Prix du photojournalisme et du jeune reporter du Club de la presse Marseille Provence: Anthony Micallef et le duo Alice Gapail et Nicolas Beublet

Publié le 15 décembre 2021 à  17h03 - Dernière mise à  jour le 3 novembre 2022 à  9h43

Le club de la presse Marseille Provence-Alpes du Sud a décerné le prix du Photojournalisme à Anthony Micallef pour une photographie sur une fanfare dans les quartiers Nord de Marseille présente lors de l’inauguration de l’Après M (ex McDo). Les photographies des finalistes sont visibles sur les grilles du Palais de la Bourse. Le prix du jeune reporter Albert-Camus revient à Alice Gapail et Nicolas Beublet, étudiants en journalisme.

Anthony Micallef prix du photojournalisme devant sa photo accrochée aux grilles du palais de la Bourse © Nicolas VALLAURI
Anthony Micallef prix du photojournalisme devant sa photo accrochée aux grilles du palais de la Bourse © Nicolas VALLAURI

Les grilles extérieures du Palais de la Bourse (côté Canebière) accueillent jusqu’au 14 janvier 2022 la 4e édition de l’exposition de photographies sélectionnées dans le cadre du Prix du Photojournalisme. Une édition mettant cette année à l’honneur 20 photographies publiées et réalisées lors d’un reportage sur le territoire de la Provence et des Alpes pendant l’année 2021. Son lancement s’est accompagné de la remise de deux prix créés par le Club de la Presse Marseille Provence Alpes du Sud : celui du Photojournalisme, qui revient à Anthony Micallef et celui du Jeune Reporter- Prix Albert Camus, à Alice Gapail et Nicolas Beublet. Tous deux sont organisés en partenariat avec le Crédit Agricole Alpes Provence.

Une profession en souffrance

A travers ce Prix et l’exposition qui lui est rattachée, le Club de la Presse Marseille Provence Alpes du Sud met en lumière et récompense chaque année une profession en souffrance : la photographie de presse. Que ce soit en presse écrite, digitale ou audiovisuelle, jamais l’image n’a occupé une place aussi centrale dans les médias. Paradoxalement, jamais les photographes n’ont eu à travailler dans une telle précarité.

«La loi n’est pas toujours respectée par les entreprises d’information»

Pour Claude Almodovar, Président du Jury, photographe et membre du Comité d’Administration du Club de la Presse : « La loi n’est pas toujours respectée par les entreprises d’information, voire même ignorée ou bafouée, avec des reportages de commande payés en droits d’auteur alors qu’ils devraient être rémunérés en salaire.

L’évolution technologique participe à la fragilisation d’un métier pourtant indispensable à une information de qualité. L’émergence du numérique a certes permis de réduire les coûts de production de l’image pour les entreprises de presse, mais a plus encore pénalisé l’emploi de professionnels chargés de les produire».

Cette exposition est l’occasion de montrer «combien la photographie d’actualité, partie intégrante de notre quotidien, est essentielle et indispensable aux métiers de l’information pour lire et comprendre le monde. Reflet subjectif et non-exhaustif de l’actualité de notre région durant l’année 2021, les œuvres de ces photojournalistes professionnels nous rappellent la force, la qualité et l’originalité d’une photographie pour dire le monde autrement.»

«Si on connaissait mieux son voisin»

La fanfare du Pompier Poney Club jouant à l’occasion de l'inauguration de la plateforme d'aide alimentaire
La fanfare du Pompier Poney Club jouant à l’occasion de l’inauguration de la plateforme d’aide alimentaire

