Publié le 29 juillet 2014 à 22h36 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h06
Pierre Distinguin, spécialiste sport et attractivité territoriale Marseille, a écrit en 2013 un article sur la pertinence d’obtenir, après la Capitale européenne de la culture en 2013, celui du sport en 2017. Un texte qui mérite que l’on s’y arrête.
Lorsque la Mairie de Marseille* a, début décembre 2012, officialisé la candidature de Marseille, au titre de Capitale Européenne du Sport 2017, sortirent du bois 3 catégories de sceptiques: les pratiquants, les éducateurs, les détracteurs politiques. On devine aisément la prudence de ces derniers, un an avant l’échéance électorale pour accéder au trône municipal, ils ont beau jeu de douter et de pointer du doigt les incohérences et égarements de la politique sportive menée par l’équipe en place depuis de nombreuses années. Pour information, les besoins de rénovation seulement des équipements sportifs, seraient estimés à 500 millions d’euros, et comble de provocation, la Ville de Marseille se fait aujourd’hui « challenger » par des communes voisines de moins de 25.000 habitants au niveau de ses piscines, de ses pistes cyclables, et de ses salles omnisports, quand bien même la chaîne des causes et des responsabilités est certainement plus complexe qu’on veut bien le dire. Si je me fais l’avocat du diable, comment croire au sérieux d’une candidature, sinon de servir les intérêts d’une cause électorale entendue a maintes reprises ? Après la séquence Tourisme dans les années 2004-2009, la séquence Culture sur la période 2009-2014, voici le sport et le bien être en bonne place dans la prochaine mandature 2014-2019.
A vrai dire, peu importe que cela serve ou non des intérêts politiques si des résultats tangibles sont au bout. La seule question valable est de déterminer si la candidature peut changer la donne sportive à Marseille et renverser le sens de l’histoire dans une ville ou « l’esprit sportif » est un marqueur identitaire de la ville. Alors que les questions de sécurité et d’emplois font les gros titres chaque jour ou presque, difficile de mobiliser les habitants sur une nouvelle poule aux œufs d’or !
Souvenons nous en 2008, de la perception de la candidature de Marseille à la capitale européenne de la culture 2013, des sourires moqueurs du grand public, des formules sarcastiques des journalistes, et des joutes verbales au conseil municipal, aujourd’hui la preuve est faite qu’un petit coup de pouce peut générer une grande onde au final, un effet papillon au pays des cigales ! A regarder pourtant de plus prés les résultats autour de la culture, Marseille partait de si loin que seuls les grands nombres comptent pour leurs auteurs: 400 000 personnes au vieux port pour l’inauguration en janvier, 300 000 en mai pour « entre flammes et flots », 400 000 pour la transhumance, ouf ! …on est rassuré de ce côté là, les Provençaux aiment se retrouver en masse et à l’étroit, qu’ils soient blacks, beurs, blancs. Peu importe le contenu finalement, tant l’écart est creusé par les autres grandes villes françaises et européennes, l’objectif est surtout de rester dans le wagon et surtout ne pas dérailler. Au prisme de cette parenthèse culturelle « made in Marseille », on peut être confiant pour notre année capitale du Sport 2017, encore faut-il la gagner, car chaque année, le niveau monte et si les poids lourds pointent leur nez (Istanbul, Anvers, Bruxelles,.), c’est que «le jeu en vaut la chandelle», n’en déplaise à tous ceux qui tirent dans le dos sur cette initiative.
Si les paramètres d’une ville «sportive» se mesurent à l’aune des résultats en haut niveau et de la fiabilité de ses équipements, nous sommes tous d’accords ! Marseille est en 2e division ! Si, en revanche, on prend en compte l’historiographie sportive de la ville, la sociologie démographique de ses habitants, l’espace illimité de pratiques outdoor, la puissance du sport spectacle, l’esprit entrepreneurial, le prestige de ses formations et de sa recherche publique appliquée autour de la faculté des sports, la force du bénévolat et du monde associatif a créé du lien social grâce au sport alors, Marseille est potentiellement dans le top 10 des grandes villes européennes.
Cet objectif à dix ans est tenable et la candidature 2017 sera un levier indispensable si chacun joue collectif et en premier rideau les offreurs de services: l’État, les collectivités territoriales, les clubs, les associations, mais aussi les médias et leaders d’opinions. Ne racontons pas d’histoires aux Marseillais, donnons leur les tenants et aboutissants de cette candidature et les enjeux qui en découleront. Contrairement à la Capitale de la culture qui bénéficie d’un effet d’aubaine financier conséquent, et qui jette toutes ses forces sur une année, le Sport pourrait bien devenir un grand déterminant de l’attractivité de la ville et le rester sur le long terme, et ce en dépit d’un soutien financier européen bien plus faible. L’assise populaire du Sport à Marseille est sans commune mesure avec celle de la culture. Comme dans la vraie vie, c’est une fois que la marée s’est retirée qu’on aperçoit l’écume…
* la candidature doit être impérativement portée par une Ville de plus de 500 000 habitants, selon le règlement de l’Association des capitales européennes du sport (Aces)