Publié le 21 juillet 2022 à 21h29 - Dernière mise à jour le 11 juin 2023 à 19h09
Tout d’abord un roman «Les Misérables», chef d’oeuvre de Victor Hugo. Ensuite un spectacle «les Misérables 2.0» mis en scène par Francisca Rosell joué en ce moment jusqu’au 30 juillet à «La Luna» dans le cadre du off d’Avignon. Les notes d’intention sont très claires. «Quand on réécrit une histoire, soit on choisit de l’adapter de façon classique, soit il faut complétement la réinventer», est-il souligné. C’est le choix ici. Dans cette adaptation humoristique, décalée, rythmée et parfois cruelle, Francisca Rosell reprend l’intrigue du roman de Victor Hugo, en modernisant tout le reste.
On retrouve le généreux Jean Valjean, l’impitoyable inspecteur Javert, la misérable Fantine, les terrifiants Thénardier dans une version drôle, haletante, hors norme, engagée, avec des références à notre actualité. Une succession de scènes, de compositions truculentes ou déchirantes, entrecoupées de numéros de cabaret dans lesquelles la société d’hier devient le miroir de la nôtre sur fond de satire sociale. On bouscule les codes de la scène, on mélange les genres avec des situations entraînantes, dans l’air du temps, mêlant rires et émotions pour le plaisir du public.
L’action se déroule le 5 juin 1832 à Paris, pendant les émeutes. Étudiants, ouvriers, femmes et non genrés militent pour les droits de l’Homme et les valeurs républicaines. Ils luttent contre les discriminations et les préjugés de toutes sortes. Parmi ces personnages, Javert est un espion infiltré, un inspecteur de police qui a pour mission de neutraliser les rebelles. Face à eux se tient la police qui prépare son artillerie pour tirer sur les manifestants. Marius, un jeune étudiant, se trouve sur les barricades. Jean Valjean, âgé alors de soixante-trois ans, apprend que sa fille Cosette aime le jeune homme. Il rejoint les manifestants avec l’intention de le sauver d’une mort certaine. Dans l’attente de l’issue du combat, de la mémoire de Jean Valjean surgissent des scènes de flashback, poignantes ou burlesques, revues au regard de notre actualité. A l’arrivée une équipe de comédiens interprète 18 personnages, vous projetant, comme dans un road movie endiablé, dans une galère, un squat parisien, un tripot révolutionnaire, un trottoir la nuit isolé ou dans le bureau de la préfecture de police comme si vous y étiez.
Fou de moto, de foot, d’improvisation, d’arts martiaux, et citant Michel .Bouquet
Parmi eux Valentin Boulenger le benjamin de la troupe s’en donne à cœur joie. Études de biologie en poche, il découvre la scène en 2016 grâce à la compagnie de théâtre d’improvisation « La Morsure ». C’est un véritable coup de cœur. Il décide de monter sur Paris en 2017 pour se lancer dans la comédie. Il continue de se former au jeu de l’acteur avec la classe libre du studio Muller, des stages d’improvisation et d’initiation à la cascade en spectacle et cinéma. Depuis il interprète divers rôles, notamment dans la pièce «une vieille affaire» mise en scène par Fanny Chevalier à la comédie Saint-Michel et avec la troupe « les aventureurs » qui se produit régulièrement à Paris. Il joue également divers rôles pour des séries télé et des courts-métrages.
Possédant plusieurs cordes à son arc, fou de moto, s’étant formé à la cascade, aux arts martiaux, à la boxe, au foot, grand lecteur de romans, il voue à Michel Bouquet une admiration sans bornes. Valentin Boulenger se souvient que «Michel bouquet affirmait que l’univers du comédien et l’univers du metteur en scène devaient se rencontrer pour créer un troisième univers qui est le rendu du spectacle, et que celui-ci devait susciter toutes les émotions. J’ai toujours gardé cela en mémoire quand je travaille.» Faisant attention à ce que l’interprète ne soit pas une simple marionnette dans les mains d’un metteur en scène, Valentin Boulenger aime proposer des choses très différentes. «Avec Francisca Rosell on a beaucoup discuté pendant de longues séances à la table. Chacun donnait son avis, elle nous a beaucoup écoutés, et a émergé une valorisation de nos impressions pour au final ce Misérables 2.0 explosif et complémentaire.»
