Publié le 7 juin 2021 à 7h30 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 18h01
La réduction de 5 à 1 du nombre de résidences secondaires autorisées par propriétaire à la location touristique sans compensation a été votée lors du dernier conseil municipal. Entretien avec Patrick Amico, adjoint au maire de Marseille en charge de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne.
Vous avez défendu une délibération concernant les locations meublées saisonnières. Considérez-vous qu’elles ont des effets pervers sur le logement à Marseille? J’ai défendu une délibération qui portait sur les changements d’usage, dont celui des locations saisonnières. Est-ce qu’elles ont un effet délétère sur Marseille? je dirai que nous constatons des effets. On a évoqué le tourisme à Marseille, avec de nombreuses personnes qui venaient dans des conditions un peu particulières. Elles ont des effets délétères sur la disponibilité des logements familiaux. Dans certains quartiers elles ont des effets délétères sur l’état des logements, dans d’autres, elles ont des effets délétères sur des problématiques d’incivilités que l’on rencontre un peu partout, notamment dans des immeubles où les locations saisonnières sont relativement importantes, les autres copropriétaires n’arrivent plus à vivre tranquillement. Il n’y a donc plus de T5, par exemple, pour les familles nombreuses…mais des studios. Cela veut dire aussi qu’il y a du bruit, des nuisances sonores parce qu’il y a des allées et venues ? Cela veut dire qu’il y a effectivement des logements qui ont été redimensionnés pour faire des petits logements, qui sont sous-loués. Des parcelles, des petites maisons qui disparaissent au profit d’une bétonisation systématique pour faire du studio. Cela veut dire aussi un nombre de ventes en hausse parce qu’on a des logements quasiment indécents et en matière de sécurité, assez limité, qui se louent, en centre-ville, dans le cadre des résidences pour les loisirs. Il s’agit de contourner le permis de louer. Enfin, tout le monde sait ce qui se passe, autour de la Corniche, autour du Vallon des Auffes, autour de Malmousque, avec des prix de l’immobilier qui ont atteint des sommets inimaginables, uniquement poussés par les problématiques home et loisirs. Que proposez-vous pour maîtriser cette situation? Nous proposons simplement de revenir à une situation, qui a déjà été travaillée par beaucoup d’autres communes en France, Paris, Lyon, Lille, Nantes, Bordeaux, sur lesquelles, il y a eu, quand même, des réflexions et des mises en place de réglementations, qui ont permis d’organiser, de mettre en cohérence, la vie publique et la vie des citoyens et la pratique du tourisme au travers des résidences home et loisirs. A Marseille, nous sommes encore, pour quelques jours, dans la réglementation la plus permissive de France en matière de locations de e-tourisme. On peut avoir, outre son logement, résidence principale -qui peut être loué 120 jours par an ce qui est la loi à ce titre-là-, on peut avoir en plus 5 résidences secondaires, sans compensations, c’est à dire sans re-recréation d’habitations et de logement familiaux, que l’on peut louer sur les plateformes. Dans les autres villes qui étaient confrontées aux mêmes problématiques que Marseille, c’est de 0 (c’est le cas de Paris) à 2, le plus souvent, grand maximum. Donc à Marseille ce sera, à la sortie, une seule résidence secondaire qui pourra être louée, via les plateformes, sur les résidences de tourisme. Un autre volet, concerne la transformation d’un logement d’habitation en local de bureau ou commercial, là aussi, vous voulez changer les choses ? On veut mettre, un petit peu en cohérence. Changer les choses ? Pas forcément sauf pour favoriser l’activité et l’emploi. Ce qui est actuellement en jeu c’est, s’il s’agit de changer l’affectation des locaux, pour l’exercice d’une profession libérale, pendant la durée de l’exercice de la profession libérale, de la personne qui l’exerce, il n’y a aucun problème, elle pourra le faire, elle pourra continuer à le faire. Cette transformation pouvant redevenir du logement, lorsqu’elle cesse son activité. En revanche, s’il y a transformation définitive d’un local, d’une habitation vers une activité, il y aura, nécessairement, compensation par