Publié le 7 juillet 2014 à 16h09 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h55
Il y a un an, avec la mise en scène d’Elektra, Patrice Chéreau signait son testament au Festival d’Aix-en-Provence. Trois mois plus tard, l’artiste quittait ce monde laissant cette production de l’œuvre de Richard Strauss comme son ultime chef-d’œuvre. Un an plus tard, c’est par un concert au Grand Théâtre de Provence que la direction du Festival a rendu hommage à Chéreau. Sur scène, les musiciens de l’orchestre de Paris qui avaient participé à l’aventure Elektra, mais aussi Waltraud Meier, inoubliable Clytemnestre de cette production devenue historique.
Esa-Pekka Salonen n’ayant pu se rendre disponible pour cette soirée exceptionnelle, c’est Paavo Järvi, le directeur musical en titre de l’Orchestre qui était à la baguette. Ce concert si particulier allait nous donner l’occasion de découvrir, en préambule, une très intéressante partition contemporaine, Dai calanchi di Sabbiuno composée en 1997 par Fabio Vacchi. Une œuvre honorant la mémoire de la résistance italienne durant la Seconde Guerre mondiale. Cette composition, lancinante et répétitive, génère une réelle émotion chez l’auditeur. C’est superbement construit et l’interprétation qui en a été donnée fut sensible et puissante. De quoi satisfaire pleinement le compositeur qui était présent. Signalons que cette partition a été utilisée par Patrice Chéreau comme musique de son film « Gabrielle » sorti en 2005.
Waltraud Meier entrait ensuite sur scène pour les admirables Wesendonck Lieder de Wagner. Des mélodies que la mezzo-soprano avait données, entre autres, au Louvre en 2010 avec une scénographie de Patrice Chéreau. Chéreau et Waltraud Meier qui ont travaillé ensemble pendant plus de 20 ans sur des productions entrées dans l’histoire de l’art lyrique.
Devant l’Orchestre de Paris, la dame a fait un sans faute, interprétant ces lieder avec une extrême sensibilité, de la douceur et une once de mélancolie qui convenait parfaitement au moment.
Suivait une audition de la Suite du Rosenkavalier de Richard Strauss, entraînante, mais manquant un peu d’élégance.
Après l’entracte, ce sont les accents chargés de douleur et de questionnements de la Symphonie n°5 de Tchaïkovski qui étaient proposés à l’auditoire. Une interprétation profonde et lumineuse d’une partition toute dédiée à la providence et au destin. L’occasion pour Paavo Järvi de solliciter les qualités de sa formation musicale, avec des cuivres brillants, une petite harmonie précise et des cordes veloutées. Un beau moment de musique et un bel hommage à Patrice Chéreau.
Michel EGEA
Chéreau : le testament et des témoignages
Testament. Trois mois avant son décès, Patrice Chéreau travaillait à la mise en scène d’Elektra de Richard Strauss, sur la scène du Grand Théâtre de Provence. Ce travail, associé à un casting d’extrême qualité, allait triompher, devenant l’événement absolu de l’édition 2013 du Festival d’Aix en Provence. Cette production se transformant, quant à elle, en testament du metteur en scène. Car ce dernier est allé au-delà de la violence de cette œuvre pour livrer du drame une vision emplie d’humanité. Un peu comme s’il nous disait de façon définitive que la haine est à bannir et que seules doivent demeurer l’acceptation et la compréhension de l’autre. Ce testament est désormais disponible en dvd puisque édité par BelAir Classiques et le Festival d’Aix-en-Provence. Un livre dvd avec plus de 20 minutes d’interview de Patrice Chéreau en bonus. C’est Stéphane Metge qui a réalisé le film, réussissant la performance de restituer à l’écran toute la densité de ce que nous avions pu voir sur la scène. Du grand art.
Témoignages. La dernière parution (n°281) d’Avant-Scène Opéra est entièrement consacrée à Patrice Chéreau. Une somme remarquable et un outil de connaissance (et de travail) indispensable pour qui veut découvrir (ou se documenter sur) le metteur en scène. Fruit d’un labeur conséquent, notamment d’Alain Perroux, conseiller artistique et dramaturge du Festival d’Aix en Provence, les quelque 140 pages de cet ouvrage font aussi la part belle aux témoignages, depuis celui de Richard Peduzzi, l’inamovible décorateur de Chéreau, jusqu’à celui de Pierre Boulez, compagnon de chef d’œuvres (Tétralogie, Lulu, De la Maison des Morts) en passant par Esa-Pekka Salonen, Waltraud Meier ou encore Gwyneth Jones. Le travail de Chéreau au théâtre et au cinéma est aussi au sommaire de cet Avant-Scène Opéra qui est incontournable.
M.E.