Admirant Édouard Baer, Camille Cottin, et Gérard Depardieu, «inspirants dans l’énergie qu’ils dégagent», Valentin Boulenger ne cherche pas à copier ou imiter les interprètes dont il se sent esthétiquement proches. Dans les Misérables 2.0, il déborde d’énergie pour jouer Jean Valjean jeune, Marius ou le Thénardier. «Cette expérience m’a été très utile et je suis vraiment heureux d’avoir été choisi après audition par Francisca pour intégrer la troupe du spectacle», souligne-t-il.
« Valentin est un comédien formidable ».
Même écho chez la metteuse en scène qui trouve Valentin d’un grand professionnalisme malgré son jeune âge, et qui salue en lui un comédien énergique formidable, donnant comme le reste de sa troupe le meilleur de lui-même sur scène. Femme de tempérament elle insuffle d’ailleurs du bonheur de jouer à toute son équipe. Ayant fait des études d’Arts du Spectacle à l’Université de Nice, puis à Paris III, Francisca Rosell se fait remarquer pour ses écrits, obtient en 1997, pour sa pièce « La Vitrine« , une aide à la création dramatique du Ministère de la Culture. Jean-Pierre Dumas, lui propose d’écrire « La Pilule de l’Immortalité » pour le théâtre de la Tempête aux rencontres de la cartoucherie 1998. La même année, sa compagnie devient une structure culturelle subventionnée et soutenue par de nombreux partenaires publics et privés. Elle dirige de nombreux projets de théâtre jusqu’en 2007. Puis elle travaille comme comédienne pour Luc Girerd, Guy Cambreleng, Claude Merlin, Sylvie Mandier.
En 2012, elle reprend son travail d’écriture et de direction artistique. Elle présentera au Vingtième Théâtre son spectacle « Don Quichotte ou presque » avec Bernard Menez dans le rôle-titre au départ. Le spectacle sera un succès et tourne toujours. En 2017, elle écrit « les 3 Mousquetaires » d’après le roman d’Alexandre Dumas, le spectacle est créé au théâtre du Gymnase en juin 2018, c’est un très beau succès et il est joué partout en France.
Victor Hugo et les générations d’aujourd’hui
Quant à Victor Hugo pour qui elle a un attachement des plus vifs, elle est admirative de sa puissance d’écriture visionnaire . «Il s’est battu pour les générations futures et c’était vraiment un sujet important pour moi d’exprimer par ce spectacle la leçon de courage de Victor Hugo s’investissant pour l’avenir des enfants. Un avenir qu’il souhaitait plus radieux. Je voulais que je puisse transmettre l’œuvre pour qu’elle puisse transmettre ce message aux jeunes d’aujourd’hui. Hugo, c’est beau, c’est réconfortant.» D’où l’idée d’associer le titre «Les Misérables» à ce 2.0.qui mêle hier à aujourd’hui. On voyage ainsi dans ce beau spectacle souvent très drôle entre la somme des expériences humaines : mémoire, savoirs et rêves d’avenir. Tout cela traité avec provocation et humour pour le plaisir du public. Humour dont ne manque pas Valentin Boulenger, acteur surpuissant et d’une grande humilité.
Jean-Rémi BARLAND
«Les Misérables 2.0» au Théâtre de La Luna 1, rue Séverine – 84 000 Avignon jusqu’au au 30 juillet, à 21h30. Relâche le 24 juillet. Tarifs : 20 € ; 14 € (abonnés et réduit). Réservations : 04 90 86 96 28 – theatrelaluna.fr