Marseille : Médecins du Monde, la Fondation Abbé Pierre, la FNARS impliquent les prétendants à la mairie pour un accès à l’eau pour tous dans la Ville

Publié le 2 mars 2014 à  21h27 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h19

(photo P.M.-C.)
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Fathi Bouaroua, délégué régional de la Fondation Abbé Pierre (Photo P.M.-C.)
Fathi Bouaroua, délégué régional de la Fondation Abbé Pierre (Photo P.M.-C.)
C’est un défi que les organisations Médecins du Monde, la Fondation Abbé Pierre et la Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de Réinsertion sociale (FNARS) Paca-Corse-DOM ont lancé aux candidats aux municipales,en les conviant ainsi que la presse, ce jeudi, sur le parvis de la mairie de Marseille pour signer «une charte* d’engagement relative à la mise en œuvre effective du droit à l’accès à l’eau dans la ville». «Un homme qui se lave les pieds dans un caniveau, des enfants qui reviennent de la corvée d’eau en poussant un chariot sur une bretelle d’autoroute, des toilettes publiques hors d’usage, des bornes fontaines détériorées… A la veille des élections municipales, tous ces témoignages recueillis dans Marseille en 2014 attestent d’un véritable parcours du combattant pour accéder à l’eau, notamment pour les personnes qui vivent dans la rue », indiquent les organisations
Il est vrai que les candidats ne se sont pas bousculés aux portillons, Pape Diouf a fait un passage éclair, une conférence de presse l’attendait, à la même heure, de l’autre côté du Lacydon; Patrick Mennucci était engagé par ailleurs mais a expliqué dans un communiqué que son absence n’était en aucun cas liée à un refus de signer la charte proposée. Charte « que d’ailleurs je signe sans la moindre réserve dès aujourd’hui», a-t-il assuré. De leur côté, les candidats UMP, PRG et FN ne se sont pas manifestés.
C’est le candidat du Front de gauche, Jean-Marc Coppola qui fera la différence en intervenant longuement sur ce problème de l’eau, précisant qu’il ne s’agit pas là «d’opportunisme mais le prolongement d’un combat politique que nous menons depuis des années ». En rappelant notamment les actions menées au côté de Danielle Miterrand, infatigable défenseuse du droit à l’accès à l’eau à la tête de La Fondation France Libertés; le soutien apporté à Michel Partage qui a lancé en 2005 l’appel deVarages, petit village du Haut Var, à l’origine d’un collectif, rassemblant élus, usagers et associations, pour la promotion la gestion publique de l’eau. Le candidat de considérer :«Les politiques sont attendus sur leurs actes. On peut changer les choses».

Une politique anti-pauvre

Il est certain que cette réalité, en France, à Marseille paraît inconcevable au 21e siècle pourtant, le docteur Philippe Rodier, délégué régional de Médecins du Monde présente une réalité qui ne peut qu’alerter tout un chacun.
Après avoir bien signifié qu’à Marseille, «c’est compliqué» parce qu’il y a pas de fontaines pour boire; pas de toilettes : «Si vous n’avez pas 5 euros pour aller dans un bar, il ne vous reste plus qu’à vous cacher entre deux voitures»; pas de douches publiques pour les personnes sans domicile. Pour tout cela, «il faut sensibiliser des candidats et largement au-delà». Mais, plus grave encore, l’impact mesuré sur la santé. «On a vu réémerger, explique le Dr rodier, « le péril fécal » responsable en 2013 d’une épidémie d’hépatite A. On a dû rapidement procéder à une campagne de vaccination ». «Cet impact sur la santé publique, poursuit-il, est dû à la tension de l’accès à l’eau qui est voulu par les autorités pour dissuader les populations précaires et mener ainsi une politique anti-pauvres ».

