Publié le 11 avril 2022 à 11h09 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 20h21
Cela fait quinze ans qu’il vit de son art. Qu’il avoue vider son sac. Quinze ans qu’il tient la note, qu’il tient la barre. Quinze ans que le chanteur Benoît Dorémus construit album après album, ce que l’on peut considérer comme une œuvre écrite admirablement mise en musique. Avec à la clé un nouvel album intitulé «Désolé pour les fantômes»
Benoît Dorémus, c’est d’abord une voix d’or au service de textes évoquant l’amour qui revigore souvent, et qui parfois laisse des bleus à l’âme et au cœur. Renaud lui-même ne s’y est pas trompé qui, subjugué par sa chanson «Rien à te mettre» l’a gravée sur un de ses albums. Ses potes artistes d’ailleurs soutiennent son travail. Citons Bénabar, présent en duo sur «Drague la mère», le quatrième titre de l’album de Benoît «Désolé pour les fantômes» qu’il a présenté au Petit Duc en parallèle à son concert. Il y a aussi Maxime le Forestier, Alain Souchon, Renan Luce, ou Francis Cabrel avec qui il est parti en tournée.
Du beau monde qui a du bon goût saluant en fait quelqu’un qui admire Gainsbourg et Reggiani, et qui avoue avoir été bercé par les mélodies d’Henri Dès. Poésie, étrangeté, passion pour les mots, humour décalé, esprit inventif, l’artiste déploie son univers avec une infinie variation de tons. En tournée dans toute la France, le voilà qui a donc posé une nouvelle fois ses guitares au Petit Duc, salle de concerts aixoise. Un espace citoyen où Myriam Daups et Gérard Dahan, les âmes artistiques et chevilles ouvrières du lieu se démultiplient afin de défendre la chanson, le jazz, la musique sous toutes ses formes. Benoît Dorémus a donc conquis ce public du Petit Duc, présent physiquement dans la salle ou branché sur le web, puisque, originalité de la salle, les concerts sont donnés aussi en direct sur le net, moyennant une participation de 5 euros. Un récital donné (hasard du calendrier) le 2 avril, une date qui n’est pas anodine dans l’histoire de notre pays. C’est en effet le 2 avril 1974 que décédait le président Georges Pompidou, et Benoït Dorémus s’en souvient parfaitement, puisque c’est également le jour où naissait son pote le chanteur Alexis HK avec qui il était en concert au Petit Duc lors de son dernier passage. On notera que le 2 avril 2005 s’éteignait Jean-Paul II, et Benoît Dorémus le rappelle dans « Jeretiens la date des morts» (septième titre de la liste) qui évoque justement les disparitions célèbres. On est donc toujours dans la même veine «commémorative».
«La danseuse blessée»… un pur chef d’oeuvre
Chroniqueur du temps qui passe, Benoît Dorémus qui affirme ne pas avoir la nostalgie de ses débuts, explore les tremblements de cœurs qui ont marqué sa vie passée. On retiendra «Douze ans sans te voir» qui fait suite à sa chanson «Beaupadre» où il parle avec affection de l’enfant de la femme avec qui il vivait, et de qui il s’était séparé. Une chanson où il avoue avoir été un peu inachevé à l’époque, et confie combien il fut heureux de l’avoir dans sa vie. «Les enfants grandissent, mais que fait la police», ajoute-t-il non sans humour. Et puis il y a « La danseuse blessée» pur chef d’oeuvre sur une ballerine qui se tord le genou sous les yeux du narrateur lors d’une représentation à l’opéra de «Roméo et Juliette». L’occasion de tomber amoureux en cherchant de la glace pour sauver le ménisque inconnu, pendant que l’on « Prokofieve « sans elle. Le début d’une histoire d’amour qui durera au-delà des entrechats… C’est non seulement émouvant, c’est joliment raconté.
Accompagné par Marc Parodi…un sorcier de la musique
S’accompagnant à la guitare, affirmant composer des chansons en noir et blanc, (c’est plutôt l’ambiance sépia qui définirait magnifiquement son univers fictionnel chanté), Benoît Dorémus en qui on croit encore et encore, a trouvé en Marc Parodi qui l’accompagne sur scène et qui a co-réalisé son album «Désolé pour les fantômes» un frère de musique. Densité, intelligence, Marc Parodi permet à Benoît Dorémus de se sentir encore plus libre, entretenant avec lui un dialogue de mots et de notes, où l’on aperçoit que si le chanteur parle beaucoup de lui, c’est pour mieux retrouver les autres. Pour mieux psalmodier leurs douleurs, leurs illuminations, leurs refus d’enfant ou leur soif de paternité ou de maternité, leurs chagrins, et les étoiles au fond des yeux. Dorémus, toujours plus haut en fait…
Jean-Rémi BARLAND
«Désolé pour les fantômes » par Benoît Dorémus, CD L’autre distribution.
Les prochains concerts du Petit Duc d’Aix-en-Provence: lepetitduc.net/