Cette année, 13 photographes et 20 photographies au format 150×200 cm sont mis à l’honneur, sélectionnés par un jury de professionnels du monde du journalisme et de la Culture : Pierre Ciot (photographe et Président de la Saif), Daniel Cole, (photographe et lauréat du Prix 2020), Luc Georget (conservateur en chef du Musée des Beaux-Arts de Marseille), Alain Paire (journaliste et écrivain) et Claude Almodovar (photographe et Président du Jury). Les photographes sélectionnés étaient : Théo Giacometti, Patrick Box, Estelle Doher, Anthony Micallef, France Keyser, Valérie Suau, Valérie Vrel, Eric Franceschi, Nicolas Vallauri, Nicolas Tucat, Robert Terzian, Camille Dodet et Gilles Bader. Le jury a choisi une photographie d’Anthony Micallef lequel devait lancer: «C’est génial que ce Prix existe. Nous sommes dans un monde où on voit de plus en plus de photos instantanées et de moins en moins de photojournalisme qui donne du sens. La photographie primée représente la fanfare de l’inauguration de la plateforme alimentaire « l’Après M », ancien McDonald’s de Sainte-Marthe dans les quartiers Nord, repris par d’anciens salariés du McDo et des associations. Un lieu où j’ai vu des files de 800 personnes venues s’approvisionner pendant la Covid. Un espace qui fait aussi du lien, chose dont nous avons tellement besoin. Car si on connaissait mieux son voisin certains candidats seraient moins haut dans les sondages».

« Les vies d’Albert Camus »

Le prix du jeune reporter Albert-Camus revient à Alice Gapail et Nicolas Beublet, étudiants en journalisme © Nicolas VALLAURI
Le prix du jeune reporter Albert-Camus revient à Alice Gapail et Nicolas Beublet, étudiants en journalisme © Nicolas VALLAURI

Jean-Luc Chauvin, président de la CCI Aix-Marseille Provence, se félicite d’accueillir une nouvelle fois, cette manifestation au sein du palais de la Bourse. «Nous ne faisons pas qu’accueillir sur nos grilles cette exposition, nous entendons la mettre en valeur. Elle va ainsi s’inscrire dans une opération pilotée par l’Office du tourisme: une visite guidée qui comprendra la découverte du palais de la Bourse et un goûter avec un café ou un chocolat chaud et un cake». Il rappelle que, dans le cadre de l’événement «Journalistes, vos papiers » au Palais de la Bourse, la projection du documentaire «Les vies d’Albert Camus» a été suivi par un temps d’échanges en présence de Georges-Marc Benamou, journaliste, écrivain et réalisateur. Une présence liée au fait que, pour sa quatrième édition, le prix du jeune reporter a adopté le nom d’Albert Camus, homme de théâtre, romancier, philosophe mais aussi journaliste.

Il propose cette année à des jeunes de moins de 26 ans d’écrire à la manière d’Albert Camus en travaillant sur un article de 7 000 signes maximum. Georges-Marc Benamou indique: «Il y aurait un journalisme français d’opinion et un journalisme anglo-saxon factuel. La chronique de Camus « Misère de la Kabylie », publié en 1939, montre à quel point cette idée est fausse tant Camus y conjugue opinion et factuel et prouve à quel point il était aussi un immense journaliste».

Le jury du prix du jeune reporter -composé d’Hervé Nedelec, Alexandre Alajbegovic, Caroline Bindel, Pauline Lefrançois ainsi que Rislène Achour et Hervé Vaudoit- a sélectionné cinq projets de reportage pour la finale travaillés par Nicolas Beublet et Alice Gapail ; Eléna Lébely et Zoé Cottin ; Jules Careau ; Nina Cardon ; Marie Lagache.
Michel CAIRE


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Prix du Jeune Reporter- Prix Albert Camus

Reportage « à Saint-André, vivre avec l’injustice de la pollution

Prix jeune reporter © DR
Prix jeune reporter © DR

Depuis des années, Saint-André étouffe. Coincés entre un port et une autoroute envahissants, les habitants questionnent les maladies et allergies dont ils sont victimes. Reportage dans un quartier où la pollution est vécue comme une injustice

«Je vais vous emmener voir le monstre là-bas », lance Élisabeth Pelliccio, présidente du Comité d’intérêt de quartier de Saint-André. Le monstre, c’est le Wonder of the Seas. Le plus grand paquebot du monde avec 362 mètres de long. À son bord, un vrai « paradis » : une tyrolienne de 24 mètres, deux murs d’escalade, et même une patinoire sont à disposition des 6 988 personnes qu’il peut accueillir. Arrivé le 9 novembre à Marseille, le bateau situé près de Saint-André repartira en mars 2022. « Et en plus, il tourne au gasoil », regrette Élisabeth, que nous rencontrons pour évoquer la pollution du quartier.

