Publié le 17 mars 2014 à 22h10 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h19
Devant le Congrès américain, John Kerry, Secrétaire d’Etat, manifestait, mi-mars, son sentiment sur l’évolution en cours des négociations entre Israéliens et Palestiniens, avouant n’avoir, de sa vie, jamais vu un tel niveau de défiance réciproque, chacune des parties estimant que l’autre n’est pas sérieuse, qu’elle n’est pas prête à prendre les décisions qui s’imposent. Le sentiment de Kerry n’a rien d’étonnant lorsqu’on prend connaissance des sondages effectués auprès des populations israélienne et palestinienne au sujet des négociations en cours et de leur probabilité de réussite. Le plus étonnant est que les réponses se contredisent. D’un côté, aussi bien du côté israélien que palestinien, il apparaît clairement que la population se déclare majoritairement en faveur de la négociation, mais d’un autre côté, à la question de savoir si les négociations ont une chance sérieuse d’aboutir à la conclusion d’un accord, la réponse est négative.
Les israéliens, en particulier les arabes israéliens se prononcent clairement en faveur de la négociation, et le pourcentage très en faveur ou modérément en faveur, se maintient entre juillet 2013, date de début des négociations et février 2014, à deux mois du terme annoncé des négociations. Par contre, les israéliens, malgré qu’ils se prononcent en faveur de la négociation pensent majoritairement qu’elle échouera.
Juillet 2013 (%) | Février 2014 (%) | |||
Juifs | Arabes | Juifs | Arabes | |
En faveur | 61.3 | 90.9 | 65.9 | 81.0 |
Opposé | 33.1 | 6.2 | 29.9 | 10.1 |
Pas de réponse | 5.6 | 2.9 | 4.3 | 8.9 |
Juillet 2013 (%) | Février 2014 (%) | |||
Juifs | Arabes | Juifs | Arabes | |
Oui | 25.7 | 56.7 | 25.3 | 45.0 |
Non | 70.4 | 38.6 | 73.0 | 50.2 |
Pas de réponse | 3.9 | 4.7 | 1.9 | 4.7 |
Les sondages effectués auprès de la population palestinienne, aussi bien en Cisjordanie qu’à Gaza, révèlent ma même contradiction.
Total (%) | Cisjordanie (%) | Bande de Gaza (%) | |
Sont pour | 50.2 | 51.4 | 48.2 |
Sont opposés | 47.1 | 45.3 | 50.0 |
Pas de réponse | 2.7 | 3.3 | 1.8 |
Total (%) | Cisjordanie (%) | Bande de Gaza (%) | |
Sont pour | 50.2 | 51.4 | 48.2 |
Sont opposés | 47.1 | 45.3 | 50.0 |
Pas de réponse | 2.7 | 3.3 | 1.8 |
Le manque réciproque de confiance a souvent été évoqué pour expliquer le blocage des négociations qui caractérisent les relations entre les deux parties. Va-t-on assister à une « occasion manquée » de plus entre Israéliens et Palestiniens. La rencontre, le 17 mars entre le Président Obama et le Président Abbas semble être la dernière chance de relancer le cycle de négociations qui, en principe devrait prendre fin le 29 avril prochain.
Dans l’hypothèse, que nous ne souhaitons pas, où les deux parties n’arrivent pas à s’entendre d’ici fin avril, il est à prévoir que beaucoup de commentateurs politiques feront remarquer qu’une fois de plus on sera face à une nouvelle occasion manquée[[ Le souci des Israéliens et des Palestiniens sera alors de faire en sorte de ne pas apparaître responsable de l’échec des négociations.]]. Déjà, en 1978, l’ancien ministre israélien des affaires étrangères Abba Eban, affirmait que les Palestiniens « ne ratent jamais l’occasion de rater une occasion« . Et pour Yoel Marcus, journaliste de Haaretz, journal israélien réputé de gauche, ce jugement peut aussi s’appliquer au premier ministre israélien Netanyahu[[Yoel Marcus, “Netanyahu doesn’t miss an opportunity to avoid peace”, Haaretz, 23 septembre 2011]].
Mais alors, avant de se prononcer sur l’hypothétique éventualité prochaine d’une occasion manquée, il convient de se demander ce qu’est, une occasion manquée ?
Pour Elih Podeh, universitaire israélien, spécialiste des négociations israélo-arabes, quatre paramètres doivent être examinés avant de conclure être en présence d’une occasion manquée : le degré de légitimité des leaders politiques face à leur propre opinion publique, leur degré de détermination à aboutir à un accord de paix, le degré de confiance qui existe entre les parties prenantes à la négociation, le degré d’engagement d’un parti tiers à la négociation. De ces quatre conditions trois sont remplies, seule la confiance réciproque manque. Comment, dans ses conditions rétablir ce minimum de confiance qui permettrait au minimum de poursuivre les négociations et de montrer aussi bien aux américains, intermédiaires persévérants, qu’à leurs opinions respectives, qu’un compromis historique n’est pas hors de portée ?
*Le groupe d’Aix, présidé par Gilbert Benhayoun comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées.