Publié le 24 juin 2014 à 23h30 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h54
«La crise que nous connaissons est économique, sociale elle peut aussi être républicaine». Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO a assisté au congrès de l’Union départementale13 de l’organisation syndicale au Palais des Congrès du Parc Chanot à Marseille. Il est revenu à cette occasion sur la situation en France et en Europe. Il tire un signal d’alarme: «L’austérité est une logique suicidaire socialement. Cela l’est aussi pour la République. On ne peut que constater que les mouvements de rejet de l’Autre prennent de la force, quand ce n’est pas le pouvoir, en période de crise. Lorsque l’on voit qu’en Allemagne, pour ne prendre que ce cas, un parti néo-nazi a fait 10% des voix lors des dernières européennes. On ne peut pas jouer avec cela».
«La crise a éclaté en 2007, elle n’est toujours pas réglée»
Il rappelle : «La crise a éclaté en 2007, elle n’est toujours pas réglée. Les banques ne sont pas toujours régulées, nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle crise financière. Et, au niveau européen, la situation n’est pas brillante. En Espagne, un jeune de moins de 25 ans sur deux est au chômage, les services publics sont remis en cause. Au Portugal, la situation est aussi critique. Et que dire de la Grèce ? Lorsque l’on parle de ce pays, tout de suite, on dit que les gens ont exagéré, que ce qui leur arrive est bien fait, que les Grecs ne paient pas leurs impôts. Mais qui sont les Grecs qui ne paient pas? L’Église Orthodoxe et les armateurs. Et même en Allemagne la situation n’est pas aussi idyllique qu’on le laisse entendre. Le semaine dernière j’ai rencontré un syndicaliste allemand qui m’a expliqué que ce n’était pas encore gagné pour que le SMIC soit instauré dans son pays».
Et l’Europe, pour le leader syndical, a des conséquences sur ce qui se passe en France, il en vient à ce propos à François Hollande: «Lorsqu’il était candidat, il a annoncé qu’élu, il renégocierait le Pacte d’austérité. Il avait alors à mes yeux deux possibilités : soit, Président, il menait un bras de fer avec les capitales européennes- s’il l’a fait il a été bien discret- soit il tentait de négocier avant de dire j’ai essayé mais j’ai été mis en minorité. Lui, il en a trouvé une troisième : il a signé le pacte en disant qu’à côté il y en aurait un autre de développement dont on n’entend plus parler». Et, depuis, ajoute-t-il: «L’obsession est de réduire les déficits publics».
Puis d’en venir à l’accord interprofessionnel de 2013 : «Il remet en cause les droits sociaux. Nous avons bien fait de ne pas le signer». De s’en prendre à la CFDT, sans la citer : «Elle signe tout. Nous sommes attachés à la négociation mais on ne signe pas tout ».
Il en revient au gouvernement : «Il a au moins deux leviers pour intervenir : premièrement le SMIC auquel il pourrait donner un coup de pouce. Et d’autre part il y a l’État employeur qui pourrait agir. Mais non, il gèle les salaires jusqu’en 2017. Alors que si on veut une relance il faut que les gens puissent consommer».
« Si vous pensez avoir une idée géniale la moindre des choses c’est d’en parler avant »
Il en vient au Pacte de responsabilité : «C’est le pompon. Chaque année, le 31 décembre, j’ai une contrainte, je dois écouter l’intervention du Président avant de pouvoir réveillonner. Et cette année il a fait fort. Nous avons un Président qui se dit partisan du dialogue social et qui là, annonce qu’il va alléger les cotisations des entreprises, réduire leurs impôts et, en contrepartie leur demander un effort en matière d’emploi». Il y a là, pour lui, deux problèmes, un sur la méthode l’autre sur le fond : «Si vous pensez avoir une idée géniale la moindre des choses c’est d’en parler avant. Je me souviens, par exemple, que Jacques Chirac m’appelait. Là, rien, il n’a même pas prévenu la CFDT, c’est dire. Seul Pierre Gattaz, le patron du Medef était informé». Et, sur le fond : «Si on veut imposer des contreparties il faut que cela soit écrit. Là, rien, résultat Gattaz ne propose qu’un sous Smic et rien en matière d’emploi».
Il poursuit : «L’actuel Premier ministre annonce que pour les salariés payés au SMIC, l’entreprise ne paiera pas de cotisations sociales. Et on ne sait toujours pas comment cela va être compensé. On le voit, le Pacte de responsabilité est un marché de dupes,dangereux et inefficace. Et il faut être clair : ceux qui sont pour le Pacte sont pour la réduction des dépenses publiques, la remise en cause du service public».
De s’inquiéter enfin de la réforme territoriale : «Je me souviens d’un Maire s’interrogeant, à propos de cette réforme : « qui sera le premier élu à portée de gifle des électeurs? » Les Régions sont découpées n’importe comment et ce qui m’inquiète c’est la suite. On va supprimer les départements ? Mais que va-t-on faire de ses responsabilités. Qui va s’occuper des collèges, du RSA ? Rien n’est réglé. La République c’est un bon système de protection sociale et un réseau efficace de services publics. Que va-t-il en être ? ».
Michel CAIRE