Publié le 18 mai 2021 à 10h00 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 17h59
En matière de santé, femmes et hommes ne sont pas logés à la même enseigne. Face à ce constat Michèle Rubirola, première adjointe au maire, présentera lors de la séance du Conseil municipal de ce vendredi 21 mai un rapport qui entend faire de l’amélioration de la santé des femmes un objectif à part entière de son action.
«Lutter contre les inégalités sociales en matière de santé est, aujourd’hui, un enjeu majeur des politiques publiques. Au sein de celles-ci, les inégalités entre les femmes et les hommes dans l’accès aux soins et la prise en charge médicale constituent un sujet longtemps ignoré. Si les inégalités de santé liées au statut économique et à l’environnement social et culturel sont de mieux en mieux connues, d’autres restent dans l’ombre» précise le rapport.
Un dossier d’importance lorsque l’on sait que «les représentations sociales liées au genre féminin ou masculin jouent sur l’attitude des patients, du corps médical et des chercheurs». Certaines maladies sont ainsi sous diagnostiquées chez les femmes, considérées comme des maladies d’hommes, et inversement avec des conséquences qui peuvent être dramatiques. Les femmes sont les oubliées des maladies cardiovasculaires ; l’infarctus du myocarde est un exemple typique de l’interaction entre sexe et genre et cette maladie est sous diagnostiquée ou diagnostiquée tardivement chez les femmes. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à souffrir de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). En cas de douleur, de santé mentale, les femmes sont moins bien prises en charge, l’endométriose est souvent diagnostiquée tardivement, ce qui limite les chances de grossesse.
les femmes sont mises de côté dans la construction des grands problèmes de santé publique
De nombreuses femmes ont ainsi du mal à accéder aux soins et participent peu aux dépistages des cancers. Elles sont mises de côté dans la construction des grands problèmes de santé publique comme le VIH, l’alcoolisme, les toxicomanies ou les maladies cardiovasculaires, voire les cancers puisqu‘elles auraient des cancers spécifiques. En matière de santé sexuelle, les progrès restent à faire également, les troubles sexuels de l’homme et de la femme ne sont pas pris en charge de la même manière.
Les essais sur des sujets des deux sexes ne sont obligatoires que depuis 15 ans
Le document met également en lumière le fait que la réalisation des essais cliniques été longtemps effectuée sur des sujets masculins principalement, extrapolant ensuite les connaissances acquises aux femmes selon l’hypothèse du standard normatif. Les essais sur des sujets des deux sexes ne sont obligatoires que depuis 15 ans, mais pendant les essais cliniques pour les traitements contre le VIH, les femmes n’étaient que 11%.
Ces inégalités sont encore plus marquées dans les milieux défavorisées, elles souffrent davantage de surpoids, d’obésité, d’addictions… L’Organisation Mondiale de la Santé a intégré dès 2002 une approche sur les questions d’équité entre les sexes et selon les genres et a adopté lors de la Soixantième Assemblée mondiale de la Santé la résolution « WHA60.25 » qui définit «une stratégie pour l’intégration de l’analyse des spécificités de chaque sexe et d’une démarche soucieuse d’équité entre hommes et femmes dans les activités de l’OMS».
«Sexe et genre ont une influence déterminante sur la santé des personnes»
La Mairie pour réduire ses inégalités s’appuie sur des documents tel que le rapport d’analyse prospective 2020 de la Haute Autorité de santé ou encore un document du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes.
Le rapport d’analyse prospective 2020 de la Haute Autorité de santé (HAS), formule dix propositions destinées aux décideurs publics et aux acteurs de terrain. Sexe et genre ont une influence déterminante sur la santé des personnes et leur prise en charge par notre système. Un rôle qui peut s’avérer tantôt sous-évalué, tantôt teinté de stéréotypes, ce qui conduit à une catégorisation des populations laissant peu de place à la nuance.
En résultent parfois des réponses inadéquates des politiques publiques ou de la part des professionnels. Cette analyse traverse les secteurs sanitaire, social et médico-social au prisme du sexe et du genre, avec l’objectivité scientifique qui caractérise la HAS. Il en émerge dix propositions concrètes pour encourager la prise de conscience des acteurs, compléter la construction des politiques de santé et adapter les instruments à disposition des professionnels de terrain.
«un enjeu de santé publique»
Le rapport n°2020-11-04 Santé 45 voté le 4 novembre 2020, du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes « Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique » s’inscrit dans le contexte actuel des progrès des recherches au niveau international sur le rôle des facteurs biologiques, sociaux, culturels et économiques dans les inégalités de santé entre les femmes et les hommes. L’importance de ces questions a conduit plusieurs pays européens et nord-américains à intégrer la thématique « Genre et Santé » dans les plans stratégiques des institutions de recherche et dans les politiques de santé publique.
La France est en retard dans ce domaine
Or la France est en retard dans ce domaine, qu’elle se doit de rattraper en intégrant ce nouveau paradigme qui doit fonctionner comme une matrice de pensée pour mieux soigner. Le rapport démontre que la prise en compte du genre et du sexe permet d’analyser plus précisément les pathologies, de formuler de nouvelles hypothèses de recherche et de construire des stratégies de prévention et de traitement.
Il établit également que cette approche constitue une innovation dans la médecine et la recherche pour le plus grand bénéfice de la santé des femmes comme de celle des hommes. Quatre axes ont été retenus pour traiter ce sujet de la prise en compte du sexe et du genre dans la santé, suivis d’une série de recommandations : la question des maladies dites féminines ou masculines, l’état des recherches sur le sexe et le genre dans la santé, le rôle des conditions de vie et de l’environnement dans les inégalités de santé, enfin les questions de la formation médicale sur le genre dans la santé et d’accès à la gouvernance.
Une politique de santé efficace doit prendre en compte les besoins de toute une population dans leur diversité et leur spécificité. Il s’agit de lutter contre les inégalités et les discriminations qui touchent les femmes dans le domaine de la santé tant sur le plan d’accès aux soins que de la prévention. La Ville de Marseille souhaite «s’inscrire pleinement dans cette démarche et fait de l’amélioration de la santé des femmes un objectif à part entière de son action.»
Luc CONDAMINE