Publié le 10 juin 2021 à 14h39 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 19h14
Ils s’affrontent depuis des semaines à coup de petites phrases dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Alors hier soir, la confrontation Muselier/Mariani annonçait des invectives, de grandes envolées, des attaques en règle. Économie contre sécurité. Pragmatisme contre irréalisme. Il n’en fut rien. Renaud Muselier (LR) et Thierry Mariani (RN) ont mené un combat à fleurets mouchetés comme si, à moins de deux semaines du premier tour, aucun des deux candidats ne souhaitait ou n’avait intérêt à plier le match en laissant les urnes décider de l’issue de l’affrontement. Transports, sécurité, culture, tourisme tous ces thèmes abordés dans un débat plutôt posé.
Gouverner avec qui ?
Interrogé sur leur liste, Renaud Muselier indique avoir construit : «Une liste majorité régionale et non une liste majorité présidentielle. Ma liste est faite de gens compétents. Il y a une personne qui a travaillé jour et nuit pour la vallée de la Roya, un autre qui est dans le comité d’organisation des JO, le doyen de la Faculté de médecine…»
Thierry Mariani lui va continuer sa campagne sur le terrain : «On verra qui sera au second tour et il n’y a pas de question d’accord ou de fusion. Je me présenterai avec la même liste et le même programme au second tour. Les électeurs de droite regardent la liste de Renaud Muselier et les 34 personnes qui soutiennent monsieur Macron.»
Pour Jean-Laurent Félizia (EELV) « Rassemblement écologique et social », pas question de se prononcer sur le choix du second tour avant les résultats du premier : « Le peuple de Provence-Alpes-Côte d’Azur attend autre chose que le Front républicain. Il faut prendre acte du choix des citoyens et des citoyennes. Se retirer au soir du premier tour ? Nous verrons au soir du 20 juin. Il faut arrêter ce jeu, les sondages n’ont jamais fait l’élection.»
Jean-Marc Governatori « L’écologie au centre » est très clair : «Nous soutiendrons la liste la mieux placée pour battre monsieur Mariani. Nous soutiendrons Monsieur Muselier même s’il n’est pas le plus grand écologiste du monde»
Noël Chuisano (DLF) précisera pour sa part: «Notre objectif est de permettre aux électeurs de droite de retrouver un courant de pensée. Nous sommes dans la droite des années 1990 et 2000. Notre liste est composée de citoyens»
Le matheux, le matois et le débutant
Sur les cinq représentants des neuf listes en lice sur le plateau, seuls trois passent la barre des 10% dans les sondages. C’est bien sûr eux vers que les regards vont se tourner au soir du premier tour le 20 juin et c’est eux que nous avons suivis.
Dans le rôle du matheux, Renaud Muselier, le président sortant s’est appuyé sur son bilan pour démontrer son action avec une somme de chiffres et prouver les investissements de la Région notamment dans les transports : «Nous sommes devenus l’une des premières régions de France en matière de transport ferroviaire. On était en queue de peloton avant. Sur le plan économique nous effacerons ou étalerons la dette Covid régionale pour les TPE-PME en difficulté.»
Dans le rôle du matois, Thierry Mariani, il est resté tranquille dans son box, en plaçant quelques phrases clés de son programme sur la sécurité et la préférence régionale: «Nous allons faire passer de 100 à 500 les agents de sécurité ferroviaire pour plus de sérénité dans les trains. Pour les marchés publics nous mettrons des clauses environnementales, un quota d’apprentis et enfin nous demanderons que les ouvriers parlent le Français afin de privilégier les entreprises régionales.» Renaud Muselier rappelle: «C’est illégal ». Thierry Mariani rétorque que Laurent Wauquiez en Auvergne-Rhône-Alpes les utilisent.
Dans le rôle du débutant Jean-Laurent Félizia. Pour son premier débat il a été trop général et trop approximatif pour convaincre. Il milite pour la gratuité des transports régionaux même si «Nous n’avons pas de chiffrage mais nous avons une volonté politique.» Le leader de la liste de gauche ne connaît pas non plus le prix approximatif d’un billet Marseille/Nice. Le programme existe mais il ne semble pas budgété.
Affrontement sur des peccadilles
La soirée avance et toujours peu d’opposition entre les leaders. Ils sont notamment tous les deux d’accord pour «ouvrir les lignes régionales à la concurrence» à l’opposé de Jean-Laurent Félizia qui craint une dégradation du service public. Il fallait quand même bien que les téléspectateurs en aient pour leur argent et voient que les deux frères ennemis en ont sous la semelle. C’est une petite phrase de Thierry Mariani qui va déclencher une passe d’armes et un revers lifté de Renaud Muselier. Alors que les deux candidats échangeaient sur la marque «Sud» de la région en remplacement de « Paca » et que Thierry Mariani demandait «le coût de cette mesure», Renaud Muselier lui a rétorqué: «Tu vis à Paris, ne nous parle pas de la Région tu ne la connais pas !» ». Et Mariani de lui répondre en tentant de dissiper les doutes : «J’y suis né, j’ai grandi à Valréas. J’ai un appartement à Avignon. J’ai même reçu un courrier de la ministre de l’Environnement pour les travaux dans l’appartement». La température est un peu montée, avant de s’en aller reste le digestif. On aborde le thème de la culture.
« Le scénario catastrophe »
Pour filer la métaphore du foot, Mariani avait eu une soirée trop tranquille mais comme souvent l’action peut se passer dans les arrêts de jeux. La culture était l’occasion rêvée pour coincer l’adversaire et marquer des points. Le FN pourfendeur de la culture à l’image de la déprogrammation d’un spectacle de Rap à Chateauvallon (Var) en 1996 puis le combat du directeur de cette scène nationale contre la mairie FN qui aboutit à la dissolution de l’association de Chateauvallon. « C’était il y a 25 ans », justifie Thierry Mariani qui ajoute: «Les choses ont bien changé… Je vois à chaque fois le même scénario quand nous approchons de la victoire, le scénario catastrophe. Je me suis occupé de la culture au conseil départemental, j’ai créé une troupe de théâtre de rue dans ma ville, j’ai présidé les chorégies d’Orange… »
Jean-Laurent Félizia considère: «Le RN est une menace pour la culture, j’ai vécu à Toulon en 1995. La culture est un rempart contre l’insécurité.» Il ne prend pas «le soutien du monde de la culture à Renaud Muselier comme un désaveu de la gauche. La culture permet la liberté et ne résume pas à une tribune.» Accusé, Thierry Mariani s’engage à «financer des associations culturelles qui ne partagent pas nos opinions.» Et Renaud Muselier insiste sur la progression de 30% du budget dédié à la culture sous sa mandature. Décidément il était dit que ce débat serait à l’image de la douceur de cette fin de printemps. Assez reposant malgré quelques invectives.
Joël BARCY