Publié le 26 juin 2022 à 12h26 - Dernière mise à jour le 8 décembre 2022 à 16h10
«La Mer est si fragile, j’ai peur soudain de la froisser», écrivait un poète. La prise de conscience du caractère fini, et altérable, de la nature constitue peut-être, déjà, l’une des avancées majeures de notre siècle. Trop longtemps, notre action envers l’environnement a pris l’aspect de problématiques techniques.
L’attrait pour la Mer a, par exemple, été stimulé par la nécessité de trouver d’autres matières premières ainsi que des sources d’énergies alternatives. Tandis que les ressources terrestres s’épuisent, la Mer, et ses perspectives de croissance bleue, attirent. Les chiffres, d’ailleurs, sont significatifs. 90% des hydrocarbures et 84% des métaux rares gisent au fond des océans. Seulement 10% des espèces végétales et animales vivant en mer sont connues des scientifiques. Les surfaces de la Lune et de la planète Mars sont probablement, selon la formule consacrée, mieux cartographiées que nos propres fonds marins. La Mer, finalement, reste la racine et l’avenir de l’Humanité.
Le Salon Eroméditerranéen de la croissance bleue (Euromaritime 2022) qui s’ouvre ce mardi 28 juin à Marseille devra ainsi répondre à de nombreux défis. L’enjeu est de taille. Autour de 260 exposants, 30 conférences, 17 startups et quelque 950 rendez-vous BtoB ce sont des thèmes tels que la multimodalité des ports, la logistique, la sûreté, le soutien aux activités en Mer ou encore les bioressources, l’hydrographie et l’urgence de la dépollution, qui seront pris à bras-le-corps.
Si la richesse des débats et la qualité des intervenants feront partie des forces du salon, son pari, lui, est bien plus vaste : ériger la Mer, et particulièrement la Méditerranée, en nouvel espace politique.
La gestion purement technique des ressources environnementales et maritimes, nous l’avons soulignée, est très largement insuffisante. Pire, elle s’avère être conflictuelle, voire belligène. Le découpage des zones maritime exclusives est, par exemple, depuis longtemps remis en cause, notamment en Méditerranée orientale. Par ailleurs, les questions de décarbonation, de contraintes environnementales sur les chantiers, d’électrification à quai, d’hydrogène pour les professionnels maritimes, de transport et de tourisme, ne peuvent être résolues sans perspective politique.
Entendons nous bien, nous évoquons ici une revitalisation de la notion de politique. Ces 35 dernières années ont, en effet, étaient marquées par une gestion particulière des enjeux maritimes et écologiques. Son nom, la gouvernance, est inspirée du modèle anglo-saxon. Nous savons à présent que son principe est axé sur une illusion: celle d’évacuer la décision politique au profit de la pure connaissance, de l’expertise et de la technique.
Les récentes problématiques tant climatique que géostratégique ont, cependant, rendu caduque la simple gouvernance. Le temps est venu alors de réhabiliter la Politique.
Rappelons combien l’invention de la politique est tributaire de la Mer. L’Athènes antique, puissance thalassocratique, doit sa vision du monde à son ouverture et son commerce maritime. D’emblée, la mer implique la pluralité des rencontres, le débat, la prise de décision collective, la gestion partagée des ressources.
Comment, de nos jours, envisager par exemple la question du tourisme, du transport de passagers et des croisières sans élaboration commune et rationnelle d’un plan?
Dans le même ordre d’idée, comment, sans planification penser les difficultés logistiques, la question des flux ou même celle du risque cyber?
La Mer appelle donc une nouvelle façon de concevoir la politique : si la planification est nécessaire elle ne peut être opérationnelle sans associer la plus large gamme d’acteurs : Entreprises, professionnels, investisseurs, collectivités territoriales, citoyens, associations, états et régions, tous doivent retrouver la voie du débat politique et démocratique.
À ce titre, le parlement de la Mer, capable de s’imposer comme force de proposition et d’innovations est une idée intéressante portée par la région Sud. Enfin, puisqu’il n’existe pas de politique sans éducation, la création d’un Lycée et d’un Campus de la Mer, ici à Marseille, donnerait à notre ville un rayonnement international non négligeable.
«C’est ensemble et collectivement que nous relèverons les enjeux et défis de demain qu’ils soient environnementaux, sociaux ou économiques», déclarait Frédéric Moncany de Saint-Aignan.
Cette ambition collective, nous le croyons, sera intimement politique.
[(
–Christophe Madrolle est conseiller régional Provence-Alpes-Côte d’Azur . Président de l’Union des Centristes et des Écologistes (UCE).
–Raphaël Rubio est secrétaire général de l’association Égali-terre. Professeur en BTS Gestion et maîtrise de l’eau.)]