Publié le 4 novembre 2021 à 9h08 - Dernière mise à jour le 2 novembre 2022 à 18h07
l’Ifremer, le CNRS et l’IRD, avec le soutien de la Plateforme Océan & Climat (POC), de Thomas Pesquet et de l’ESA, ont démarré depuis le 25 octobre un tour du monde digital des sciences océaniques et climatiques, baptisé OneOceanScience. Des scientifiques du monde entier participent à l’opération. Ensemble, ils expliquent pourquoi les sciences océaniques sont essentielles pour mieux connaître et protéger l’Océan -«Why ocean science matters? »-. Ils lancent un appel d’urgence : l’Océan nous concerne tous et il doit être au cœur des négociations sur le climat.
Réunis au sein de One Ocean Science, 37 scientifiques de 33 pays dans le monde prennent la parole à travers une série de courtes vidéos sur le site interactif oneoceanscience.com. Ils expliquent pourquoi les sciences océaniques sont essentielles -«Why ocean science matters? »-, comment le climat et l’Océan sont liés et quelles sont les solutions sur lesquelles ils travaillent pour préserver les écosystèmes océaniques et protéger la société face aux impacts du changement climatique. Dans une vidéo filmée depuis la station spatiale internationale, le commandant Thomas Pesquet, astronaute de l’ESA, partage également sa vision de l’Océan et exprime son soutien aux scientifiques. Grâce à l’appui de la Plateforme Océan & Climat (POC), la campagne OneOceanScience est également présente à la COP26 à Glasgow pour porter la voix des sciences océaniques au-devant de la scène des négociations internationales lors de la journée de l’Océan le 5 novembre.
Océan et climat sont intimement liés
Le temps est venu de considérer l’Océan à sa juste valeur. Recouvrant plus de 70 % de notre planète, l’Océan nous connecte, nous nourrit, nous fournit de l’énergie, nous soigne, nous fait rêver… «L’Océan est le thermostat de notre planète. Il a déjà absorbé 30 % du CO2 que nos sociétés ont émis depuis le début de l’ère industrielle et continue de stocker d’immenses quantités de chaleur atténuant ainsi les effets du changement climatique. Toute la question est aujourd’hui de comprendre comment l’océan fonctionne pour savoir jusqu’à quand il pourra nous protéger. C’est notre défi quotidien», témoigne Virginie Thierry, chercheuse en océanographie physique à l’Ifremer qui suit le réchauffement climatique jusque dans les profondeurs de l’Océan grâce à des flotteurs autonomes Argo.
Des actions immédiates et proactives sont requises
« L’océan abrite une biodiversité marine incroyable. Nous avons déjà décrit des milliers d’espèces marines, mais vu l’étendue de l’océan, selon certaines estimations nous ne connaîtrions que 10% de sa biodiversité. Des fosses sous-marines obscures à la clarté des eaux des récifs coralliens, la survie de ces espèces dans la nouvelle ère de l’Anthropocène est incertaine. Certains écosystèmes comme les récifs coralliens, qui abritent à eux seuls un quart de la biodiversité marine, sont en péril : 70 à 90% pourraient disparaître si la température augmente de 1,5°C selon le GIEC. Or ces écosystèmes sont vitaux pour plus d’un demi-milliard de personnes. Alors aujourd’hui il n’est plus suffisant de documenter leur état de santé et leur déclin, des actions immédiates et proactives sont requises si nous voulons les protéger. La recherche se mobilise pour tester, développer et mettre en œuvre des solutions innovantes pour préserver ces écosystèmes face aux changements climatiques que connaît la planète», indique Laetitia Hédouin, chercheuse en océanologie biologique et environnement marins au CNRS qui travaille principalement sur les coraux, leur évolution et les moyens de les protéger.
