Rencontre avec Adrien Rouyard en tournée avec ‘La réponse des hommes’ de Thiphaine Raffier

Publié le 25 janvier 2022 à  19h23 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  12h30

En deux scènes parmi toutes celles qu’il joue dans la pièce «La réponse des hommes», chef d’œuvre théâtral écrit et mis en scène par Thiphaine Raffier, que l’on a pu voir à La Criée en décembre, Adrien Rouyard frappe les esprits.

Adrien Rouyard est passionné par les auteurs russes et... Jean-Luc Lagarce ©DR
Adrien Rouyard est passionné par les auteurs russes et… Jean-Luc Lagarce ©DR

Dans la peau de Cédric Horrocks tout d’abord soldat né le 7 septembre 1995 à Roissy-en-Brie qui a vu son supérieur Martial Dôle bénir son uniforme, au grand dam de Guérande qui les ayant vus s’est en quelque sorte révolté contre ce geste apparemment insensé. Face à la Présidente du Tribunal qui instruit le procès à la suite de la mort de Guérande, où il est entendu comme témoin, Adrien Rouyard semble multiple. Homme de courage rompu aux combats, il apparaît ici dans cette partie intitulée «Vêtir ceux qui sont nus» une sorte d’enfant perdu dont les relations quasi passionnelles avec Martial lui tiennent lieu de vêtements contre l’angoisse, la mélancolie, le désamour de soi.

Adrien Rouyard né à Bonneville entre Chamonix et Annecy le 20 août 1992 ne surligne rien dans cette scène fort émouvante et terriblement complexe dans ce qu’elle suppose de la manière dont le tandem Cédric-Martial interroge sa façon d’être au monde. Plus poignante encore dans la partie «Visiter les prisonniers» où il incarne Cyprien, visiteur de prison membre de l’Association «Libérer la miséricorde» venu s’entretenir avec Samy, un prisonnier dont on apprend le forfait par touches successives. «Incarcéré depuis vingt ans et ne croyant plus en la miséricorde ni à la bonté humaine, Samy, en faisant état d’un récit personnel essaie de faire douter Cyprien et de remettre en cause la possibilité du pardon. En cela ces deux personnages me touchent.» Très investi dans cette production menée de main de maîtresse-femme par Tiphaine Raffier, sentant d’emblée que ce projet l’interpellait, Adrien confie avoir rencontré la metteuse en scène à l’École du Nord «où on devait lire des textes devant des tableaux». Puis, il ajoute qu’elle l’appela pour passer une audition afin d’intégrer sa pièce. «J’ai senti d’emblée quand je fus engagé sur « La réponse des hommes » que c’était un spectacle important et que je pouvais apprendre beaucoup sur le thème de la miséricorde. J’étais heureux, et cette aventure m’a transformé.»

Travail sur la voix

Faculté de droit, à Grenoble, Adrien Rouyard comprit très vite cependant qu’il voulait devenir comédien. «Je le savais au fond de moi. Et je me suis alors forgé une culture cinématographique et en découvrant les acteurs l’idée m’est venue de monter à Paris, direction le Cours Florent en classe libre où j’ai eu des professeurs remarquables. J’ai acquis des notions d’anglais et d’italien, j’ai travaillé la voix quand j’ai intégré l’école du Nord à Lille, où j’ai appris beaucoup avec Christophe Rauck, Jean-Pierre Garnier, Alain Françon, Guillaume Vincent, Thomas Quillardet, Lorraine de Sagazan, Maguy Marin… et Cécile Garcia-Fogel ma marraine de promotion. Elle a été déterminante dans mon parcours notamment dans ma façon de me déplacer.» Il explique que cela lui a été très utile dans son travail avec Tiphaine Raffier sur «réponse des hommes», «qui est une metteuse en scène qui tend un miroir à l’acteur l’invitant à un voyage, un questionnement. Convoquant une pluridisciplinarité des corps de métiers elle réussit dans sa pièce à saisir le spectateur en ne le laissant pas respirer. Cette pièce où l’on voit surgir des œuvres différentes c’est pour moi un spectacle total avec des théâtralités différentes, un spectacle sur le questionnement de la morale, de la liberté, sur le vertige aussi.» Il évoque alors son personnage de militaire Horrocks : «Je me vois comme un être qui a un désir caché. Quant à Cyprien, il incarne l’idée que « tout le monde a droit à la miséricorde » et il est dans le pardon. Je les joue oui, de manière bien sûr réfléchie mais de façon éminemment physique.»

Passion pour les auteurs russes… et Jean-Luc Lagarce

Quant à savoir ce qu’est pour lui un grand auteur, Adrien Rouyard répond : «C’est celui qui développe une grande pensée, qui arrive à nous faire réfléchir sans nous donner de réponses, qui permet d’installer le vertige chez le spectateur. En ce sens j’aime le Tchekhov d’Oncle Vania pièce qui demeure ma porte d’entrée au théâtre, Gorki, tous les auteurs russes sans oublier Jean-Luc Lagarce qui est un dramaturge considérable, et les auteurs qui comme Claudel nous déplacent sans que l’on s’en aperçoive immédiatement, et qui change notre regard sur le monde.»

Dans le Richard II de Shakespeare revu par Christophe Rauck

Acteur puissant et très inventif, Adrien Rouyard a joué en 2021 dans «Droit de Visite» (hors les murs du Théâtre National de La Colline) spectacle écrit et conçu par Alexandra Badea et dirigé par Madalina Constantin. Fourmillant de projets, il retrouvera Christophe Rauck dans sa mise en scène de Richard II, la pièce de Shakespeare qui sera jouée par Micha Lescot dans le rôle titre et que l’on verra en juin 2022 en Avignon. A ses côtés, on trouvera Emmanuel Noblet, fantastique metteur en scène du «Discours» d’après Fab Caro interprété par Benjamin Guillard vu aux Bernardines de Marseille, et de «Réparer les vivants» d’après Maylis de Kerangal. Il y aura également Thierry Bosc, et une certaine…Cécile Garcia-Fogel. Humble et travaillant comme un artisan Adrien Rouyard façonne ses rôles avec modestie et rigueur. Et aime citer cette phrase de Patrice Chéreau dont il a presque fait sa devise de comédien : «On est la somme de toutes les personnes que l’on a rencontrées.»
Jean-Rémi BARLAND

Articles similaires

Aller au contenu principal