Publié le 14 janvier 2022 à 12h21 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 11h42
Daniel Salenc, le président de la Chambre des métiers des Bouches-du-Rhône, vice-président de la CPME 13, artisan boulanger-pâtissier ne décolère pas. La raison? L’annonce faite par Michel-Édouard Leclerc de vendre la baguette dans ses magasins à 29 centimes d’euros. Entretien
Destimed: Daniel Salenc, Michel Édouard Leclerc vient d’annoncer qu’il bloquait le prix de la baguette, pendant au moins quatre mois, à 29 centimes d’euros au nom de la défense du pouvoir d’achat en quoi cela vous choque-t-il?
Daniel Salenc: Parce que cela détruit les valeurs de toute une filière, des producteurs de blé aux boulangers. Cela fait des années que le gouvernement nous demande de faire des efforts, en termes de qualité et de juste rémunération des producteurs. Car, il faut savoir qu’en mars, la France va présenter la baguette au patrimoine culturel de l’Unesco. Et je n’oublie pas que l’on nous demande de travailler en circuit court, en réduisant la quantité de gluten. Et c’est dans ce contexte qu’arrive le lancement par le groupe Leclerc, ce 13 janvier d’une baguette de pain à 0,29 euro, pour au moins quatre mois, au nom de la défense du pouvoir d’achat des Français. Je rappelle également que nous étions considérés comme essentiel pour la Nation pendant la crise c’est à dire que nous n’avons pas fermé, nous n’avons pas eu d’aides, nous ne sommes pas dans le nouveau monde que l’on dit vouloir créer. Notre filière est affaiblie, que cherche cette enseigne, une opération de communication? Elle a raté son but ou bien veut-elle mettre à bas notre filière.
Comment se porte votre profession?
Les français mangent de moins en moins de pain. Il faut savoir que l’immense majorité des boulangeries sont des TPE/PME où les propriétaires travaillent 12 à 15 heures par jour six jours sur sept pour un salaire de 2 500 euros net par mois en moyenne. Et, en faisant passer le message qu’on peut vendre une baguette à 29 centimes on laisse entendre quoi? Que les boulangers, les salariés seraient des voleurs alors que le prix du beurre a doublé, le cours des céréales connaît également une flambée… Je tiens à préciser que le prix d’une baguette c’est 22% de blé, 48% de salaire, 6% de taxe, 6% de charges et de loyer, 5% d’énergie avec, là aussi, des prix qui augmentent. Tout cela fait que le prix moyen d’une baguette est de 87 centimes. C’est à dire que lorsque l’on vend en moyenne 350 baguettes par jour on gagne, en fin de semaine… 25 euros. Et le prix de la baguette n’a augmenté que de 23 centimes d’euros en 21 ans, c’est dire si notre profession est responsable.
Mais que comptez-vous faire?
Déjà nous cherchons qui vend ce blé 12 centimes le kilo à Leclerc quand nous nous l’achetons entre 52 et 90 centimes le kilo. D’où vient ce blé, est-il d’origine France? Si ce n’est pas le cas qui l’achète pour le revendre à ce prix? D’autre part, j’écris une lettre au ministre de l’Économie pour lui demander de réagir. De même, nous demandons aux élus municipaux, départementaux, régionaux… de se positionner, de défendre notre filière et, au-delà, nous demandons à la population qui nous connaît, avec laquelle au fil des jours nous nouons des liens, qui mesure à quel point il est important d’avoir des établissements de proximité comme les nôtres d’être à nos côtés, d’autant que nous, nous ne délocalisons pas et nous achetons dans les quartiers, les villages où nous sommes installés.
Propos recueillis par Michel CAIRE