Publié le 16 juillet 2014 à 22h40 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h56
Les 92 instrumentistes membres de l’Orchestre des jeunes de la Méditerranée, millésime 2014, sont à pied d’œuvre à Aix-en-Provence.
Encadrés par neuf professionnels du London Symphony Orchestra et d’autres grands orchestres, ils tiennent leur session d’été dans les studios du Grand Théâtre de Provence. Rappelons qu’au mois de mai, l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée est entré officiellement dans le giron du Festival d’Aix-en-Provence devenant un membre à part entière de l’Académie Européenne de Musique, et étant intégré plus largement, dès la saison prochaine, dans la programmation du Festival qui, le 7 avril dernier à Londres a été distingué comme meilleur festival d’opéra du monde. Cette année, l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée a pour directeur musical Alain Altinoglu et verra sa session estivale ponctuée par trois concerts : le 24 juillet dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence au Grand Théâtre de Provence; le 25 juillet à Marseille à la Villa Méditerranée et le 26 juillet à Savines-le-lac, sur la place de la mairie. Jusqu’au 26 juillet, Destimed accompagne cette résidence avec une chronique quotidienne inaugurée, aujourd’hui, par une rencontre avec Émilie Delorme, la directrice de l’Académie.
Émilie Delorme : « le fait que ces jeunes musiciens jouent de la musique ensemble est une victoire en soi… »
Depuis six ans, Émilie Delorme est à la tête de l’Académie Européenne de musique du Festival d’Aix-en-Provence.
« En 2009, se souvient-elle, une cinquantaine d’artistes fréquentaient l’Académie. Trois ans plus tard il y en avait le double. Et aujourd’hui il y en a 250. Cette année nous proposons 80 manifestations au public, et la deuxième édition d’Aix en juin a été un réel succès. L’Académie est un lieu d’échanges de haut niveau, une structure d’accompagnement des artistes en début de carrière, mais aussi un endroit où la création peut s’exprimer puisque toutes les commandes que nous passons auprès de compositeurs sont coproduites, donc jouées à plusieurs reprises… Le bilan est d’autant plus positif que le rayonnement de l’Académie dans le département existe et qu’elle est un beau lieu d’exposition du travail des artistes qui la fréquentent. »
Cette année, l’Académie voit donc entrer dans son giron l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée. Une responsabilité de plus pour la directrice qui, pour la première fois, a participé à toutes les auditions de recrutement des musiciens.
« Faire le tour de la Méditerranée en moins de deux mois est une expérience incroyable. J’ai certainement vécu les plus riches heures de ma vie. »
Un tour des conservatoires du bassin en soixante jours qui fait encore pétiller les yeux d’Émilie Delorme.
« Ce qui m’a frappé c’est le point commun qui unit ces jeunes artistes un peu partout. Tous ont une réelle conscience politique et sont engagés pour affirmer l’importance du rôle que doit jouer la culture dans les sociétés. Au Maghreb ou au Proche-Orient, les circuits artistiques sont peu structurés et, pour ces jeunes qui ne pratiquent pas les musiques traditionnelles, l’engagement est fort et ils doivent se débrouiller seuls pour jouer. C’est important, à mes yeux, que les jeunes musiciens occidentaux prennent conscience de ce qui se passe ailleurs. »
Lorsqu’on lui parle du niveau de ces musiciens, Émilie Delorme se plait à souligner que dans des pays où la tradition culturelle est plutôt orale, où les instruments sont chargés d’histoire, les lignes bougent et les choses évoluent.
« Le niveau augmente d’année en année et, surtout, les jeunes filles pratiquent des instruments que les idées préconçues occidentales attribuent plutôt aux hommes. Ainsi deux percussionnistes sont Égyptiennes et trois trompettes sur quatre sont des femmes. Il faut dire qu’ils n’ont pas d’héritage culturel sur les instruments réservés aux hommes. Nous avons des choses à apprendre des autres pays.»
« Pour ces jeunes, faire partie de l’O.J.M. permet d’aborder un répertoire symphonique qu’ils ne pratiquent pas chez eux. Et une chose est certaine, ces musiciens ne sont pas là par hasard et, très souvent, se sont battus avec une énergie incroyable pour travailler à Aix-en-Provence. Et n’oublions pas que là où nous voyons un orchestre, un tout, il y a 92 personnalités dont certaines ont des parcours singuliers, des lignes de vie fortes… »
On l’a dit, une vingtaine de nationalités sont représentées : Albanie, Algérie, Croatie, Chypre, Égypte, Espagne, France, Grèce, Israël, Italie, Kosovo, Liban, Malte, Maroc, Monaco, Palestine, Portugal, Syrie, Tunisie et Turquie. Pour la directrice, qui n’occulte pas la réalité, lorsqu’on lui parle de la coexistence entre certains musiciens, elle confie :
«Le fait qu’ils jouent de la musique ensemble est une victoire en soi. Puis tous, individuellement sont très motivés de pouvoir travailler avec des musiciens de haut niveau. Et lorsque des petits problèmes surviennent, l’équipe d’encadrement de l’orchestre est là pour apaiser les choses. Cette équipe est en place depuis des années et son expérience est solide. Puis ce qui importe avant tout, c’est que chaque année des liens se créent pendant cette résidence ; et parfois, ces liens durent toute une vie…»
Michel EGEA