Publié le 20 mai 2014 à 18h14 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h51
Trop peu de monde, lundi soir, dans la bonbonnière aixoise pour un concert original que tout mélomane aurait dû avoir à cœur de venir entendre. Car les sonates allemandes de Biber, Schmelzer et Froberger qui figuraient au programme font partie intégrante de l’histoire de la musique. Elles ont été composées à une époque où les instruments remplaçaient progressivement les voix, dans les salles de réception des châteaux. Violons, altos, luths et théorbes, violoncelles, clavecins et orgues allaient, à leur tour, raconter des histoires, transporter les auditeurs dans des salles de bals, sur des champs de bataille. Et ce n’est pas pour rien que le programme interprété par Café Zimmermann s’intitulait Bals et Batailles.
Les bals, ce sont les menuets, gavottes, et autres qui composent les partitions. Les batailles ce sont les évocations tumultueuses et parfois tourmentées, livrées par les cordes et l’orgue. Évocations mais aussi sonorités surprenantes : ici une cloche, là un cor… Génie de ces compositions qui peuvent paraître austères à certains, mais qui ne sont pas avares de subtilités et de virtuosité.
Pour offrir ces sonates, Café Zimmermann avait endossé ses habits d’orchestre «de salon», même pas de chambre; sur la scène, un orgue, deux violons, deux altos (parfois un seul), un grand luth et un violoncelle… Réunis pour une petite musique entre amis, en quelque sorte, avec clins d’œils, complicité, osmose. Au centre, Céline Frisch, derrière son orgue, en maîtresse de cérémonie. Histoire de rappeler avec talent qu’avant d’être la claveciniste mondialement reconnue qu’elle est, la jeune femme avait travaillé l’orgue, à partir de l’âge de 12 ans, au conservatoire Darius Milhaud. Attentive, précise, elle donne sa colonne vertébrale à chacune des partitions. Sur cette charpente, le violoncelle de Petr Skalka vient poser sa profondeur et sa gravité, le luth d’Eduardo Eguez, étant quant à lui chargé de distiller des notes plus aériennes et d’installer la coupole de légèreté sous laquelle les altos de Patricia Gagnon et Martina Bischof tiennent les fondations sur lesquelles les violons de Mauro Lopes et Pablo Valetti viennent s’appuyer pour construire les bals et les batailles. On le sait, Café Zimmermann est aujourd’hui l’un des ensembles baroques les plus réputés.
Et cette réputation, si elle est grandement due à leurs enregistrements de Bach, l’est aussi à l’excellence de leur travail lorsqu’ils donnent un tel programme. C’était encore le cas, lundi soir, au Jeu de Paume où Pablo Valetti, espiègle et virtuose, a eu la belle idée, en début de deuxième partie, d’expliquer le contexte et les partitions qui allaient être données. Provoquant immédiatement l’attention accrue du public dont l’écoute était facilitée par ces explications. Un concert agréable et éducatif, que demander de mieux ?
Michel EGEA