène dans une Norvège hantée par la nuit et le froid. Elle devient très vite à la fois le décor et un personnage à part entière de l’intrigue. Notamment dans l’épilogue du «Code de Katharina». Et ce roman d’apparaître comme un grand thriller d’atmosphère qui évoque aussi l’amour fou et compliqué d’un père pour son enfant. On attend, non sans impatience, une autre aventure policière de William Wisting et de son intrépide fille enquêtrice.
Jean-Rémi BARLAND
De Jørn Lier Horst : «Le code de Katharina» paru chez Gallimard – 451 pages -20 €.
« Le disparu de Larvik», Folio Policier/Gallimard – 473 pages – 9,20 €. Traduits du norvégien par Céline Romand-Monnier.