Marseille.Théâtre de l’Odéon. ‘Une histoire d’amour’ d’Alexis Michalik. Rires et larmes au cœur d’une pièce menée tambour battant

Publié le 21 avril 2022 à  20h41 - Dernière mise à  jour le 5 novembre 2022 à  12h34

Le titre d’abord : «Une histoire d’amour» qui fait d’autant plus songer au film «Love story» que dans cette pièce d’Alexis Michalik l’héroïne est elle aussi emportée par un cancer. La forme ensuite : un ton de comédie pour aborder avec légèreté des choses graves. Le fond enfin : une réflexion en creux sur l’amour qui libère des carcans du conformisme, et qui renvoie de fait à ce que chacun de nous vit ou a vécu.

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Justine et Katia s’aiment. Katia aime les filles. Justine préfère les garçons et n’a jamais couché avec une fille. jusqu’au jour de leur rencontre. Un enfant porté par Katia naîtra sous insémination artificielle de leur union torride et inattendue. Puis la séparation voulue par Justine, la maladie de Katia, son décès programmé, et le besoin pour la maman ravagée d’inquiétude de mettre à l’abri de la solitude et du besoin matériel sa fille Jeanne alors âgée de douze ans. C’est William Markowicz, écrivain de son état, et frère de Katia qui se chargera de la recueillir au sein de son non-foyer où seule subsiste le souvenir de Claire morte voilà des années, et qui lui apparaît en fantôme lors d’échanges dialogués hors normes.

Drôle de gamine que cette petite Jeanne, lectrice assidue à 12 ans de… Kant, Eco, Zweig, Garcia Marquez, Tolstoï, Nabokov, Dostoïevski, Colette, Charlotte Brontë, de Beauvoir, Gorki, Pouchkine, Soljenitsyne, mais aussi des bouquins de son oncle, et qui tient depuis des années un journal intime. Comptant parmi les moments joyeusement loufoques de la pièce, les échanges entre William et Jeanne donnent naissance à de belles pensées sur l’art difficile et douloureux d’écrire. Et comptent parmi les beaux moments de cette pièce à la mise en scène virevoltante, comme le sont d’ailleurs toutes celles signées par Alexis Michalik. Passant d’un personnage à l’autre toujours saisi par l’intermédiaire d’un duo, «Une histoire d’amour» creuse dans la chanson «Et pourtant » d’Aznavour interprétée au début et à la fin par les cinq comédiens son creuset fictionnel. Des comédiens très complémentaires, où Clément Aubert a repris le rôle créé par Alexis Michalik dans cette même production créée au Théâtre de la Scala de Paris, le 9 janvier 2020.

« L’amour est une joie et une souffrance »

On songe tout au long de cette pièce au rythme haletant et où, comme toujours chez Michalik, les participants déplacent eux-mêmes les accessoires d’un endroit de la scène à l’autre, au dialogue entre Belmondo et Deneuve disant en substance à la fin de «La sirène du Mississipi» de François Truffaut plus ou moins reprise dans l’épilogue de son chef d’oeuvre « Le dernier métro» :
«Tu es belle, Eléna, si belle que te regarder est une souffrance.
-Hier, tu disais que c’était une joie ! -C’est une joie, et une souffrance.
»
Car il s’agit ni plus ni moins que de cela dans «Une histoire d’amour» tragi-comédie dont le texte intégral est publié chez Albin Michel, où l’on retrouve des éléments d’Intra Muros ou «Le porteur d’histoire » deux pièces marquantes de leur auteur.

Les rapports parents-enfants, ce que l’on sait des autres et ce que l’on cache aux yeux de ses semblables, autant de sujets évoqués par la fin, avec la réussite pour Michalik d’avoir écrit quelque chose de nouveau sur l’amour, le sujet le plus galvaudé du monde. Troublante cette histoire apparemment simple qui comme dans le film de Sautet demeure compliquée, facile d’accès, jamais sinistre et écrite dans une langue rappelant Nimier, Blondin, Déon, Marceau, tous ces hussards de la littérature pour qui l’écriture se doit d’être élégante, polie et jamais polissée, afin de charrier des torrents de larmes sous des fous rires impertinents. Preuve qu’Alexis Michalik, signataire de Edmond (5 Molières), auteur également du roman «Loin», fiction joyeusement foutraque est un authentique écrivain créateur et d’un monde et d’une langue.
Jean-Rémi BARLAND

«Une histoire d’amour» par Alexis Michalik. Albin Michel 205 pages, 12 €.
Pièce à voir au Théâtre de l’Odéon. jusqu’au samedi 23 avril à 20 heures et le dimanche 24 avril à 15 heures. Plus d’info et réservations :odeon.marseille.fr

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