Publié le 2 mars 2014 à 22h25 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h19
Il est rare de voir un tel public rassemblé pour une remise de Légion d’Honneur. En effet, ce vendredi 28 février, c’est tout le quartier de l’Opéra ainsi que les clients de «Chez Vincent», un des établissements cultes de Marseille qui se pressait à l’Hôtel de Ville de Marseille pour la remise, par Jean-Claude Gaudin, des insignes de chevalier de la Légion d’Honneur à Rose Suggello, 90 ans depuis peu, et qui règne toujours en maître dans sa cuisine, son escalope milanaise méritant à elle seule la décoration.
Ainsi, on notait dans l’assistance, la présence de son frère Vincent, qui ne manqua pas de célébrer son amour pour le Bel Canto en offrant quelques notes au public. Là, aussi Alex et tout le personnel de la boucherie voisine, Ben, l’épicier, le café… Le monde de la restauration était également présent, avec notamment Bernard Loury (Chez Loury) et Christian Catoni (Le Caribou), deux maisons incontournables. A propos de maison, on trouvait aussi une autre habitante du quartier, Françoise Trilles, cuisinière des meilleures maisons.
« Cette femme au doux regard clair, au sourire tendre »
Également, un habitué s’il en est de «chez Vincent », Michel Montana, directeur des relations extérieures de La Marseillaise; Jean-Claude Gaudin savourera d’ailleurs le fait d’avoir sa photo en bonne place dans l’établissement, tout en reconnaissant «je rivalise à ce niveau avec Michel Montana». Franz-Olivier Giesbert n’aurait manqué la cérémonie pour rien au monde, lui qui, dans «La Cuisinière d’Himmler», voit son personnage central, Rose, une cuisinière, avouer qu’il existe, à Marseille, rue Glandevès, une Rose, meilleure cuisinière qu’elle. Chez toutes les personnes présentes, l’établissement évoque des souvenirs. Daniel Hermann, les yeux gourmands, évoque les pieds-paquets. Caroline Pozmentier parle de souvenirs d’enfance, de repas de famille. Sachant que le tout Marseille « la droite et la gauche, les avocats et les juges, les journalistes et les écrivains», ne manque pas de fréquenter cette adresse. Rose Suggello, pourtant habituée à voir ce public chez elle ne pouvait cacher son émotion et remercier de tout son cœur les présents.
Jean-Claude Gaudin avoue :« Lorsque je vois tant de personnalités éminentes et tant d’amis dans cette salle, je mesure l’honneur que vous me faites, en m’ayant choisi comme parrain. Et vous avez choisi ce lieu de l’Hôtel de Ville, parce que c’est ici que vous vous étiez mariée, il y a quelques années… ». Puis de lancer : «A l’amie que j’honore, à celle qui m’a toujours soutenu et encouragé dans l’adversité, bien avant d’être le Premier Magistrat de cette ville, je veux dire ce soir qu’elle est restée pour moi cette femme au doux regard clair, au sourire tendre, inlassablement poussée par un souffle impétueux et une énergie incroyable».
« Vous êtes la bonté personnifiée »
Il souligne:«Cette force qui vous caractérise, elle est d’abord spirituelle. Vous êtes la bonté personnifiée, vous respirez toujours la joie de vivre. Et pourtant, ceux qui ont le privilège de vous connaître savent l’immense douleur qui vous a frappée, avec la perte de Marcel, fils tant aimé».
Le Maire rappelle à ce propos : «Tout homme est une histoire sacrée, telle pourrait être votre devise. Vous êtes authentique, proche de votre famille et de vos amis que vous protégez et aimez profondément. Passionnée de Dieu également car la foi pour vous n’est pas un vain mot ».
Puis, changeant de registre, c’est avec humour qu’il lance : «Aujourd’hui à 90 ans vous avez conservé un goût enthousiaste pour la vie. Et une force de jeunesse qui défie le temps et l’âge de la retraite, ce mot inconnu de votre vocabulaire. Pour avoir inventé ainsi la solution miraculeuse au déficit des régimes de retraite, vous méritiez bien, d’un seul coup, tous les grades de la Légion d’Honneur».
Puis de raconter la Sicile, la famille qui part chercher du travail à Marseille. «Cette histoire, c’est celle de la diaspora italienne, qui a profondément marqué notre ville et qui a contribué à forger son âme fraternelle, généreuse et disons-le un peu expansive».
Il rappelle : «Votre mère ouvre un établissement en 1936, qu’elle baptise du nom de votre frère « Chez Vincent », rue Glandevès, à proximité de l’Opéra, une autre passion familiale».
En 1946, «Vous avez 22 ans. Votre mère vous demande de la rejoindre au restaurant pour l’aider, vous n’en partirez plus». Cela alors que, pendant plus de 20 ans, elle aidera son compagnon au chalet de la «Villa d’Este », un kiosque municipal de restauration rapide près de la cathédrale de la Major.
Michel CAIRE