Publié le 20 mai 2021 à 11h13 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 18h00
Au début du XXe siècle seule une centaine de castors subsistait dans la vallée du Rhône, petit à petit ils ont recolonisé la Durance et ses affluents. Une situation qui n’est pas sans poser de réels problèmes aux arboriculteurs qui constatent quotidiennement les ravages de ces petites bêtes aux dents longues et aiguisées.
«Cela fait cinq générations que l’on est arboriculteurs dans la famille et on n’avait jamais vu ça !, s’exclame Nicolas Richier, arboriculteur à Plan-de-Vitrolles dans les Hautes-Alpes. Avant on avait un ou deux arbres coupés par mois maintenant c’est plus un à deux par jour. » Même son de cloche chez son collègue Grégory Favier à Lardier et à La Saulce.
«On a vraiment l’impression que la population augmente beaucoup. Les dégâts commencent à être vraiment significatifs et ils abattent des arbres de tous les âges. Pour nous c’est de la perte de fonds, pas seulement de la perte de récolte, expliquent les arboriculteurs. Nos arbres sont palissés donc quand ils coupent un arbre et n’arrivent pas l’emporter, ils passent au suivant et ainsi de suite.» Nicolas Richier a signalé le problème à la Direction départementale des territoires (DDT) mais il a reçu pour seule réponse un courrier de recommandation pour installer des filets de protection. «Nous avons déjà des grillages pour éviter que les autres animaux ne mangent les arbres mais les castors les coupent juste au-dessus. Il faudrait donc mettre des grillages d’au moins un mètre ce qui nous obligerait à couper les branches les plus basses. Cela équivaudrait à une perte de près d’une caisse de pommes. Sans compter les coûts supplémentaires (matériel et main-d’œuvre) pour les installer. Si on veut, on arrivera à s’en protéger mais à quel prix ! Il me semblerait normal que l’État prenne le coût de dégâts en charge car cela commence vraiment à devenir problématique», déplore-t-il.
Des interventions très encadrées
«On a voulu préserver les écosystèmes, c’est très bien et nous sommes pour, mais cela apporte aussi des problématiques en créant un ensauvagement des zones naturelles qu’on ne maîtrise pas», ajoute Grégory Favier. Un peu désemparés Nicolas Richier et Grégory Favier ne savent plus comment appréhender ce nouveau problème qui s’ajoute déjà aux nombreuses problématiques auxquelles sont confrontés les arboriculteurs.
L’Office français de la biodiversité (OFB) qui a en charge le suivi de cette espèce protégée depuis 1987 assure que le problème est pris au sérieux et en considération dans le département même si jusqu’à maintenant peu de nuisances étaient, selon eux, constatées. Une doctrine régionale a même été édictée en 2019 sur le sujet. Celle-ci précise les interventions possibles en cas de dégâts et les conditions nécessaires à l’intervention. Quand un agriculteur constate des dégâts il faut qu’il prévienne la DDT ou l’OFB qui viendra sur place réaliser une expertise afin de déterminer la conduite à tenir. La DDT et la Dreal pourront ensuite intervenir si une solution est envisageable.
Une croissance qui devrait doucement se réguler
« Quand des castors ont construit un barrage et qu’il pénalise les usagers nous avons plusieurs moyens pour rétablir l’écoulement, détaille Yannick Pognard, inspecteur de l’environnement à l’OFB. Si le barrage n’est pas abandonné nous pouvons par exemple installer des siphons, dans le cas contraire il peut être démantelé. Pour les arbres coupés, les castors ne s’attaquent aux vergers que quand ils n’ont plus d’autres arbres à proximité. Il faut savoir qu’ils rayonnent dans les 5 m autour de leur habitat et rarement au-delà de 30 m. Il faut donc être vigilants et maintenir une bande arborée entre le point d’eau et les cultures.»
Le professionnel se veut tout de même rassurant : « Si la population augmente depuis 15 ans ce ne sera pas exponentiel compte tenu du mode de vie du castor d’Europe. C’est un animal territorial et on recense une cellule familiale pour 1 ou 2 km. C’est pour cela qu’il colonise petit à petit les affluents de la Durance après l’avoir remontée depuis le sud d’Avignon. En effet, au début du siècle il n’en restait qu’une petite centaine dans cette zone et ils ont recolonisé les cours d’eau petit à petit. Il faut savoir qu’un castor peut nager 20 km par nuit ! »
Alexandra Gelber pour L’Espace Alpin
[(L’Espace Alpin est le journal agricole et rural des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Ce journal bimensuel est disponible sur abonnement sur lespace-alpin)]