Publié le 5 juillet 2022 à 22h10 - Dernière mise à jour le 11 juin 2023 à 19h24
Retrouver le Stadium de Vitrolles 29 ans après son inauguration en 1994 avait un petit côté surréaliste pour celles et ceux qui, nous en sommes, l’avaient fréquenté pour y entendre I am, et Baschung, entre autres, et assister à une rencontre de coupe d’Europe de hand-ball entre l’OM-Vitrolles et Barcelone. Lundi 4 juillet 2022, le cube de béton noir, geste architectural de Rudy Ricciotti, a retrouvé vie pour accueillir l’ouverture du 74e Festival d’Aix-en-Provence avec la programmation de «Résurrection», bien nommé rendez-vous en la circonstance, qui donnait à entendre la Symphonie n°2 de Mahler avec une installation de l’iconoclaste Romeo Castellucci.
Le moins que l’on puisse écrire, trois ans après un «Requiem» intriguant donné à l’Archevêché, c’est que les retrouvailles du metteur en scène italien avec le Festival d’Aix font déjà couler beaucoup d’encre et gaspiller beaucoup de salive.
Pendant près d’une heure et demi, l’interprétation de la partition de Mahler est «animée» par le travail des membres du Haut Commissariat aux Réfugiés sur le site d’un charnier. Les exhumations de cadavres se succèdent alors que dans la fosse géante du lieu, l’Orchestre de Paris tente de surmonter avec plus ou moins de bonheur les difficultés liées à sa sonorisation pour essayer de répondre de la meilleure des façons qui soit aux sollicitations du directeur musical Esa Pekka-Salonen. Mais si l’ensemble ne manque pas de puissance, on ne peut en dire autant des nuances quasiment absentes qui donnent une linéarité parfois peu agréable à l’interprétation.
Les solistes, Marianne Crebassa et Golda Schultz, ainsi que le chœur de l’orchestre de Paris et le jeune chœur de Paris, font face aux mêmes difficultés alors que, sur scène, des cadavres noircis d’enfants et de nouveau-nés sont disposés sur les linceuls plastique blancs aux côtés des adultes. Sinistre alignement qui fait remonter de terribles images accumulées au fil des ans jusqu’à il y a quelques jours en Ukraine.
Mais Castellucci n’a pas eu besoin de ce dernier conflit pour penser son installation-choc et les odeurs de terre qui montent le long de la tribune donnent parfois la nausée. Ici, pas de résurrection des corps, mais du respect et une dignité retrouvée pour ces morts.
S’il appartient au Festival de sortir des sentiers battus et de marquer esprits et territoire, c’est chose faite avec cette choquante (du choc!) «Résurrection» et si la culture peut devenir une arme contre la barbarie, les images pensées par Castellucci peuvent appuyer sa lutte.
C’est, sans surprise, un accueil mitigé qui a été réservé à cette production que l’on pourra découvrir sur Arte TV, en direct, le 13 juillet à 21 heures, histoire de se forger un début de jugement. Quant au Stadium de Vitrolles, aux dires mêmes du directeur du Festival Pierre Audi, sa résurrection devrait se poursuivre ces prochaines années…
Michel EGEA
«Résurrection» au Stadium de Vitrolles (13) – Prochaines représentations les 7, 10, 11 et 13 juillet 2022 et en direct sur Arte TV le 13 juillet à partir de 21 heures. Plus d’info: festival-aix.com