Tribune de Mgr Aveline. Marseille Plus qu’une ville : un message…

Publié le 31 août 2021 à  19h51 - DerniÚre mise à  jour le 9 décembre 2022 à  14h16

A l’occasion de la visite du prĂ©sident de la RĂ©publique et de l’ouverture du CongrĂšs de l’UICN, Mgr Jean-Marc Aveline dĂ©crit dans une tribune Marseille qui est «plus qu’une ville : c’est un message ! Un message oĂč la dĂ©tresse se mĂȘle Ă  l’espĂ©rance.»

Mgr Aveline ArchevĂȘque de Marseille ©archives Destimed/RP
Mgr Aveline ArchevĂȘque de Marseille ©archives Destimed/RP

En rentrant du pays du CĂšdre, le pape Jean-Paul II avait lancĂ© : «Le Liban est plus qu’un pays, c’est un message ! » Au moment oĂč les regards se tournent vers Marseille, Ă  l’occasion du CongrĂšs mondial de la nature, organisĂ© par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), permettez-moi d’oser dire la mĂȘme chose Ă  propos de ma chĂšre citĂ© phocĂ©enne : Marseille est plus qu’une ville : c’est un message ! Un message oĂč la dĂ©tresse se mĂȘle Ă  l’espĂ©rance.

La dĂ©tresse, parce que Marseille est blessĂ©e dans sa chair. Sous nos yeux, des mafias meurtriĂšres et sans scrupule transforment la jeunesse des quartiers pauvres en chair Ă  canon pour trafics en tous genres : armes, drogues, prostitution, etc. Cet Ă©tĂ©, la liste des morts, de plus en plus jeunes, s’est dramatiquement allongĂ©e et des populations entiĂšres se sont retrouvĂ©es prises au piĂšge de leur environnement.

Quand j’étais enfant, nous habitions les Quartiers Nord, Ă  Saint-BarthĂ©lemy, dans une citĂ© HLM pour agents de la SNCF. Les citĂ©s avoisinantes avaient des noms poĂ©tiques: Font-Vert, La Busserine, La Marine Bleue et La Marine Blanche, Les Rosiers et les Marronniers. Aujourd’hui, ces noms poĂ©tiques sont ensanglantĂ©s, les citĂ©s sont devenues des ghettos et depuis longtemps, dans les autres quartiers de la ville, l’indiffĂ©rence a Ă©touffĂ© l’indignation.

Marseille reste fiĂšre mais elle est meurtrie : d’un cĂŽtĂ©, elle continue de sourire pour charmer les touristes et se distraire au Stade ; de l’autre, elle s’enfonce dans la violence et pleure sa jeunesse. À quand un rĂ©veil des consciences ? Pourquoi et comment les rĂ©seaux de trafic ont-ils pris autant de pouvoir, narguant la RĂ©publique, ses lois et sa justice ? Jusqu’à quand les consommateurs de stupĂ©fiants ne comprendront-ils pas la complicitĂ© qu’ils entretiennent avec les rĂ©seaux de la mort ? Marseille, certes, a besoin de moyens que seul l’État peut lui donner. Mais tous les moyens du monde ne sauraient suffire si les consciences ne se rĂ©veillent pas.

Comme archevĂȘque de Marseille, je veux cependant croire que les consciences ne sont pas irrĂ©mĂ©diablement endormies ou anesthĂ©siĂ©es. Comme le Liban, cette ville est riche d’une Ă©tonnante capacitĂ© d’espĂ©rance, envers et contre tout. Tel est l’autre message de Marseille : rien n’est jamais perdu, pour peu qu’on ait du cƓur !

Sillonnant la ville depuis des annĂ©es, je sais le patient travail des associations de quartier, des clubs sportifs ou des centres sociaux. Je sais le dĂ©vouement de tant et tant d’enseignants, du privĂ© et du public, au service de l’éducation des enfants des quartiers dĂ©laissĂ©s. En tant que responsable de la communautĂ© catholique, je sais Ă©galement le rĂŽle prĂ©cieux des communautĂ©s chrĂ©tiennes qui habitent ces quartiers, dĂ©veloppent du soutien scolaire et accueillent les plus dĂ©shĂ©ritĂ©s. Humblement mais rĂ©solument, des liens se tissent, j’en suis tĂ©moin, entre des croyants de religions diffĂ©rentes, qui prennent soin ensemble des plus pauvres et doivent parfois lutter, au sein mĂȘme de leurs religions, contre les discours de division et d’exclusion. Mais je puis l’affirmer : l’espĂ©rance est invincible, quand elle est portĂ©e par des hommes et des femmes de bonne volontĂ©, quelles que soient leurs religions ou leurs convictions. Et pour le chrĂ©tien que je suis, cette espĂ©rance n’est pas une illusion naĂŻve, car elle procĂšde de la Croix du Christ, mort pour tous afin que tous aient la Vie.

Marseille, as-tu du cƓur ? Oui, je sais que tu en as, et bien plus que pour une cĂ©lĂšbre partie de cartes ! Alors n’aie pas peur de reconnaĂźtre tes plaies et engage-toi Ă  en combattre les causes. Car c’est en assumant sa vulnĂ©rabilitĂ© qu’on trouve le courage de son espĂ©rance. En accueillant le CongrĂšs mondial de la nature chargĂ© d’élaborer de nouvelles recommandations en faveur de la biodiversitĂ© en vue de la COP 15 en 2022, tu attires les regards du monde entier sur les rivages de la MĂ©diterranĂ©e, cette mer qui a tissĂ© ton histoire et te confie son avenir. Profite de cette opportunitĂ© pour te faire l’écho, non seulement de la clameur de la terre, mais aussi de la clameur des pauvres, d’une rive Ă  l’autre de cette mer. Tu le sais d’expĂ©rience : rien ne sert de s’émerveiller devant la beautĂ© de la nature si l’on ne sait pas s’indigner quand une vie humaine est bafouĂ©e. Je te dis tout cela, Marseille, non pas pour te donner des leçons, mais parce que je suis fier d’ĂȘtre Marseillais et que j’ai mal quand ma ville souffre ou est dĂ©nigrĂ©e.

Je te le dis, foi d’archevĂȘque ! Marseille a une belle et grande mission. Plus qu’une ville, elle est un message pour le monde. Aidons-la Ă  rĂ©ussir et le monde rĂ©ussira !
Mgr. Jean-Marc Aveline ArchevĂȘque de Marseille

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