Les modèles scientifiques montrent qu’il existe des solutions
«Les modèles développés par l’IRD et ses partenaires servent à représenter le fonctionnement des écosystèmes marins, pour projeter leur évolution sous influence du changement climatique et des pressions anthropogéniques», explique Yunne Shin, chercheuse en biologie marine à l’IRD et présidente du conseil scientifique du Programme prioritaire de recherche (PPR) OcéanClimat- Elle poursuit: «Véritable synthèses des connaissances sur l’océan, ils constituent de formidables outils pour proposer une vision de l’océan futur aux différents acteurs de l’océan – décideurs, gestionnaires, secteur privé, citoyens. Les modèles scientifiques montrent qu’il existe des solutions et mesures que nous pouvons actionner aujourd’hui pour se replacer dans une trajectoire soutenable en 2030 et permettre aux générations futures de vivre décemment, équitablement et en harmonie avec l’océan ».
L’Océan «subit de plein fouet les impacts des activités humaines…»
«L’océan est immense, tant en surface qu’en profondeur. En outre, il est varié, des pôles aux tropiques, des côtes au large. Il subit de plein fouet les impacts des activités humaines, en se réchauffant, en s’acidifiant, en se désoxygénant. Le protéger est donc urgent et requiert toutes les forces collaboratives des communautés scientifiques. En effet, étudier et quantifier la complexité des processus océaniques pour envisager des solutions requiert un effort collectif majeur. C’est la motivation et l’esprit du Programme prioritaire de recherche Océan et climat», affirme Catherine Jeandel, chercheuse en géochimie marine au CNRS et co-pilote du Programme prioritaire de recherche (PPR) Océan et climat. Aujourd’hui, le message de la communauté scientifique est clair et les faits sans appel : notre avenir dépend d’un Océan sain et les connaissances produites par les scientifiques sont essentielles pour mieux le protéger.
One Ocean Science, porte-voix des sciences océaniques à la COP26
Financé par le Programme Prioritaire de recherche Océan-Climat et labellisé comme action de la Décennie des sciences océaniques au service du développement durable de l’ONU, One Ocean Science ouvrira la journée Océan de la COP26 – Ocean Action Day – ce vendredi 5 novembre à Glasgow. François Houllier, Président-directeur général de l’Ifremer à l’initiative de la campagne One Ocean Science déclare: «Resté trop longtemps en marge des négociations sur le climat, l’Océan doit être au cœur des décisions politiques. Le processus de reconnaissance du rôle primordial de l’Océan est en marche : en France, avec le lancement du Programme prioritaire Océan et Climat piloté par l’Ifremer et le CNRS, mais aussi en Europe à travers la mission « Restore our ocean and waters » et à l’ONU avec le lancement de la Décennie des sciences océaniques au service du développement durable. Pour amplifier cette dynamique positive, j’invite chacun à suivre et partager « One Ocean Science », ce tour du monde digital, pour faire entendre plus encore la voix des sciences océaniques sur la scène internationale.»
«L’Océan et le Climat sont deux univers indissociables»
Valérie Verdier, Présidente-directrice générale de l’IRD souligne : «Quand nos chercheurs et partenaires internationaux inscrivent leurs recherches sur les océans dans une réflexion interdisciplinaire s’appuyant sur des expertises en écologie, géographie ou encore dans les domaines socio-économiques, ils y intègrent également les dimensions culturelles et les savoirs endogènes. Ils fondent ainsi leurs approches sur des échelles tant locales que globales et nous rappellent combien l’Océan et le Climat sont deux univers indissociables. Préservons l’Océan, il a besoin de nous tous et maintenant».
«Le point de rencontre de nombreux défis stratégiques»
Pour Antoine Petit, Président-directeur général du CNRS : «L’océan est le point de rencontre de nombreux défis stratégiques. Aujourd’hui, la recherche sur l’océan s’impose au niveau mondial comme une nécessité pour la Terre et pour notre avenir. Le CNRS s’appuie sur ses forces de recherche pluri et interdisciplinaires pour aborder l’océan aussi bien par la philosophie, le climat, la sociologie, la physique, le droit maritime, la biodiversité, et bien plus encore. Il se mobilise avec ses partenaires pour
faire connaître au plus grand nombre l’état critique de l’océan, et les réponses qui émergeront de la recherche. Ce n’est que collectivement que nous pourrons agir. Et pour l’océan, le temps est compté.»
