Publié le 6 février 2022 à 11h55 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 15h19
Karim Amellal, ambassadeur pour la Méditerranée, fixe l’objectif du Forum des Mondes méditerranéens qui se tient à Marseille les 7et 8 février : parler des solutions, valoriser les acteurs qui les inventent, pour fabriquer la Méditerranée de demain. Entretien.
Destimed: Monsieur l’Ambassadeur, le Forum des Mondes méditerranéens va se tenir à Marseille les 7 et 8 février. Pouvez-vous nous présenter les objectifs de cette initiative et l’esprit dans lequel le président de la République l’a lancée ?
Karim Amellal: Le Forum des mondes méditerranéens s’inscrit dans le prolongement du Sommet des deux rives qui avait eu lieu ici même, à Marseille, en 2019. Ce fut une première étape, le lancement d’un processus que le Président a souhaité poursuivre, cette fois à travers un événement entièrement dédié à la société civile, car il a la conviction que ces acteurs là jouent un rôle essentiel, aux côtés des États, en particulier sur certains sujets comme l’environnement, la formation, l’économie ou la culture.
Le but de ce forum, qui n’est pas un événement institutionnel mobilisant des États, est de réunir à Marseille des acteurs engagés et volontaires autour de solutions, de projets, d’initiatives pour répondre à nos défis communs. Il y a des sujets où, en Méditerranée comme ailleurs, nous pouvons mettre de côté les difficultés politiques, les divergences, pour avancer, construire ensemble. C’est cela que nous voulons faire avec ce Forum des mondes méditerranéens, et en dépit de toutes les difficultés, de toutes les incertitudes, notamment liées au contexte sanitaire : parler des solutions, valoriser les acteurs qui les inventent, pour fabriquer la Méditerranée de demain.
Ainsi, nous accueillerons autour des six piliers du forum des acteurs de tout le bassin méditerranéen, des porteurs de projets, des entreprises, des innovateurs, des universitaires, des acteurs des territoires, des jeunes, des membres des diasporas… Il y aura un village des projets mettant en scène une centaine de projets méditerranéens, un village de l’emploi pour la jeunesse marseillaise, pour que des choses concrètes s’y déroulent, et l’emploi, l’accès à l’emploi, la formation, c’est peut-être l’un des défis communs les plus essentiels auxquels tous les Méditerranéens, du sud comme du nord, font face. Cet événement sera donc pleinement méditerranéen bien sûr, mais aussi européen, car il s’inscrit dans le contexte de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, et tout autant marseillais !
Sur l’espace méditerranéen, et compte tenu des enjeux voire des périls qui s’y présentent, quelle place, quel rôle, peuvent être ceux des sociétés civiles méditerranéennes ?
Un rôle éminent. Les sociétés civiles, entendues au sens large, incluant les universités, les ONG, les territoires, les acteurs culturels, sont ceux qui font, qui agissent au quotidien, sur le terrain, localement, pour résoudre des problèmes, comme pour protéger la biodiversité à travers des opérations de nettoyage des plages, ou au Maghreb à travers ces petites associations qui, avec les pêcheurs, luttent contre les filets dérivants qui font des ravages, ou bien encore les ports, de plus en plus engagés en faveur de l’électrification des quais. Tout cela, c’est l’œuvre de la société civile, qui bien souvent montrent la voie aux États. C’est sans doute dans le domaine de l’environnement que la société civile méditerranéenne, au nord comme au sud, est la plus active, la plus efficace aussi, souvent, il faut le dire, parce que les États n’en font pas assez dans ce domaine, ou bien ne savent pas comment faire. Notre conviction, c’est qu’il faut plus et mieux accompagner ces acteurs, en leur offrant des espaces de dialogue, de rencontre, la possibilité de créer des réseaux, comme au Forum de Marseille. C’est dans notre intérêt commun.
Après le Sommet des deux rives en 2019 et, maintenant, le Forum des mondes méditerranéens, Marseille et la Région Sud bénéficient d’un protagonisme et d’un rayonnement renforcés sur la Méditerranée. Quelle est la position de la diplomatie française sur cette montée en puissance méditerranéenne de la Région Sud et de sa capitale ?
Le président de la République rappelle souvent que Marseille est la capitale méditerranéenne de la France. C’est une ville qui, je le crois profondément, est à l’image de la Méditerranée : fracturée, mais avec un potentiel exceptionnel, percluse de maux mais dotée d’une vitalité et d’une créativité formidables. L’État, et notre diplomatie, doivent aider, accompagner ce territoire non seulement dans son développement, mais aussi à jouer pleinement son rôle d’interface entre l’Afrique et l’Europe, entre le Maghreb et la France. C’est pourquoi nous sommes toujours en soutien des initiatives de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de la Ville ou de la Métropole tournées vers la Méditerranée, ou vers l’Afrique, ainsi que des instruments méditerranéens, comme le Centre pour l’intégration en Méditerranée, qui jouent un rôle très important à l’appui de notre action, de notre diplomatie.
Ce Forum est-il appelé à illustrer une approche réinventée de la Méditerranée par notre pays ? Quels sont les résultats concrets qu’il y a lieu d’en attendre, et quelles seront les suites qui lui seront réservées ?
Ce forum n’est pas un événement institutionnel. Il a vocation à mobiliser des acteurs de la société civile autour de solutions concrètes. Il illustre la volonté du président de la République de promouvoir, en dépit de toutes les difficultés, un agenda positif en Méditerranée tourné vers la jeunesse. Ce forum s’inscrit cependant dans le contexte de la présidence française de l’Union européenne et il est important que ce qui sera discuté, présenté, valorisé à Marseille puisse servir au-delà, notamment dans le cadre européen, ou euro-méditerranéen. C’est pour cela que nous avons associé les deux grandes organisations méditerranéennes : l’Union pour la Méditerranée et la Fondation Anna Lindh. Nous avons par exemple organisé une grande consultation de la jeunesse de tout le bassin méditerranéen, avec 150 acteurs de la société civile de tous les pays qui ont travaillé sur une plateforme de propositions : «Plaidoyer Méditerranée 2030». Nous devrons accompagner ces propositions, essayer de les pousser là où nous pouvons, avec nos partenaires, pour qu’elles soient mises en œuvre. Ce forum doit être utile, avoir une dimension aussi concrète que possible, et avoir une suite. Nous le voyons comme l’un des lieux forts d’expression de la société civile de la Méditerranée. A nous ensuite, à nous tous -États, institutions, organisations internationales- de faire quelques chose de cette contribution essentielle. La France s’y emploiera.
Propos recueillis par Bertrand VALDEPENAS
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