À Saint-André, le calme contraste avec l’agitation environnante. D’un côté l’autoroute du littoral et ses milliers de voitures, de l’autre le port et ses dizaines de paquebots. Ici, ce qui frappe en premier c’est l’odeur. Comme un mélange de gasoil et de fumée dans un air dense et épais. Dans les collines, au-dessus des bâtiments, se dessine un léger voile noir. Les habitants, eux, n’ont pas l’air dérangés. Après plusieurs heures, notre gorge commence à piquer.

Face à Élisabeth et Denis Pelliccio, nous remettons nos masques, justifiant une sensation désagréable. « C’est la pollution ça. On y est habitué nous, explique Élisabeth : Et encore, c’est pire l’été. Avec l’ozone, les gens ne sortent plus de chez eux. Ils suffoquent. » Pour elle, le problème vient avant tout du manque de volonté des politiques à agir. «Le port, par exemple, n’est doté d’aucun capteur de qualité de l’air et ils refusent de le faire» explique Élisabeth, d’après qui «ne pas savoir et faire semblant leur permet de continuer à développer les activités économiques».

« J’ai l’impression de la subir, cette pollution.»

Pour mesurer la pollution, Élisabeth a placé en décembre 2020 un capteur de qualité de l’air sur son balcon. Les résultats concernant les particules fines sont effrayants : le seuil de référence de l’OMS indique une concentration maximale moyenne de 15 µg/m3 de particules fines PM2,5 pendant 24 heures. Sur la journée du 26 novembre, la concentration moyenne dans l’air était de 72 µg/m3. Selon le site Purpleair, qui recense les « capteurs citoyens », «Il pourrait y avoir un risque pour les personnes exposées pendant 24 heures (à cette concentration de PM2,5).» Les habitants de Saint-André le sont toute l’année.

Cette pollution, Annie, une ancienne secrétaire ayant toujours vécu ici, la remarque tous les jours. Elle vit sur le chemin du littoral, juste en face des quais de croisière. D’après elle, le trafic routier s’est accéléré avec le développement du port. Elle se lâche, excédée : «Moi j’ai l’impression de la subir, cette pollution. Surtout le port et ses bateaux de croisière qui fument toute la journée à quai. Ça me fait très peur. » Un sentiment matérialisé dans son jardin : «On a des grands ifs pointus et quand mon mari les taille, à l’intérieur c’est tout noir. D’ailleurs ses bras le sont aussi, comme s’il avait travaillé sur un moteur de voiture.» Même chose sur sa table de jardin, ses vitres et sa terrasse : «Quand je nettoie, la serpillière est noire.» Depuis quelque temps, Annie est fréquemment touchée par des toux irritatives et des démangeaisons au niveau des yeux. «Beaucoup de copines ont le même problème. Pour ma part, je mets des gouttes dans les yeux, prescrites par le médecin.»

« Bien sûr qu’on peut établir un lien entre l’irritation des yeux et la pollution puisque les allergies augmentent avec les facteurs polluants », confirme François Bérengier, médecin généraliste à Saint-André, avant de soulever d’autres effets sur sa patientèle : «Il y a une majoration des pathologies respiratoires existantes comme l’asthme ou la bronchite chronique.» Cependant, il reste mesuré : «Toutes ces pathologies peuvent être plurifactorielles mais sur Saint-André, la pollution en est probablement la cause principale. C’est un ressenti. Ce n’est pas chiffré », regrette le docteur, pour qui «mener des études sur la question ne serait pas idiot.»