Grâce à son relais dans une trentaine de pays, la campagne OneOceanScience espère toucher plus de 7 millions de personnes dans le monde et les sensibiliser ainsi à l’urgence de préserver l’Océan.
Michel CAIRE
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Conclusion présentée par Valérie Verdier, Présidente-directrice générale de l’IRD
«Avant toute chose, je souhaitais remercier sincèrement l’Ifremer et son PDG, François Houllier, pour cette invitation faite à l’IRD à porter conjointement avec le CNRS l’initiative One Ocean Science.
Cette initiative montre notre capacité, nous acteurs français de la Recherche, à nous coordonner, à nous unir et à œuvrer en commun pour un intérêt supérieur, celui de l’Océan. Nous l’avions parfaitement illustré déjà autour de l’agenda de la biodiversité et du climat cette année (par exemple à l’UICN). Aujourd’hui nous unissons nos forces et nos voix pour l’Océan. Un océan qui fait non seulement partie intégrante des enjeux autour du climat et de la biodiversité mais qui en détient aussi les clés et sans doute les solutions.
A l’IRD, comme pour les 37 partenaires de la recherche des 33 pays mobilisés, l’océan et les sciences océaniques comptent. L’initiative One Ocean Science se veut l’Ambassadrice d’une conscience, collective, internationale qui relaie la voix des sciences océaniques à destination de nos concitoyens (on l’espère du plus grand nombre) et cette ambition est la même partout dans le monde.
A travers un mot d’ordre commun, One Ocean Science (OOS) permet de mettre en lumière la diversité des approches par lesquelles la communauté scientifique du monde entier s’emploie à préserver ce bien commun de l’Humanité qu’est l’Océan. One Ocean Science démontre, combien, l’ensemble de nos scientifiques éclairent par leurs recherches les décisions en faveur de la lutte contre le changement climatique, comment ils œuvrent à la préservation des écosystèmes et de la biodiversité océanique, mais aussi comment ils tentent de déterminer les conditions de la soutenabilité/durabilité des activités humaines et des sociétés qui sont impactées par ces changements globaux.
Les interventions de mes collègues montrent combien l’Océan nous importe et en quoi les approches développées sont complémentaires pour comprendre et protéger l’Océan:
– De « l’océan régulateur et modérateur », ce « thermostat géant du changement climatique » présenté par Virginie Thierry,
– A « l’océan des écosystèmes et foyer de la biodiversité (les récifs coralliens sentinelles de l’Océan » présenté par Yunne Shin et Laetitia Hédouin,
– En passant par PPR outil de notre politique scientifique nationale nécessaire pour une bonne coordination de nos actions, et qui nous aide à formuler des réponses concertées et des solutions pour éclairer les décideurs.
La science apporte aussi des éclairages quant à l’appréhension des sociétés sur ce bien commun et le rapport que les sociétés entretiennent avec l’Océan. Les approches que nous défendons tous et en particulier à l’IRD à travers notre interdisciplinarité et le prisme de la « Science de la Durabilité », favorisent l’écoute des savoirs locaux et des attentes des populations. Car si l’Océan est un bien commun et universel, les particularismes dans nos zones d’intervention (intertropicales et Outre-Mer pour l’IRD) imposent aussi un regard spécifique et adapté.
La démarche One Ocean Science s’inscrit pleinement dans la Décennie des Nations-Unies pour les Sciences océaniques au service du développement durable, appelant à « la science dont nous avons besoin pour l’océan que nous voulons », mais que je retourne en disant « La science que nous voulons pour l’Océan dont nous avons besoin ». Car c’est maintenant qu’il faut nous engager plus encore et agir en faveur de l’Océan et des écosystèmes qui le composent pour le bien du climat, de la Planète et des populations.
Le site internet de l’initiative et nos réseaux sociaux permettront de sensibiliser et d’apporter des éléments de compréhension sur ces enjeux. D’ici au 5 novembre, qui sera la journée dédiée à l’Océan lors de la COP26 de Glasgow, je vous invite à visiter le site oneoceanscience.com qui est en ligne. Nous disposons d’un océan de solutions pour le monde (pour reprendre la dénomination du PPR), car l’Océan compte mais il compte aussi sur nous.»)]