Publié le 19 mars 2022 à 18h07 - Dernière mise à jour le 19 décembre 2022 à 16h10
À l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie, l’Observatoire de la langue française de l’OIF publie ses nouveaux chiffres qui annoncent la progression continue du français dans le monde depuis 2018. Annonce que «les principaux locuteurs quotidiens sont en Afrique» mais prévient également «des dangers du monolinguisme dans les organisations internationales.»
Tous les 4 ans, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) publie un rapport intitulé « La langue française dans le monde » : un outil essentiel, fruit d’un travail de collecte, de recherche et d’analyse de son Observatoire de la langue française et d’un réseau international d’experts, qui présente la réalité des usages de la langue française et les chiffres précis sur l’enseignement du français, sa présence dans l’économie, la culture, les médias, le numérique, etc.
321 millions de locuteurs
Le français est toujours la 5e langue la plus parlée après l’anglais, le chinois, l’hindi et l’espagnol avec 321 millions de locuteurs, même si le rythme de croissance se ralentit.
Les principaux locuteurs quotidiens sont en Afrique
La majorité de ces francophones ont un usage quotidien de la langue. 62 % d’entre eux résident en Afrique, soit 2,5 points de plus qu’en 2018. La zone Afrique subsaharienne-océan Indien affiche la plus grande progression depuis 2018 avec +15 %. L’avenir de la langue française sur ce continent continue néanmoins de dépendre de certaines conditions liées en particulier à l’éducation dans les pays du Sud où elle est langue d’enseignement pour près de 75 millions d’élèves et d’étudiants.
Le français, seconde langue étrangère la plus apprise
L’apprentissage du français progresse sur tous les continents sauf en Europe où les politiques éducatives ne s’ouvrent encore qu’insuffisamment à la diversité linguistique. Sur les 51 millions d’apprenants du français langue étrangère, près de 70 % résident sur le continent africain.
Les dangers du monolinguisme dans les organisations internationales
Condition essentielle du multilatéralisme, le multilinguisme est battu en brèche dans la plupart des organisations internationales et régionales où les textes sont produits et circulent essentiellement dans une seule langue. Pour faire « reculer le recul du français », la Secrétaire générale de la Francophonie a reçu l’appui des 88 États et gouvernements membres de l’OIF et des Groupes d’ambassadeurs francophones dans la mise en place d’un «dispositif de veille, d’alerte et d’action».
Le français, langue du numérique
Confirmant sa 4e place sur internet, le français demeure une langue incontournable dans l’univers numérique, mais les effets de la fracture numérique pèsent sur sa progression. La langue française affiche néanmoins le degré de cyber-mondialisation le plus élevé après l’anglais dont le poids continue de décroître, notamment en raison d’une présence accrue des pays d’Asie et du monde arabe.
Les défis de la découvrabilité des contenus culturels francophones
La plateformisation de la diffusion et de la distribution de la culture et la puissance des algorithmes au cœur des systèmes de recommandation imposent de nouveaux défis à la diversité des expressions culturelles.
L’Observatoire de la langue française recueille et analyse des données sur la situation du français par pays, par secteur d’activité et dans les organisations internationales afin de pouvoir disposer de statistiques fiables sur la place et l’usage de la langue française dans le monde. Sur cette base, il développe une réflexion prospective sur l’avenir de la langue française. Publié tous les quatre ans par l’Observatoire, le rapport sur la langue française dans le monde est un outil essentiel pour tous ceux qui s’intéressent à la situation du français sur la planète comme dans chaque pays.
La rédaction
[(
La préface de ce rapport est signé Souleymane Bachir Diagne – Columbia University
Le rapport qui suit n’est pas tant la description de l’état de la langue française qu’une présentation, une saisie sur le vif du mouvement francophone dans le monde. Il s’ouvre en effet sur ce constat : «On naît de moins en moins francophone, mais on le devient de plus en plus.»
Car la francophonie, comme il est dit dans le rapport, est devenir, variations, polycentrisme. D’un mot, elle reflète le pluriel du monde. La francophonie est devenir car elle est énergie qui puise à celle des démographies d’un continent africain qui, comme elle, va vers sa jeunesse. La langue française est donc plus que jamais langue d’Afrique, de ses écoles, de sa production littéraire, de sa recherche, de ses pensées. Elle sait également se faire la lingua franca de ses rues, de ses marchés, de ses villes en croissance toujours plus rapide.
La francophonie est devenir aussi car elle est accueil, encore et toujours, des variations et variétés qui continûment adviennent dans le foisonnement des cultures qu’elle rassemble autour de la langue qu’elles partagent. Elle compose ainsi un cercle vivant dont on dira, en paraphrasant l’ancienne image médiévale, que son centre est partout et sa circonférence nulle part. Polymorphe et polycentrique donc, la francophonie fait corps avec le pluriel du monde.
Son credo est qu’un monde pluriel est non seulement un fait, mais une valeur qui doit lui donner orientation. La francophonie est ainsi la promotion continue du pluralisme linguistique et de ses vertus, dans le monde et en son sein. Parmi celles-ci, d’abord, la faculté de penser de langue à langue, qui est aussi capacité de décentrement et d’ouverture.
Voilà pourquoi ce rapport insiste sur «les dangers du monolinguisme» en général, dans les institutions et les relations internationales en particulier. Il ne s’agit pas, en effet, d’imposer ou de s’imposer une langue qui serait plus «universelle» que les autres, mais de comprendre que dans un monde du pluriel des cultures et des idiomes, qui sont autant de visages de l’humanité, c’est au bout de la rencontre des langues, de leur dialogue, qui peut être difficile, de leur mise en relation, qui ne va certes pas sans malentendus, que se trouve le commun, l’universel, qu’il faut réaliser ensemble. Qui ne peut donc être, selon le mot du philosophe Maurice Merleau-Ponty, que «latéral» ou « horizontal» et non pas «de surplomb». De ce (multi) latéralisme nécessairement plurilingue, la francophonie est le héraut et la manifestation.
Le rapport sera publié aux éditions Gallimard le 24 mars 2022.
La synthèse à découvrir ICI )]