Réfugiés ukrainiens à bord du ferry ‘Méditerranée’ : ‘On veut rester à Marseille’

Publié le 10 juin 2022 à  19h14 - Dernière mise à  jour le 6 novembre 2022 à  10h59

Depuis plus de deux mois les services de l’État des Bouches-du-Rhône pouvaient s’enorgueillir d’héberger plus de 800 réfugiés ukrainiens à bord du Méditerranée. Ce bateau de la Corsica Linea était à quai le long du J1 et accueillait de nombreuses familles, principalement des femmes et des enfants. Mais tout a une fin. Les estivants arrivant, la compagnie a voulu lui faire reprendre la mer pour rejoindre l’Algérie. Un appel d’offres avait été lancé par la préfecture pour affréter un autre bateau. Échec. Il fallait trouver d’autres solutions.

Le panneau avec Ukraine en cyrillique qui jalonne le port pour permettre aux réfugiés de retrouver l'accès au bateau ©Joël Barcy
Le panneau avec Ukraine en cyrillique qui jalonne le port pour permettre aux réfugiés de retrouver l’accès au bateau ©Joël Barcy

«On a peur»

Ce vendredi tous les réfugiés auront dû quitter le navire. Le Méditerranée reprend la mer samedi avec cette fois, des touristes. Pour tous les réfugiés c’est un déchirement. Des amitiés se sont nouées à bord «même si ce n’était pas la croisière s’amuse», confie Katerina qui ajoute: «Les gens étaient nerveux. Tous ont des proches en Ukraine, s’inquiètent pour leur vie et se demandent si eux trouveront un travail en France. Moi je ne dormirai pas cette nuit. Je ne peux pas imaginer mon avenir et pour ma mère c’est encore pire. Nous nous sentons perdues». Des larmes coulent d’ailleurs des yeux de la maman pendant notre entretien. La crainte, la peur du lendemain c’est le sentiment qui domine chez la majorité des réfugiés encore à bord. Ils ont fui l’Ukraine. Ils doivent à nouveau s’exiler vers une autre région ou une autre ville française. «On voulait rester, j’adore cette ville. Avoir un emploi, mon avenir ici mais je vais devoir partir. Je suis triste», indique Khrystina. «Oui nous voulions restés mais on nous a dit qu’il n’y avait pas assez de logements à Marseille. Qu’on devait partir», se désole Ivanna. [()]

« La France a fait plus que mon pays »

Comme les autres Maria est inquiète à l’idée de quitter le navire pour l’inconnue. « Mais nous aurons à nouveau une maison et c’est génial. La France a fait pour moi plus que mon pays. Je suis en sécurité, j’ai de quoi manger, boire. J’ai un toit. Les Marseillais me sourient tous les jours et c’est un espoir pour mon avenir. Je vais à Istres. J’ai eu de la chance. D’autres ont du partir à Lourdes, Toulouse, Lyon ou le Grand-Ouest. Je suis jeune, j’ai une profession, je vais continuer d’apprendre la langue française et si pole emploi m’aide je trouverai un travail ». [()] Tous ces réfugiés n’ont aucune idée du temps qu’ils devront passer en France. Ils s’attendent maintenant à une guerre longue. A la question retournerez-vous en Ukraine ? La réponse semble une évidence. «C’est notre mère patrie. Oui, nous retournerons au pays mais quand ?». Reportage Joël BARCY
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Questions aux services de l’État

Le ferry Méditerranée qui a accueilli quelque 900 réfugiés ukrainiens  © Joël Barcy
Le ferry Méditerranée qui a accueilli quelque 900 réfugiés ukrainiens © Joël Barcy
Combien de personnes restent à bord et quand doivent-elles partir ? Au maximum de son accueil, début mai, le ferry Méditerranée a hébergé un peu plus de 900 personnes. Au 31 mai, il restait encore près de 700 personnes. En date du 9 juin soir , il reste 460 personnes à bord. Ces personnes devront être accueillies dans d’autres sites avant vendredi 10 juin au soir afin que le bateau appartenant à la compagnie Corsica Linea reprenne ses activités normales dès ce week-end afin de préparer les transports de passagers vers l’Algérie, échéance qui avait été communiquée aux intéressés.

Où sont allées les personnes ayant quitté le bateau ?

