Dans le cadre de Marseille-Provence 2013 et de son partenariat avec le Festival d’Aix-en-Provence, le Mémorial propose, les 21 et 22 juin, l’opéra pour enfants « Brundibar »
Des voix d’enfants s’élèvent dans l’amphithéâtre du Camp des Milles, ces jeunes, de 9 à 13/14 ans, répètent « Brundibar », opéra pour enfants qui fut joué 55 fois entre 1943 et 1944, dans le camp de Terezin, en République Tchèque. L’œuvre prend ici toute sa puissance, la musique offre toute sa palette de sensibilité : légère, grave, mélancolique, une âme vibre. Alors que, pied de nez, à l’envahisseur, au bourreau, le livret dénonce le tyran, chante sa défaite. Cet opéra pour enfants a été écrit par Adolf Hoffmeister et le compositeur tchèque Hans Krasa en 1938. Hiver 1942, Krasa et le scénographe Frantisek Zelenska sont déportés à Terezin. C’est dire à quel point il est pertinent dans ce camp des Milles, si le partenariat avec le Festival d’Art Lyrique d’Aix prend tout son sens. Des notes s’égrènent, là où les mots, ne suffisent plus, des notes pour la tête et le cœur. Et une mise en scène, minimaliste, habille l’ensemble d’intensité tragique, des cubes dessinent l’espace au gré des actes. Et que dire lorsque les enfants jettent à terre leur blouson, veste. L’image du tragique s’esquisse, avec une infinie délicatesse. Un opéra qui fait suite à un concert avec le London Symphony Orchestra. Bernard Foccroulle, le directeur du Festival, se réjouit de ce partenariat, indique : « Ce lieu marque les esprits. Les musiciens qui ont travaillé ici avec des enfants avouent qu’ils n’avaient jamais eu autant de facilité à travailler avec des jeunes. Et là, on sent que les jeunes chanteurs sont touchés par ce site, ce qu’il véhicule. Incontestablement cette aventure comptera dans leur vie ». Et c’est avec passion qu’il explique réfléchir aux prochaines opérations conduites avec le Mémorial du Camp des Milles.
Marie Chatardova, ambassadeur de la République Tchèque en France a tenu à venir aux Milles. « J’étais venue lors de l’inauguration officielle. Il y avait tellement de monde que j’ai tenu à revenir pour prendre mon temps, découvrir ce lieu extraordinaire, sur le plan historique, mémoriel, mais aussi pédagogique et culturel qui me rappelle Terezin, chez moi. Car, là-bas aussi nombre d’intellectuels sont passés. Et, dans la même logique qu’au Milles on trouve là-bas une dimension culturelle aujourd’hui ». En revanche, Terezin ne ressemble en rien au Milles en terme d’ampleur : « 144 000 personnes furent internées dans cette forteresse transformée en camp par la Gestapo, 33 000 y moururent de famine, de maladies (parmi lesquels Robert Desnos), 88 000 furent déportées vers les camps d’extermination ».
Elle ne cache pas son émotion après avoir entendu les enfants chanter « Brundibar ». « Brundibar désigne un bourdon, et, dans cette pièce, il s’agit d’un personnage méchant, un joueur d’orgue de barbarie ». Elle précise : « Interprété pour la première le 23 septembre 1943 par les enfants déportés du Camp de concentration de Theresienstadt, l’opéra a été adapté aux instruments disponibles dans le camp de concentration : flûte, clarinette, guitare, accordéon, piano, percussions, 4 violons, violoncelle et contrebasse ». Une interprétation est tristement célèbre : « Elle a eu lieu en 1944 pour une visite du Camp par la Croix-Rouge, organisée par le Reich pour nier l’existence des camps. Pire, l’opéra fut filmé dans « Theresienstadt », un film de propagande visant à montrer à quel point la vie était agréable pour les juifs dans les camps ». Dans nos temps de crise, la mémoire seule est un bien trop faible rempart face à la barbarie. Elle a besoin d’être accompagnée de la quête du sens, d’un volet réflexif et de l’affect, de la culture, pour plonger là où l’intelligence ne suffit pas.
Michel CAIRE
Les représentations
Les représentations auront lieu à 19 heures le 21 juin, et à 11heures et 15 heures le 22 juin, entrée libre sur réservation (auprès du Festival International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence au 0820 922 923 (12 cts €/min)) et dans la limite des places disponibles. En première partie, sera interprété par des Professeurs du Conservatoire d’Aix-en Provence, le Quintette à vent op.10 de Pavel Haas, lui aussi compositeur tchèque, déporté à Terezin puis à Auschwitz où il fut assassiné.
Le 8 juillet, à 18h, c’est le quatuor Bela qui présentera un programme choisi spécialement en fonction du lieu qui l’accueille, avec trois grands compositeurs européens victimes du régime nazi, Belá Bartók, György Ligeti et Erwin Schulhoff.
Le premier parce qu’il refusa toute compromission avec ce régime, au point de s’exiler aux USA ; le deuxième parce que sa famille fut déportée et exterminée. Quant à Erwin Schulhoff, fascinant compositeur pragois, il fut interné dans le camp de concentration de Wülzburg, où il mourut d’épuisement.
Nul doute que leurs musiques résonneront avec une intensité toute particulière au Camp des Milles.
Tarifs : 20 € Tarif jeunes : 10 € – Tarif réduit avec le Pass : 15 €- Tarif combiné avec la visite du site : 22,50 €
Pour réserver : – 0820 922 923 (12 cts €/min) – www.festival-aix.com