Publié le 2 juillet 2014 à 19h19 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h55
On dit de cet opéra qu’il est le plus parfait composé par Haendel. Une histoire d’amour, de jalousie, de fausse trahison et de vraie manipulation, de désespoir absolu avant la victoire de la vérité et la résurrection de l’amour. C’est « Ariodante » dont six représentations sont programmées entre le 3 et le 18 juillet au théâtre de l’Archevêché à Aix-en-Provence. Une grande première en ce lieu qui compte parmi ceux qui ont hébergé le renouveau de l’opéra baroque. Pour servir l’œuvre, Bernard Foccroulle, le directeur du Festival, a fait appel à une distribution solide mais surtout à un trio féminin qui ressemble bigrement à ce que l’on peut faire de mieux à l’heure actuelle en matière de chant baroque : la mezzo Sarah Connolly dans le rôle-titre, la «colorature» Patricia Petibon pour incarner la princesse Ginevra et la délicate soprano Sandrine Piau qui donne ses traits à Dalinda. C’est le Britannique Richard Jones qui signe la mise en scène et un «maître» de la direction baroque, Andrea Marcon qui est au pupitre, en l’occurrence au clavier du clavecin. Nous l’avons rencontré…
Andrea Marcon : « il n’y a rien de plus vivant qu’un opéra baroque… »
Il est né à Trévise il y a cinquante printemps, «Une région qui regorge d’orgues historiques…». Très vite les doigts d’Andrea Marcon, qui voue une admiration sans borne à Gustav Leonhardt, vont courir sur des claviers anciens. «Ainsi est né mon amour pour la musique ancienne, de façon presque inconsciente», dévoile Andrea Marcon. Il terminera vite ses études pour se consacrer à sa passion, intégrant pendant quatre ans la Schola Cantorum de Bâle comme on entre dans les ordres. «J’y suis resté enfermé pendant quatre ans pour y mener touts les études. A 18 ans j’étais en capacité d’être chef d’opéra baroque, mais aussi soliste, continuiste et assistant.» On comprend mieux, dès lors, les raisons qui ont fait de lui l’un des spécialistes mondialement reconnus de la musique ancienne italienne et du baroque en général. Mais ce n’est pas pour autant qu’il sera appelé à fréquenter le Festival d’Aix-en-Provence. Il est vrai que dans ce domaine, pendant quelques années, l’endroit était une chasse gardée pour «Bill», William Christie et ses Arts Florissants.
«J’ai toujours regardé avec admiration les programmations aixoises, avoue le maestro.Avec Salzbourg, Aix est l’un des plus importants festivals d’opéra en été. L’atmosphère y est très particulière et lorsque j’ai été invité à y participer, j’ai été surpris, honoré et très heureux. D’autant plus que Bernard Foccroulle m’a demandé de diriger «Ariodante» cette année et «Alcina» l’an prochain. C’est vrai que Haendel et moi sommes de vieilles connaissances depuis longtemps», dit-il en souriant.
Lorsqu’on lui demande quelles sont les spécificités de la direction baroque, Andrea Marcon n’hésite pas une seconde : «Il faut maîtriser toute la matière. Car en règle générale il y a peu de choses écrites. Le directeur musical doit aider les chanteurs, avoir une bonne compréhension des tempi, de toutes les articulations, doit décider des ornementations, des couleurs pour chaque morceau. En fait c’est fabuleux parce qu’il n’y a rien de plus vivant qu’un opéra baroque. Il se crée à chaque production.» Pour cette production d’Ariodante, Andrea Marcon est en pays de connaissance en ce qui concerne la distribution. Et ça lui facilite le travail : «Hormis Sarah Connolly et David Portillo, j’ai déjà travaillé avec tous les autres. On va dire que ce sont des copains et des copines de musique. Donc nous avons pu commencer les répétitions à un niveau supérieur que ce qu’il aurait été si nous avions travaillé ensemble pour la première fois. C’est important pour une production comme celle-ci. Et c’est vraiment agréable d’être associé à la direction artistique du Festival au moment de composer l’affiche. Quant à l’orchestre, il est somptueux, en mode formation généreuse pour le plein air, ce qui se faisait souvent à l’époque baroque. »
« Je rêve de diriger le Requiem de Verdi »
Lorsqu’on parle de sa carrière, forcément positionnée sur un axe musique ancienne et baroque, Andrea Marcon s’éloigne de l’appartenance à une seule chapelle. «Je n’ai jamais décidé de mon chemin. Je suis persuadé qu’il n’y a aucune place pour le hasard et que toutes les choses qui doivent arriver arrivent… Je laisse les choses se faire, l’important étant d’être préparé à les affronter le jour où elles arrivent.»
«J’ai dirigé «Idomeneo» l’an dernier, il y a quelques années, un concert consacré à des œuvres de Beethoven… Une chose est certaine, je ne suis pas passionné par le vérisme et le bel canto. Mais on me demanderait de diriger ««Falstaff»» ou «Otello», je n’hésiterai pas une seconde. Je rêve aussi de diriger le Requiem de Verdi. Puis j’adore Mahler. C’est pour moi le dernier grand compositeur baroque; au cours de ses dernières années de vie, il a beaucoup étudié Bach, notamment la passion selon Saint-Matthieu et les 3e et 4e suites. Il a d’ailleurs dirigé la 3e pour son dernier concert. Il avait aussi une grande admiration pour Haendel. Je pense que la 8e symphonie de Mahler est un grand oratorio baroque ! » Pour l’heure, au clavier de son clavecin, face à l’orchestre et à la scène, Andrea Marcon fait vivre « Ariodante ». Que la musique soit…
Michel EGEA
Pratique
Renseignements et réservations : la Boutique du Festival, place des Martyrs de la Résistance, 13100 Aix-en-Provence. Tél. 0820 922 923. Site: Festival d’Aix