Un enjeu sanitaire important

Claire, préparatrice en pharmacie dans le quartier, va même plus loin. « Je ne suis pas experte des maladies liées à la pollution, mais ce qu’on voit surtout, c’est une multiplication des cancers. Récemment il y a eu beaucoup de cancers du sein», raconte-t-elle avant d’ajouter : «Je travaillais dans le centre de Marseille et je peux vous dire que je vois la différence.» En énumérant le nombre d’activités polluantes qui entourent Saint-André, «les voitures sur l’A55, le port, les usines vers Martigues à 40 kilomètres, les avions qui passent au-dessus de l’Estaque», elle conclut : « On n’a pas le choix et c’est tous les jours… »

Le cancer du sein, c’est un fléau qu’Élisabeth Pelliccio connaît bien : «Il y a deux ans, j’ai été malade pour la troisième fois. On était cinq femmes à avoir un cancer du sein en même temps.» Un an avant, un garçon âgé de dix ans décède d’une tumeur au cerveau. Trois enfants auraient également été touchés par cette pathologie à la même période. Tous habitaient dans le quartier ou à proximité.

Le cardiologue Pierre Souvet, cofondateur et président de l’Association santé environnement France explique les liens entre cancers et pollution : «Il est sûr que les particules fines, rejetées en grande partie par les voitures et dans une moindre mesure par les paquebots, sont un facteur de risque cardiovasculaire, mais on sait aussi que ça augmente les risques de cancer : poumon, vessie, et cancers du sein, comme l’a montré une récente étude française. » Le docteur expose la dangerosité de ces particules fines pour les femmes enceintes : «Quand la mère est exposée, elles touchent le fœtus par le placenta. À ce moment-là, il y a plus de risques de fausses couches et d’hypotrophie du fœtus à la naissance.» Au téléphone, la liste semble interminable. «Un diabète sur sept serait lié à la pollution de l’air. Et il y a des trucs encore plus compliqués, comme l’insuffisance rénale… Mais on n’en parle pas là », se freine-t-il.

L’électrification des quais se fait attendre

Quand nous le questionnons sur des alternatives, Pierre Souvet est clair : «Il y a des solutions : l’électrification des quais, c’est une priorité.» S’il interpelle le port, c’est parce que d’après lui, il s’agit de la technique la plus simple à mettre en œuvre. Il reconnaît tout de même : «Ça demande un investissement lourd, mais ça en vaut la peine», avant de conclure : «Je sais que le directeur du port n’a pas compris que l’enjeu était important et qu’il fallait aller plus vite.»

Nous avons contacté le port afin de leur exposer les témoignages recueillis. Dans un mail, le service communication dit entendre les habitants : « Le port de Marseille Fos comprend l’impatience des riverains et nous faisons notre maximum pour maintenir un calendrier déjà contraint.» Les travaux d’électrification des quais ont débuté en 2017. « La transition énergétique est un impératif pour le port, qui s’y est engagé, et il tiendra ses engagements, avance l’attachée de presse, qui précise : Le port de Marseille Fos est une référence en matière de connexion électrique des navires à quai.» Les paquebots de croisière devraient être les derniers équipés, en 2025. Selon Atmosud, cette zone du port est celle où le plus d’oxyde d’azote est émis. Un gaz responsable de pathologies cardiaques et d’asthmes, selon le cardiologue Pierre Souvet. Des solutions temporaires ont toutefois été mises en place, comme la réduction de la vitesse à l’approche des quais ou l’utilisation de carburants moins polluants. Un constat qui fait rager Denis Pelliccio : «Ils parlent en années et je parle en morts. Les générateurs d’électricité sur les ports c’est maintenant qu’il faut les mettre !»
Alice Gapail et Nicolas Beublet )]

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