Publié le 5 juillet 2022 à 22h24 - Dernière mise à jour le 11 juin 2023 à 19h23
Dans le monde du polar français Alexandre Galien (c’est un pseudonyme en forme de clin d’œil au personnage de l’inspecteur Antoine Gallien joué par Lino Ventura dans le film « Garde à vue »), s’est fait une place à part en raison de sa manière très anglo-saxonne de fixer la psychologie d’un individu à l’aune de ses périples incessants. Il est vrai que les protagonistes de ses thrillers ne tiennent pas en place, et sont prêts, (les flics surtout) à traverser des mers peu calmes afin d’aller débusquer des vérités apparemment criantes mais au final très complexes.
Ainsi nous retrouvons dans «Soleil levant» Philippe Valmy, commandant de la Crim’ qui n’a jamais porté d’uniforme, flic en proie au doute, à la dépression, et à d’obsédantes hallucinations, rongé par un passé douloureux. Le voilà revenu du Nigeria où il espérait se changer agréablement les idées, demandant d’intégrer la Baspa (la Brigade d’assistance aux personnes sans-abri), structure que l’on rejoint ordinairement proche de la retraite ou si l’on est plus ou moins atteint de misanthropie.
C’est là qu’il rencontre des SDF parfois inquiétants et fait la connaissance de Jules Philippon, alias Ziggy, un marginal toxicomane né le 17 mai 1993, ancien champion d’arts martiaux devenu SDF. Au même moment le capitaine Victor Quefelec enquête sur la mort d’un certain Masakatsu Morita, un homme d’affaires japonais retrouvé éventré dans une chambre de l’hôtel Crillon. Ce dernier s’est semble-t-il suicidé selon la tradition du hara-kiri. Mais l’idée du meurtre est tout à fait plausible. Sur place des traces conduisent les enquêteurs à Ziggy, qui exige que Victor Valmy mène son interrogatoire. Mais difficulté supplémentaire son équipe est maintenant dirigée par Alice Quintet, une jeune femme sans expérience mais pas sans détermination à se faire une place dans ce monde de flics hommes.
Alexandre Galien gagne son pari littéraire
D’emblée Alexandre Galien gagne son pari littéraire par ippon. Il secoue le lecteur l’envoie valdinguer loin de ses certitudes le plaque au sol comme il le fait pour ses personnages en le sidérant et le laissant quasiment KO. Efficace, précise, son écriture va rapidement à l’essentiel, et sait avec maestria proposer une intrigue policière nourries de puissantes ramifications narratives à la fois politiques et mafieuses. Avec en prime une plongée dans le monde très fermé des arts martiaux au japon, et de la formation de ses jeunes combattants.
De Paris à Tokyo
Retours en arrière dramatiques quand il s’agit d’exposer la vie passée de Ziggy, promis à être de la chair à tuer, avancées spectaculaires dans un univers fait de malversations, de chantages, d’extorsion et de trafic de données, «Soleil levant» est un cri de colère contre la souffrance que certains humains subissent de la part de leurs semblables. Profondément féministe par le biais du portrait qu’il fait de la flic
Alice Quinet, guerrière sans peur et sans reproches du mal absolu se terrant derrière les oripeaux de la respectabilité financière, «Soleil levant» décrit un monde de bruit et de fureur, mais aussi d’entraide et d’espoir. La manière dont l’auteur fait se réunir les trois flics principaux tient de la virtuosité fictionnel. Nous parlions au début de déplacements dans ses livres, et ici nous voyageons de Paris à Tokyo avec force images et phrases acérées comme un seppuku. Avec beaucoup de compassion aussi, pour le dépressif Valmy, les pauvres sans-logis dont il s’occupe et l’ensemble des autres victimes. Et quand au pays du matin calme Alexandre Galien fait s’éveiller sa plume spectaculaire pour traquer les yakuzas ça décoiffe sévère… Et on en redemande.
Jean-Rémi BARLAND
«Soleil levant» par Alexandre Galien paru aux Éditions Michel Lafon – 300 pages – 18,90 €