«On révèle l’état d’une société à la manière dont elle traite ses pauvres»

Fathi Bouaroua, délégué régional de la Fondation Abbé Pierre, de rappeler que l’eau qui circule dans les caniveaux, «c’est de l’eau potable». Il évoque les gens du voyage à qui l’on attribue des espaces mais sans évacuation pour les déchets, sans eau, sans toilettes. «On ne peut pas laisser les populations dans le besoins, nous installons des toilettes sèches, que nous montons avec eux même s’il ne reste que 5 jours. Il considère: «On révèle l’état d’une société à la manière dont elle traite ses pauvres »

«Il s’agit de la reconnaissance de ces personnes en tant qu’êtres humains»

Christian Vives, directeur régional de la Fnars de rappeler qu’il n’existe que «10 douches pour répondre aux besoins des 1 000 personnes qui se présentent dans les centres d’accueil chaque jour à Marseille». Il estime que «la Ville s’est organisée pour ne pas prendre en compte les plus pauvres». Or, s’insurge-t-il : «Il s’agit de la reconnaissance de ces personnes en tant qu’êtres humains».
Ludovic est SDF. Il est à Marseille depuis quelques mois. Il regrette qu’il n’y ait pas de fontaine. «On est obligé de mendier de l’eau pour boire. Et tout aussi important, pour l’hygiène de tous les jours, c’est très difficile. Parfois à part boire l’eau du caniveau, on reste sans boire et sans se laver»,dévoile-t-il.
La question sera de savoir si les candidats tiendront leur engagement sachant que certains ont prôné la suppression des bancs pour empêcher les SDF de se poser ou encore toujours dans l’esprit de ne plus voir les SDF, pouvoir les regrouper dans un espace en dehors de la Ville…
Patricia MAILLE-CAIRE

L’accès à l’eau dans la Ville- États des lieux

Il existe une demi-douzaine de sanitaires publics souvent hors d’usage, désaffectés et peu ou pas entretenus.
La plupart des bornes fontaines souvent étiquetées « non potables » ne sont ni fonctionnelles ni utilisables. D’autres sont fermées ou situées dans les parcs dont les portes sont fermées à 19 heures. Et bien souvent, l’état défectueux des fontaines rend l’eau impropre à la consommation.
Une dizaine de douches en accès libre et gratuit, fonctionnent sous la responsabilité des associations et sont réparties entre la Boutique Solidarité, ADJ Béthanie du Secours Catholique, l’ADJ Marceau. Sur l’hébergement d’urgence de la madrague, elles sont au nombre de 4 pour 350 personnes.

Un espace public inconfortable pour tous et hostile aux plus fragiles

La ville est depuis toujours dédiée à l’ensemble des citoyens. Pourtant, les plus fragiles sont aujourd’hui exclus comme en témoignage la multiplication des arrêtés anti-mendicité.
En supprimant les éléments de confort urbain : bancs, toilettes, fontaines, la ville pénalise l’ensemble des habitants et exclut les plus précaires de l’espace public sans pour autant lutter contre la pauvreté. L’espace public est désormais lisse et réservé aux personnes valides et disposant de ressources.

Des conséquences dommageables en termes de santé publique

La restriction de l’accès à l’eau augmente, entre autres, l’incidence des dermatoses, maladie infectieuse : gastro-entérites et hépatite A et participe aux intoxications au plomb.

Charte d’engagement

L’accès à l’eau pour les populations à Marseille 2014
Il est de la responsabilité des maires et communautés urbaines de rendre le droit d’accès à l’eau effectif pour l’ensemble de la population, qu’elle soit précaire ou non
-Engagement n°1
Ouvrir et (rouvrir) les fontaines publiques à proximité des bâtiments administratifs, culturels, les marchés, dans les parcs et jardins.
-Engagement n°2
Installer des toilettes automatiques dignes et gratuites en nombre suffisant sur l’ensemble du territoire
-Engagement n°3
Ouvrir des douches municipales gratuites et en nombre suffisant
-Engagement n°4
Permettre le raccordement temporaire des bidonvilles et des squats
-Engagement n°5
Assurer partout l’évacuation des déchets

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