Des opérations dites de «desserrement» entreprises dès le mois de mai ont permis le relogement ou l’hébergement en dehors du bateau de 410 personnes au total , dont un peu plus de la moitié en Occitanie, depuis le mois de mai (essentiellement Lourdes et Argelès) ; environ un quart en Auvergne Rhône-Alpes la première semaine de juin (Valence, Firminy, Clermont-Ferrand…) ; dans une moindre mesure, en Bourgogne Franche-Comté (Besançon, Gray…) et en Nouvelle Aquitaine (Limoges). Quelle est la prise en charge de ces personnes à destination ? Les réorientations ont été réalisées en respectant le souhait des personnes et la composition des unités familiales. La fin de l’année scolaire permet de faciliter la scolarisation des enfants à destination pour la rentrée prochaine. Les personnes conservent l’ensemble de leurs droits et de leurs prestations déjà acquises. Dès leur arrivée, les personnes se voient majoritairement proposer des logements pérennes dont la taille est adaptée à la composition des unités familiales. Dans quelques cas plus rares, ces personnes sont accueillies dans des hébergements temporaires et se verront proposer très rapidement des logements pérennes. Les populations concernées continueront de bénéficier dans leur département d’accueil d’un accompagnement social par des structures associatives spécialisées et des prestations et services qui peuvent être proposés par l’État, les collectivités territoriales et les autres acteurs institutionnels compétents (Pôle Emploi, Mission Locale, Caisse Primaire d’Assurance Maladie, CAF…) en matière d’accès à la scolarité, au logement, à l’emploi, à la formation, aux droits, à la santé… Qu’en est-il des cas particuliers ? Environ 90 personnes nécessitent impérativement la poursuite de leur prise en charge à Marseille en raison de contraintes très spécifiques telles qu’une situation de handicap ou un grave problème de santé. Pour ces personnes, il s’agit de permettre une continuité des soins et des prises en charge. En matière d’emploi, une quarantaine de personnes a pu obtenir un contrat de travail. Il s’agit pour celles-ci de leur permettre de conserver leur emploi en leur proposant une solution d’hébergement ou de logement à proximité. Combien de personnes n’ont pas accepté de proposition de relogement et quelle solution s’offre à elles ? Une proposition de relogement pérenne ou de nouvel hébergement a été faite à l’ensemble des personnes hébergées sur le ferry. Environ 400 personnes n’ont pas arrêté leur choix pour l’heure. Pour ces personnes, un hébergement d’urgence (hôtel, résidence d’accueil, voire un gymnase si aucune autre solution s’avérait possible) sera proposé de manière temporaire le temps de leur réorientation qui se fera comme pour tous les autres ressortissants ukrainiens, de préférence hors des Bouches-du-Rhône dans des logements ou hébergements d’ores et déjà identifiés. Pourquoi ne pas proposer un nouveau bateau ou une solution d’hébergement d’urgence à Marseille de même capacité ? Il a toujours été prévu et indiqué aux personnes hébergées sur le ferry Méditerranée que ce dispositif ne pouvait être que temporaire. Cet accueil était inédit tant par sa nature que par son ampleur et a permis d’héberger un nombre exceptionnel de personnes déplacées ukrainiennes, bien au-delà des capacités réelles de la ville de Marseille, dans de bonnes conditions. Aucune solution d’hébergement d’urgence de même capacité ne peut être envisagée à Marseille, en raison d’une situation très tendue en matière d’hébergement et d’accès au logement. Si l’option d’une nouvelle location de ferry a pu un temps être évoquée, l’État a finalement privilégié des solutions d’hébergement ou de logement plus stables afin de favoriser l’insertion sociale et professionnelle des personnes déplacées. Le choix de l’État s’est donc porté sur des solutions d’hébergement et de logement pérennes dans d’autres départements et régions de France afin de favoriser l’accès de ces personnes à l’emploi et pour leur offrir une plus grande qualité de vie et des perspectives d’insertion plus favorables et dans la durée. Qu’en est-il des nouveaux arrivants ? Les personnes déplacées ukrainiennes continuant d’arriver à Marseille et dans le département se voient proposer un hébergement temporaire à l’hôtel avant d’être réorientées vers d’autres départements ou d’autres régions. Le gymnase Ruffi reste le premier point d’accueil de tous les nouveaux arrivants. Désormais, un dispositif de réorientation est mis en place en continu depuis la région Provence-Alpes-Côte d’Azur vers d’autres régions métropolitaines en capacité d’accueillir les déplacés ukrainiens afin de ne pas concentrer excessivement cet accueil dans les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône et le Var dans une moindre mesure.)]

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