Publié le 22 avril 2014 à 16h25 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h48
Le 29 mars dernier les Israéliens décident de ne pas relâcher les prisonniers palestiniens et arabes israéliens, comme cela avait été convenu au démarrage des négociations en juillet 2013. En réaction, quelques jours après, le 1 avril, le Président de l’Autorité palestinienne (AP), signe la demande d’accession à quinze organisations internationales, au risque de faire dérailler les négociations en cours. A leur tour, les Israéliens menacent d’adopter, de manière unilatérale, des mesures de représailles sur le plan économique et financier.
Cette escalade risque d’entraîner les deux parties dans une spirale négative non souhaitée. Le 19 avril, dans l’hypothèse d’un échec des négociations, débutées il y a neuf mois et devant en principe se terminer le 29 avril prochain, Abbas menace de ne plus reconnaître les accords d’Oslo de 1993, ce qui reviendrait à dissoudre l’Autorité palestinienne ainsi que les forces de sécurité. Cette menace, si elle est suivie d’effet, risque d’avoir des graves conséquences pour Israël aussi bien sur le plan sécuritaire que sur le plan diplomatique.
Dans cette hypothèse, l’Autorité palestinienne deviendrait un «gouvernement sous occupation», ne disposant d’aucune autorité. La responsabilité administrative de la Cisjordanie et de ses habitants passerait sous la responsabilité israélienne. Il appartiendra en conséquence aux Israéliens dans cette hypothèse cauchemardesque pour eux, d’assurer la sécurité, d’organiser la rentrée des classes et, de manière plus générale, d’assurer le fonctionnement régulier des services civils. Les risques de dérapages et de retour de la violence, des attentats meurtriers, suivis de représailles, augmenteront de manière dramatique. La communauté internationale risque alors de se retourner contre Israël exigeant du gouvernement la recherche rapide d’une solution, dont on peut faire l’hypothèse qu’elle ne sera pas en faveur des Israéliens.
L’objectif des récentes rencontres entre Américains, Israéliens et Palestiniens est modeste. Il s’agit simplement d’obtenir que ces derniers acceptent de prolonger le cycle de négociations, au moins jusqu’à la fin de l’année. Entre-temps, deux événements importants risquent d’influencer le cours des négociations. D’une part, l’Assemblée Générale des Nations-Unies se réunira en septembre, durant laquelle les discours de Abbas et de Netanyahu seront attendus par la communauté internationale et d’autre part, auront lieu les élections législatives américaines de mi-parcours. Il n’est pas exclu alors, que l’actuel Congrès plutôt favorable à Israël, soit renouvelé dans un sens moins favorable.
D’ores et déjà Abbas a fait savoir qu’il accepterait de poursuivre les négociations à condition que celles-ci se concentrent, d’ici fin juillet, sur la question de la définition des frontières.
La question de l’éventuelle démission de l’Autorité palestinienne est récurrente. Plusieurs fois évoquée et le plus souvent rejetée, elle a été à nouveau sur le devant de la scène, en particulier grâce à un rapport récent, rédigé par un centre de recherches palestinien, datant du 4 février 2014 (1). Ce rapport analyse les conséquences, politiques (relations avec Israël, division Hamas-Fatah et les chances de réunification entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza), économiques, sociales (santé, éducation, communications…), et enfin sécuritaires, d’une telle initiative. Il est le résultat du travail de plus de six mois de dix équipes d’experts, dont d’anciens ministres. C’est dire qu’il faut le prendre au sérieux. Il faut noter que certaines questions, pourtant importantes, ont délibérément été laissées de côté : les réfugiés, et par voie de conséquence, l’Unrwa, agence des Nations-Unies, chargée de les financer; les réactions des pays donateurs à la Palestine; l’avenir du mouvement de non-violence; le futur statut de certaines zones particulières, telles Jérusalem, la zone C, la Bande de Gaza; et les implications sur le pays voisin, la Jordanie.
La décision éventuelle du Président Abbas de dissoudre l’AP, résultat de la frustration générée par l’absence de progrès des négociations, ferait des heureux. En particulier, ceux qui, en Palestine militent pour la solution d’un seul État, regroupant Israéliens et Palestiniens dans le cadre d’un État unique, avec comme mode opératoire, un homme, un vote. D’autres, insatisfaits de l’AP, considérée comme inefficace et surtout corrompue, seraient pour sa dissolution, s’inspirant ainsi du mouvement de révolte du Printemps arabe.
Un certain nombre d’Israéliens seraient également satisfaits de la disparition de l’AP, dans la mesure où l’idée de deux États serait abandonnée.
Ainsi, le Ministre de l’Économie, Naftali Bennet, souhaiterait que la dissolution de l’AP soit suivie d’une décision unilatérale israélienne d’annexion de la zone C, qui représente 61% de la superficie de la Cisjordanie.
Il faut espérer que cette éventualité sera finalement écartée et que les négociations puissent reprendre avec la volonté partagée d’aboutir à un compromis acceptable par les populations israélienne et palestinienne. Il est temps que des deux côtés l’on se rende compte que le temps risque de jouer en faveur d’un retour à la violence généralisée.
*Le groupe d’Aix, présidé par Gilbert Benhayoun comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées.
(1) Khalil Shikaki , «The Likelihood, Consequences and Policy Implications of PA Collapse or Dissolution: The « Day After » Final Report», Palestinian Center for Policy and Survey Research, 4 février 2014.