Publié le 27 août 2021 à 12h12 - Dernière mise à jour le 9 juin 2023 à 22h22
A peine arrivés au pouvoir à Kaboul, les Talibans voient leur autorité défiée par plus extrémistes qu’eux. L’État islamique au Khorasan vient en effet de commettre au moins deux attentats près de l’aéroport de Kaboul, alors que ce n’est pas du tout dans l’intérêt des Talibans. Et ce ne sont sans doute que les premiers événements d’une longue série.
Les Talibans auront eu a peine le temps de savourer leur victoire militaire sur les Occidentaux que déjà ils doivent faire face à un autre ennemi, intérieur cette fois. Mais ce n’était pas difficile à prévoir. Une fois la « Pax Talibana » imposée en Afghanistan (même si cette pseudo-paix sera cruelle pour les femmes et les défenseurs de droits de l’Homme), les Talibans, essentiellement composés de Pachtounes, voudront à un moment donné reconstituer leur pays, le «Pachtounistan», aujourd’hui partagé ente l’Afghanistan et le Pakistan.
Cette frontière, connue aussi sous le nom de Ligne Durand, a été tracée en 1893, à la suite d’une guerre entre l’Afghanistan et l’empire des Indes britanniques, qui essayait alors de s’agrandir vers l’Est. Cette zone pachtoune au Pakistan est considérée comme « zone tribale » par le Pakistan, où dominent d’autres groupes ethniques.
Dans les prochaines semaines, Islamabad va sans doute devenir un acteur majeur dans la géopolitique régionale. Jusque là, le Pakistan était depuis l’invasion soviétique, un allié objectif des Talibans, les zones tribales offrant des refuges et des bases logistiques pour la lutte contre les soviétiques puis contre les occidentaux.
Pourquoi ? Parce que le principal ennemi du Pakistan, ce n’est pas l’occident, mais c’est l’Inde. L’Inde, avec qui il dispute nombre de territoires, notamment le Cachemire. De nombreuses guerres ont eu lieu entre les deux pays, depuis le départ des Anglais de l’Empire des Indes en 1947.
Tout petit pays comparé au géant du sous continent à l’Est, le Pakistan a besoin de «profondeur stratégique» à l’ouest, c’est à dire en Afghanistan, en cas de conflit ouvert avec New-Dehli, soit pour replier ses troupes, soit pour y organiser des bases logistiques et organiser la résistance en cas d’invasion. Donc Islamabad n’a pas envie d’un pouvoir stable sur sa frontière ouest. Tant que le pays est désorganisé, le Pakistan voit à l’ouest un allié potentiel. Si l’Afghanistan est stabilisé, et qu’en plus, il peut revendiquer une partie du territoire national, alors il devient dangereux pour le Pakistan. De là à dire que le très puissant ISI, le service secret d’Islamabad, est derrière ces attentats de Kaboul, il y a un pas. Mais c’est un petit pas.
Thierry NOIR
Signaler un contenu ou un message illicite sur le site