Publié le 1 septembre 2022 à 20h59 - Dernière mise à jour le 11 juin 2023 à 18h49
Pierre Adrian dédicacera ses romans «Des âmes simples» et «Que reviennent ceux qui sont loin» au Salon Littéraire du Pays d’Aix à Fuveau les 3 et 4 septembre.
Des âmes simples
C’est un roman contemplatif, un roman de paix, de foi, résilience et de main tendue à l’autre. Un roman christique qui nous plonge dans un monde de douleur et d’espoir, un roman qui s’interroge sur le sens que nous donnons à la mort, et sur le regard que nous portons sur notre propre mort. Nommé curé en 1967, l’hiver de ses vingt-quatre ans, dans la vallée d’Aspe, Pierre voua son âme au monastère qui accueille les hommes en perdition. «Péleriner, c’est aussi savoir s’arrêter», nous confie le narrateur du récit nous amenant à lui. « Aimer. L’acte ne suffit pas. Il faut aimer l’Amour. Dans le doute, l’inconstance, hélas. L’Amour connaît ses nuits d’hallali, son désert des glaciers. Et ceux qui assimilent la foi à du roc se trompent. Oui ils sont bien sur d’eux. Elle est un marécage, une ténèbre. Elle a ses chemins de pierre criblées de trous. La route est torse, affligeante, jusqu’à cette révolution», nous dit-on ici. Au fil des pages où l’on évoque pêle-mêle la fête de l’ours, la possible fermeture brutale d’une ligne de chemin de fer, l’exode rural des montagnes et des plaines». L’auteur Pierre Adrian brosse le portrait de gens de grande ou peu de foi, «de ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas», mais qui tous aspirent à l’élévation de leurs âmes.
Un roman proche de Julien Green…
Magnifique, chant d’amour d’un vieux prêtre se demandant par instants si Dieu ne l’a pas parfois abandonné, « Des âmes simples » publié en 2016, et réédité chez Folio, demeure un texte hors du temps, loin des modes, qui engage chacun à combattre ses égotismes et qui s’inscrit dans la lignée des romans de Julien Green qui fut écrivain et catholique, (il tenait à cette conjonction de coordination). C’est, beau, digne, grand et droit, écrit sans pathos, et cela fait surgir chez le lecteur des images de beauté morale qui réchauffe le cœur. Et Pierre Adrian n’en est pas resté là, signant avec « Que reviennent ceux qui sont loin » un des plus beaux romans de cette rentrée littéraire.
«Que reviennent ceux qui sont loin»
C’est un roman dont on se surprend à ralentir la lecture, allant jusqu’à effectuer des retours en arrière pour en savourer chaque phrase, chaque mot, chaque mouvement de ponctuation. Un roman promenade qui rappelle la prose panthéiste du Julien Gracq des «Carnets du grand chemin» ou de «La forme d’une ville» que l’auteur consacrait à sa ville de Nantes. Ici le décor est Brest, et ses alentours, plus précisément les routes, les sentiers, les moindres recoins de campagne de la Bretagne intérieure arpentée par un narrateur à la mémoire proustienne. Un roman sur une maison de famille bruissant des mille bruits de la vie, assoupie parfois l’été, où l’on s’ennuie aussi durant des vacances marquées par l’empreinte des vagues, des plages, et du sable collant à la peau.
Au centre d’un kaléidoscope dont le narrateur présente un à un chaque élément le composant, objets et personnages mêlés, on trouve une «petite grand-mère» assise sur une chaise basse à qui l’on pardonne sa mémoire défaillante. «On ne lui demandait pas de se souvenir de nous. C’était déjà admirable d’être là. Sa présence était désormais la seule chose qu’on attendait d’elle», nous dit-on de cette vieille dame très digne pour qui «la vie était un spectacle qu’elle regardait de loin, sans retenir les personnages.» Une veuve d’un grand-père mort dix ans plus tôt, propriétaire d’un bateau vendu quand les forces l’avaient abandonné, et qui pendant longtemps «avait fait comme si la vieillesse ne l’atteignait pas.»
Au milieu d’une «tribut d’enfants» qui sur la plage «vibrionnait autour des serviettes» et que l’on tartinait de crème solaire, on trouve le petit Jean, un petit cousin que le narrateur va prendre sous son aile, à qui il va faire découvrir comment attraper un crabe sans se pincer. Leur complicité pure, l’empathie de l’un envers l’autre, comptent parmi les plus belles pages du livre car elles renvoient le narrateur à sa propre enfance, à ses rêves enfouis sous la patine des jours, et à la façon dont il mesure avec mélancolie combien le temps a passé.
Il y aussi le couple formé par Catherine et François. Ce dernier anarchiste chantant Brassens, doux, et honnête n’envisageant pas le mal, car ne l’ayant jamais commis, qui bricolant sans cesse, réparant tout, prenait le temps de fabriquer patiemment aux enfants un monde imaginaire. Sans oublier Anne que le narrateur aime retrouver et que le narrateur désire ardemment et à qui il aime faire l’amour en silence.
Épilogue qui tire les larmes
Tous ces éléments réunis, lieux, objets, personnages composent une sorte de sonate schubertienne des âmes brisées que l’auteur laisse entendre lors d’un épilogue qui tire les larmes. Des pages bouleversantes qui sans pathos ou effets larmoyants vous sautent néanmoins au cœur. Avec son roman dont le titre est une référence à un extrait cité du livre de Pavese «Le métier de vivre», Pierre Adrian signe une fiction exemplaire qui est aussi le récit compassionnel d’une famille où tout le monde s’aime. Tonnerre de Brest…., comme le chanterait Miossec, quel chef d’oeuvre !
Jean-Rémi BARLAND
Pierre Adrian sera au Salon Littéraire du Pays d’Aix à Fuveau les 3 et 4 septembre pour dédicacer «Des âmes simples» aux Éditions Folio, 210 pages – «Que reviennent ceux qui sont loin » aux Éditions Gallimard. 181 pages, 20 €.