Publié le 14 juillet 2022 à 12h01 - Dernière mise à jour le 11 juin 2023 à 19h14
Chez Pizza Chrono-Besançon, Lucas, le patron, et son épouse Lisa, au bord de la rupture, tentent malgré tout de sauver leur restaurant. Les affaires ne sont franchement pas florissantes… Et ce soir-là, William, un jeune vagabond, fait irruption dans l’établissement… avec dans son sac, pas moins de vingt-huit lingots d’or. Un cadeau du ciel. Forcément, un si joli magot, c’est plutôt tentant, et a fortiori lorsque tout va mal. Mais d’où peut bien provenir ce véritable butin? S’agit-il du trésor de Vauban ? Est-ce le fruit du braquage commis quelques jours plus tôt dans une banque de la région? A cette histoire extravagante s’ajoutent une belle-mère ingouvernable, une famille frappadingue, des policiers sous-tension, des braqueurs en fuite, etc. Embarqués dans cet incontrôlable tourbillon, il semble bien difficile de garder le cap. La soirée s’annonce pimentée… Humour déjanté, personnages délirants, texte croustillant à la manière du fameux tandem Bacri-Jaoui, mise en scène ébouriffante, c’est dans une tornade de malentendus et de péripéties rocambolesques que 6 interprètes survitaminés s’en donnent à cœur joie pour d’hilarantes aventures. Entre coups de théâtre et rebondissements en rafales, cette comédie digne de la troupe du Splendid est véritablement jubilatoire. Rires et situations déjantées assurés pour cette pièce intitulée «Le magot».
Un artiste multiforme
Écrite et interprétée par Stanislas Bizeul, cette comédie du collectif «des Caviars sur Jerrican», doit beaucoup à son auteur-acteur inventif. Un comédien au demeurant au parcours plutôt classique. Originaire des Hautes Alpes, passionné de théâtre et de littérature, Stanislas Bizeul intègre le Cours Florent en 2016 et en sort diplômé avec mention en 2019. Il joue ensuite dans plusieurs spectacles : Nyctophilia mis en scène par Elisa Tuzzolino ; Le Dîner de Cons dans le cadre du « Friiistival » à Friiiville-Escarbotin ou encore dans Le Capitaine Crochet et Peter Pan, la rencontre, un spectacle Jeune Public écrit et mis en scène par Laurie Bordesoules. Membre du collectif Caviars sur Jerrican depuis sa création, il participe à leur premier spectacle Kids. En outre, également sensible à l’écriture, il est l’auteur de plusieurs scénarios et pièces de théâtre dont ce «Magot» où l’on s’amuse beaucoup. Ce qui dans les comédies de ce type boulevard avec un vague fond policier demeure assez rare. Rencontre avec un homme de théâtre passionné et passionnant.
Quel est votre parcours d’acteur et d’auteur ?
C’est au collège que j’ai découvert le théâtre. C’est d’abord le jeu qui m’a plu : faire rire mes amis, improviser… Finalement, j’étais profondément séduit par cette possibilité d’échapper au sérieux quasi monacal des professeurs. J’assistais brutalement à la métamorphose des enseignants sévères en spectateurs indulgents. Une expérience émouvante pour moi et par-là même, la découverte d’un espace de liberté incroyable. Ensuite au lycée, j’ai commencé à écrire de petits sketchs. Dans un cahier je décortiquais tous les one man show de Gad Elmaleh, d’Elie Semoun… Tiens ça c’est drôle parce que… etc. etc. Cet exercice me plaisait énormément. Ensuite tout cela est devenu plus professionnel. J’ai fait une école de théâtre et j’ai peaufiné la structure de mes histoires.
Comment vous est venue l’idée de cette pièce ?
On ne peut pas dire qu’elle soit venue comme ça, ex nihilo. Au contraire, elle est le résultat d’une recherche… Réflexion elle même soutenue par un désir solide ; construire une pièce comique pour une troupe, offrant du jeu, déployant des situations cocasses et réinvestissant la langue, ses bavures avec. Aussi en premier lieu j’ai cherché à mettre en place un mécanisme. Un pizzaiolo a cruellement besoin d’argent, il met la main sur ce qu’il croit être un trésor mais celui-ci s’avère être le butin d’un casse commis la veille. Trop tard, Lucas s’est engagé… Braqueurs farouches et policiers détraqués cherchent le magot. Un coup trop gros pour le pauvre gérant de Pizza Chrono… Le nœud se resserre et les personnages se débattent, se blessent, se télescopent… En somme, le prétexte idéal à un huis clos survolté.
Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré ?
Évidemment, Francis Veber -«La chèvre», « Les compères », «Les fugitifs», «Coup de tête» de Jean-Jacques Annaud dont il a signé le scénario)-, pour la précision des mécanismes qu’il met en place. Le clown et le contre-champ de comédie. Ensuite Le splendid et le Café de la Gare pour la manière dont ils traitent la langue et leur approche du théâtre. La force du groupe. S’amuser ensemble et avec le public. Ne pas donner dans l’entre-soi. Enfin il y a Renaud, Audiard… pour les classiques. Alexis Michalik et Rémi De Vos pour les modernes.
Comment s’est organisée la mise en scène collective ?
Eh bien d’abord nous avons lu la pièce de nombreuses fois. Ainsi, chaque comédien a pu parcourir tous les rôles. Ensuite nous avons voté la distribution. Dès lors nous nous sommes attachés à mettre en place les codes du comique le plus rigoureusement possible. Le cadre une fois établi nous nous sommes efforcés de le bousculer, de le déplacer ! Cherchant toujours le point de rupture… Cet endroit sur le fil où le comique s’épanouit. Travailler en collectif c’est savoir se retirer quand on ne sait pas et proposer lorsqu’on se sent légitime. C’est un mélange subtil qui n’a pour but que l’émulation et non le compromis. Il faut à tout prix éviter le piège du consensus. Pour cela j’ai une équipe formidable, pleine d’intelligence et de sensibilité diverses.
Que dit Stanislas metteur en scène à Stanislas acteur ?
Pas grand chose ! Cette conversation n’a pas lieu. Je fais confiance à mes camarades. Ils me dirigent ; j’exécute car je ne sais pas. L’acteur est là pour faire. Il est dans l’action. S’il pense c’est fichu. Le comédien n’a, à peu près, rien à voir avec un spectateur ou un metteur en scène encore moins avec un auteur. À ce propos, les chemins d’auteur et d’interprète me semblent être inversés. L’auteur part du réel et le transcrit en une forme plus intellectuelle, il désincarne, tandis que le comédien part d’une forme intellectualisé, un texte, et s’emploie à retrouver la sensation, le vrai ; il incarne.
Quels sont vos grandes références en tant que metteur en scène ?
En arrivant à Paris j’ai découvert le travail d’Ivo van Hove avec les Tragédies Romaines. Ses mises en scènes sont époustouflantes. Il y a aussi eu Le Vania de Julie Deliquet à la Comédie Française que j’ai trouvé fantastique. Je pense également au travail de Christian Hecq ; un maître de la comédie. Enfin, Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patteliere, les auteurs du Prénom. «Le Magot» quant à lui serait plus dans la veine du Splendid ou du «Dîner de cons» .
Qu’est-ce qu’une grande pièce pour vous ?
Une grande pièce pour moi est un geste artistique sans concession qui va au bout d’un désir sincère et justifié.
Que représente Avignon pour vous ?
Avignon est une chance. On joue tous les soirs. On reçoit beaucoup du public. Tout est toujours en mouvement. Un fourmillement fantastique.
Quels sont vos projets ?
Actuellement il s’agit d’offrir le meilleur moment possible au public qui viendra nous voir chaque soir au Théâtre des Corps saints . Ensuite, j’aimerais poursuivre cette aventure avec mes amis et partenaires de jeu Arnaud Fiore, Valentin Dibot, Charlotte Lainé, Charlie Quatrefages, Alban Pellet, Sylvain Gavry et Mathilde Clozier. C’est un bonheur immense de faire rire les spectateurs. En dehors du Magot, j’ai également écrit un moyen métrage que je suis en train de vendre et un long métrage que je garde en réserve pour le moment. Par ailleurs, l’écriture continue… C’est un cheminement long et mystérieux…
Propos recueillis par Jean-Rémi BARLAND
« La magot » de et avec Stanislas Bizeul. Au théâtre des Corps Saints – 76, place des Corps Saints. 84000 Avignon. Jusqu’au 30 juillet à 21h55. Réservations au 04 90 16 07 50 ou sur theatre-corps-saints-avignon.com