la création de logements. Mais, cette disposition existait déjà. C’est l’ancienne majorité qui avait déjà pris cette délibération. Ce qui est nouveau c’est la problématique de la moitié d’un immeuble. C’est à dire que nous disons aujourd’hui que, lorsqu’une activité, une série d’activités, concerne, pratiquement, la moitié d’un immeuble, il n’est pas souhaitable que la moitié qui reste en logements ne devienne, elle même, en partie, des locaux d’activité. C’est à dire que nous limitons à 50 % les capacités de modifier cet usage sauf si, on est dans certain cas de dérogations: les hôtels étoilés, les auberges de jeunesse, etc. Et vous avez aussi la possibilité, pour les personnes qui s’installent de modifier complètement la destination de l’immeuble entier et de le transformer complètement en immeuble d’activités. Où en êtes-vous avec la production de logements? La production de logements s’est effondrée à Marseille. Mais pourquoi? c’est toute la question. Ce n’est pas forcement à cause du nombre de permis qui sont délivrés, puisque Mathilde Chaboche l’a rappelé, statistiquement le nombre de permis refusés ne sont pas supérieurs à ce qu’ils étaient jusqu’à présent. Cela vient surtout du fait qu’il n’y a plus de permis déposés. En matière de logement social, par exemple, on avait, chaque année, de l’ordre de 1 000 à 1 100 demandes d’agrément de logements sociaux qui étaient déposés à la métropole. En 2020, le chiffre est descendu à 620. Et sera, je pense, aussi mauvais, voire pire, en 2021. On a vraiment un énorme problème, aujourd’hui, à Marseille qui est, la nécessité de produire des logements. Avez-vous des chiffres concernant la production? On dit 3 000, on dit 5 000, tout dépend comment on compte, alors que toutes les filières qui produisent du logement, aujourd’hui, n’investissent plus sur Marseille, se désengagent ou vont investir autour. On a un vrai problème à résoudre qui est de compréhension, de programmations, de la manière dont on veut développer notre ville. Et arriver à cette production, dans les années à venir nécessite de s’y pencher, de recenser, tout ce qui est possible, en matière de foncier, en matière de procédures d’urbanisme, en matière de réhabilitation de logements, dans le centre-ville. Là-dessus, nous comptons, beaucoup, sur le travail que nous menons, avec l’État, dans le cadre de la Spla-In (Société publique locale d’aménagement d’Intérêt national – ndlr) et du PPA (Projet partenarial d’aménagement -ndlr), pour relancer, c’est vraiment le mot, une approche de construction de logements qui soit, à la fois, respectueuse du cadre de vie et des contraintes environnementales que nous nous donnons mais qui permettent quand même de produire les logements dont Marseille a besoin, c’est une ardente obligation, pour tout le monde et partout. Pourquoi les promoteurs boudent-ils Marseille maintenant ? Ils la boudent parce qu’ils ont des problèmes à trouver du foncier à des prix abordables, parce que l’ancienne municipalité n’a eu aucune politique foncière, ces dernières années. Donc, vous n’avez pas de ZAC, vous n’avez pas d’aménageurs ni de réserve foncière. La municipalité a déserté les opérations programmées lourdes, dans le centre-ville, complexes. On recommence à les aborder, via le PPA. Mais on a toute une conjonction de facteurs qui font que les logements qui ne se construisent pas, aujourd’hui, ce sont des permis qui n’ont pas été déposés il y a 3 ans. Dernière question, quel délai pour avoir au moins, un diagnostic ? Je pense que le diagnostic sera produit, avant la fin de l’année. Je vais commencer à y travailler, très, très, sérieusement, dans les jours, à venir. Le maire m’a demandé effectivement de commencer à travailler fortement sur cette problématique de productions et de programmations de constructions de logements. Mon objectif est d’arriver à avoir des conventions d’objectifs avec l’ensemble des partenaires, qu’ils soient promoteurs, qu’ils soient bailleurs sociaux, ou autres, sur les dispositifs de production qui commencent à se mettre en place, dès l’année prochaine. [(Entretien avec Patrick Amico, adjoint au maire de Marseille en charge de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne 210521-006_patrick_amico.mp3 Propos recueillis par Mireille BIANCIOTTO)]