La Grèce envisage de réclamer 162 milliards d’euros à l’Allemagne
Alors que l’on commémore ce mercredi 8 mai le 68e anniversaire du jour de la victoire des forces alliées sur l’Allemagne nazie, qui marque la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, cet épisode de l’Histoire est revenu dans l’actualité ces derniers jours. Engluée dans une crise sans fin, la Grèce menace de réclamer à Berlin le coût des dommages de guerre de l’invasion nazie. Selon un rapport confidentiel commandé par le ministère grec des Finances, dont s’est fait l’écho le quotidien espagnol « El Paìs », la somme couvrirait les deux tiers des dettes contractées par leur pays auprès de la troïka.
240 milliards d’euros : c’est la somme, à laquelle s’ajoutent les intérêts, que doit la Grèce à la troïka (Fonds Monétaire International, Commission européenne, Banque centrale européenne) depuis qu’elle a plongé dans la crise en 2010. Un chiffre qui correspond aux montants des deux plans de sauvetage venus au secours de son économie en ruine. Sa dette publique, qui atteignait alors 130% du PIB, a grimpé l’an dernier à 172%. Or, ces comptes calamiteux, ainsi que l’état de paupérisation qui touche de larges couches de la population, pourraient en partie être redressés. Comment ? Si Athènes exigeait formellement l’argent que lui doit l’Allemagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale au titre des réparations de guerre. Un épisode de l’Histoire qui est revenu dans l’actualité ces derniers jours.
Un rapport confidentiel commandé par le ministère grec des Finances, dont s’est fait l’écho le quotidien espagnol « El Paìs », révèle que la dette allemande s’élèverait, sans les intérêts des 60 années écoulées, à 162 Mds€, c’est-à-dire approximativement à 80% du PIB grec. Selon le calcul, environ 108 Mds€ correspondraient à la reconstruction des infrastructures détruites, et le reste aux emprunts contractés par la Banque de Grèce pour couvrir les dépenses, approvisionnements et payes, des forces d’occupation.
Le 23 avril, le ministre grec des Affaires étrangères, Dimitris Avramópulos, a informé le Parlement que ce rapport sera étudié par un avocat dans peu de temps. Il décidera ensuite s’il y a lieu ou pas de réclamer cette somme à Berlin. « Il s’agit d’une question en suspens depuis 60 ans qui va bien au-delà des limites de la crise de la dette », a expliqué Dimitris Avramópulos.
Un épisode de l’Histoire ancré dans la mémoire collective grecque
L’invasion nazie entre 1941 et 1944 et la traînée de mort et de misère qu’elle sema – massacres de civils comme ceux de Dístomo ou Kalávrita, la mort de 300 000 personnes victimes de la famine, l’exécution et l’exil de dizaines de milliers d’opposants – sont gravées de manière indélébile dans la mémoire collective en Grèce. Et l’exécutif d’Athènes d’assurer qu’il ne s’agit donc pas d’une question d’argent mais de justice historique.
Le rapport est l’œuvre d’un groupe d’experts agréé par le ministère de l’Economie. Il est depuis le mois de mars entre les mains de Dimitris Avramópulos et du Premier ministre, le conservateur Andonis Samarás, qui en ultime recours aura le dernier mot. Le document est basé sur l’analyse de 791 volumes d’archives, 190 000 pages de documents au total, nombre d’entre eux ayant été mis de côté durant des décennies dans des sacs entreposés dans les sous-sols des bâtiments publics.
Comme le révélait le 7 avril le quotidien grec « To Vima » (centre gauche), sous le titre « Tout ce que l’Allemagne nous doit », une information reprise le lendemain par l’hebdomadaire allemand « Der Spiegel », la conclusion des experts est sans appel : « La Grèce n’a jamais reçu aucune compensation, ni pour les prêts qu’elle s’est vu forcée de souscrire pour l’Allemagne, ni pour les dommages subis durant la guerre ».
La communication du ministre des Affaires Etrangères au Parlement ajoute une pression supplémentaire à la coalition, déjà affaiblie, présidée par Andonis Samarás. S’il est poussé à formuler une réclamation auprès de Berlin par une bonne part de l’opposition, il redoute d’ouvrir un nouveau front dans les relations tendues avec l’Allemagne. Rappelons qu’alors que les massacres comme celui de Dístomo sont en attente d’une résolution devant le tribunal pénal international de La Haye, l’accord souscrit entre l’Allemagne et la Grèce en 1960 rejetait de nouvelles réclamations individuelles pour l’invasion nazie.
Andoni CARVALHO