Publié le 3 octobre 2022 à 19h47 - Dernière mise à jour le 11 juin 2023 à 18h26
C’est «Macbeth», l’opéra de Verdi composé sur un livret de Piave d’après Shakespeare qui ouvre la saison de l’Opéra de Marseille dans la production mise en scène par Frédéric Bélier-Garcia en juin 2016 et qui, elle, bouclait la saison 2015/2016 de l’établissement lyrique.
Macbeth, tyran sanguinaire poussé au sommet de l’horreur par une épouse avide de pouvoir ? C’est de cette notion du désir à tout prix que s’est emparé Frédéric Bélier-Garcia pour mettre en scène ce drame haletant de la première à la dernière note. Il nous entraîne et nous emprisonne dans un monde où la folie et l’horreur règnent en maitresses, facilité dans sa tâche par la musique envoûtante de Verdi qui signe ici l’une de ses partitions emblématiques. Nous avions déjà été séduits en 2016 par cette production et nous le sommes encore plus aujourd’hui, au lendemain d’une première accueillie chaleureusement par une salle comble.
Alors oui, Verdi est à Marseille comme chez lui, oui le bel canto fait partie de la culture locale au même titre que la bouillabaisse, mais ce n’est pas pour autant que l’on peut faire ici tout et n’importe quoi. A commencer par l’interprétation qui doit être irréprochable. En invitant le maestro Arrivabeni à la direction musicale de ce Macbeth, Maurice Xiberras , directeur général de l’Opéra, ne prenait pas grand risque. Le maître affectionne tout particulièrement les compositions de Verdi et il n’hésite pas à s’investir totalement afin de friser, voire d’embrasser l’excellence. Et comme à deux pas du Vieux-Port il est un peu comme à la maison, à la tête de musiciens qu’il apprécie beaucoup et qui le lui rendent bien, sa tâche en est facilitée.
Le résultat est puissant et somptueux ; dès les premières mesures le public est happé par la musique et se retrouve en apnée pendant trois heures. Au volume de cordes précises et chaudes répond le tranchant des cuivres irréprochables ; les vents sont élégants et aériens et les percussions présentes sans excès. Sans conteste, cet orchestre est verdien en diable. Et c’est tant mieux car sur la scène, la distribution l’est aussi.
On dit souvent que les sorcières sont, avec Macbeth et sa Lady, le troisième personnage de cette œuvre. Ce n’est pas faux et ici c’est d’autant plus vrai que les infernales créatures sont les dames du chœur très investies dans leurs rôles et idéalement préparées, comme leurs camarades masculins, par Emmanuel Trenque. Le couple maudit, quant à lui, est exceptionnel. Anastasia Bartoli est l’idéale Lady Macbeth, brune, sombre œil noir et voix qu’aurait aimé Verdi pour ce rôle :
couleur métal, aiguisée et puissante. Grande personnalité pour ce rôle qu’elle maitrise totalement, inquiétante à souhait. C’est elle qui arme la main de Macbeth pour d’horribles crimes afin d’assouvir son désir de puissance et de pouvoir. Macbeth est incarné par Dalibor Jenis, grand gaillard et voix assurée, personnage torturé sombrant dans la folie.
Voix sombre et précise, belle projection et jeu peaufiné, Nicolas Courjal incarne sans peine un Banquo des plus crédibles. Jérémy Duffaut, quant à lui, excelle dans son unique air de Macduff au 4e acte. A l’unisson de la qualité d’ensemble, Laurence Janot est une élégante et très présente suivante de Lady Macbeth, Nestor Galvan un Malcom très guerrier ; quant à Jean-Marie Delpas il alterne avec bonheur ses rôles de médecin et de serviteur de Lady Macbeth. Soulignons aussi la prestation assurée et parfois émouvante de figurants efficaces. Il reste encore quelques places à la location et il serait dommage qu’elles demeurent inoccupées… La production vaut le déplacement.
Michel EGEA
«Macbeth» de Verdi. Autres représentations les 4 et 7 octobre à 20 heures et le 9 octobre à 14h30. Plus d’info et réservations : opera.marseille.com