Publié le 23 juin 2021 à  16h11 - DerniÚre mise à  jour le 4 novembre 2022 à  12h47
Il nâest pas dâexcuse valable pour ne pas aller voter lorsque lâon est un citoyen libre dâune dĂ©mocratie.
Alors que dans les dĂ©mocraties, comme en France, on constate une dĂ©saffection pour la vie politique et des abstentions records aux diffĂ©rents scrutins, sous dâautres cieux, comme en Iran, on ne sait plus Ă quoi ressemble une Ă©lection libre. Nous avons oubliĂ© que le droit de vote a Ă©tĂ© obtenu de haute lutte et au prix du sang. Aujourdâhui en Occident, mettre un bulletin dans lâurne est banal, et nous ne mesurons pas la chance que nous avons. Voter ne nous semble plus une nĂ©cessitĂ© existentielle et nous trouvons toutes les bonnes excuses pour ne pas exercer ce droit.
Câest de la faute des Ă©lus !
En tout premier lieu, câest de la faute des Ă©lus qui ne tiennent pas leurs promesses ! Il est vrai que les discours indigents de la classe politique aprĂšs les rĂ©sultats du premier tour des Ă©lections rĂ©gionales et dĂ©partementales avaient de quoi dĂ©sespĂ©rer. Aucune autocritique, aucune prise de conscience de la part des candidats que le signal a Ă©tĂ© bien perçu et quâil Ă©tait urgent dâĂȘtre vĂ©ritablement Ă lâĂ©coute des Français. Une Ă©lection cela nâa pas pour principal objectif de se faire Ă©lire. LâĂ©lu est avant tout au service des Ă©lecteurs. Ceux qui lui ont tĂ©moignĂ© leur confiance mais Ă©galement les autres quâil devrait convaincre du bien-fondĂ© de ses orientations. Dans un pays oĂč il existe une forte tradition du « vote contre », cela devrait questionner mĂȘme les vainqueurs. Quant aux perdants, ils pourraient mettre Ă profit une cure dâopposition pour rĂ©viser leur fondamentaux.
Câest de la faute de la pandĂ©mie
Le besoin de sâaĂ©rer Ă©tait tel quâaprĂšs de longs mois de privation, liĂ©s Ă la crise sanitaire, il Ă©tait impossible de trouver quelques minutes pour Ă©lire nos reprĂ©sentants. Pour dâautres, il y avait un risque de se faire contaminer en faisant la queue ou dans les espaces clos. Il reste Ă prouver que les mĂȘmes appliquent rigoureusement les gestes barriĂšres les autres jours. Mais il est un constat incontournable que durant la pandĂ©mie de Covid-19, le lien social sâest distendu, que les thĂ©ories complotistes les plus variĂ©es ont progressĂ© privilĂ©giant lâindividualisme au collectif. Câest tout cela quâil faut reconstruire. Mais pour que ce soit possible il faut dâabord en prendre conscience.
En Iran, les élections confisquées
Les Iraniens ont Ă©tĂ© appelĂ©s Ă dĂ©signer leur PrĂ©sident. LĂ aussi il y a eu une abstention record mais pour de toutes autres raisons quâen France. Le rĂ©gime des Mollahs a dâabord filtrĂ© trĂšs sĂ©vĂšrement les candidatures pour ne retenir quâun petit groupe dâultraconservateurs. Le Guide suprĂȘme de la rĂ©volution islamique -le vĂ©ritable dĂ©tenteur du pouvoir- a soutenu officiellement lâun des candidats, Ebrahim RaĂŻssi. Il nây a pas eu de vĂ©ritable campagne mais en revanche des affiches gĂ©antes Ă lâeffigie du futur vainqueur ont envahi lâespace public bien avant la consultation. Ce dernier, surnommĂ© «le bourreau de TĂ©hĂ©ran», par les organisations de dĂ©fense des droits humain, a sans surprise, remportĂ© lâĂ©lection.
Lâabstention câest accepter que dâautres dĂ©cident pour nous
Le seul point de comparaison entre la France et lâIran est lâabstention. Ce rapprochement est utile pour nous faire prendre conscience que la libertĂ© dâexpression et le droit de vote ne sont pas universels et des acquis dĂ©finitifs. Câest un combat de tous les instants. Ne pas aller voter, ce nâest pas seulement refuser dâexercer un droit qui nous a Ă©tĂ© offert par le sacrifice de ceux qui nous ont prĂ©cĂ©dĂ©s. Câest restreindre volontairement notre libertĂ© en acceptant que dâautres dĂ©cident pour nous.
Il en est de mĂȘme pour le vote protestataire ou de rejet qui peut amener nâimporte qui au pouvoir. Les Mollahs iraniens nây ont pas accĂ©dĂ© par la force mais par le biais des Ă©lections. Les Iraniens voulant rompre avec lâĂšre impĂ©riale, tout valait mieux que le Shah Mohammed Reza Pahlavi. Les promoteurs de la ThĂ©ocratie chiite, bien quâils aient fait la promesse dâunir tous les citoyens, ont exercĂ© rapidement une rĂ©pression fĂ©roce contre tous leurs opposants jusquâĂ nos jours. Pourtant, leur programme Ă©tait connu, il suffisait de lire les Ă©crits de lâAyatollah Khomeiny longtemps exilĂ© en France Ă Neauphle le ChĂąteau.
La démocratie le pire des régimes ?
A quelques jours du second tour des Ă©lections, candidats et Ă©lecteurs devraient mĂ©diter chaque mot du cĂ©lĂšbre discours de Winston Churchill prononcĂ© en 1947, alors quâil Ă©tait leader de lâopposition. Si tout le monde connait la cĂ©lĂšbre citation «La dĂ©mocratie est le pire des systĂšmes, Ă lâexclusion de tous les autres», il Ă©nonce Ă©galement les devoirs des uns et des autres : «Il devrait y avoir une relation constante entre dirigeants et le peuple » et prĂ©cise que «câest le peuple qui doit rĂ©gner Ă travers le parlement.»
MĂȘme si les critiques sont fondĂ©es, il nâest pas acceptable de faire porter lâentiĂšre responsabilitĂ© de lâabstention aux seuls candidats et dâexonĂ©rer totalement les citoyens qui dĂ©sertent les bureaux de vote. Lâun sans lâautre il nâest point de dĂ©mocratie, raison pour laquelle nous devons nous mobiliser pour le second tour. Car malheureusement, câest lorsque lâon est privĂ© dâun droit que lâon sâaperçoit Ă quel point il Ă©tait indispensable.