Publié le 15 août 2014 à 23h22 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h07
«Nous exprimons, avec cette procession, notre foi populaire, latine, charnelle. Nous sommes les disciples d’un Dieu qui s’est fait chair et qui, ainsi, est notre frère, notre semblable », indique le père Ottonello, curé de La Major lors de la traditionnelle procession de la Vierge dans le quartier du Panier, le plus vieux de Marseille. Après une cérémonie religieuse en la Cathédrale de La Major, des milliers de personnes ont suivi les porteurs qui ont retiré de son socle la Vierge. Commence alors la déambulation dans les ruelles du quartier pour rejoindre le parvis de l’Église Saint-Laurent. Une procession rythmée par des «Viva Maria » et des chants religieux qui font ouvrir les volets, les fenêtres, aux habitants du quartier pour applaudir le passage de la Madone.
Ici, pratiquants ou simples croyants se retrouvent notamment des anciens d’Afrique du Nord qui se souviennent ainsi des processions de leur jeunesse. Des jeunes aussi sont là, ils viennent en famille, depuis des années. Certains gardent en mémoire avoir, dans leur prime enfance, été pris à bout de bras pour embrasser le visage de la Vierge. Moment intense de ferveur.
L’actualité est présente dans le cortège avec Marco et Marie-France qui apportent leur soutien aux chrétiens d’Orient, déplorent le silence des médias, de l’Église de France, à propos de la tragédie vécue en Irak, en Syrie.
Mais ce qui est marquant c’est que tout le quartier, dans ses diversités sociales, générationnelles, cultuelles, est sensible à cette Fête. Deux moments sont particulièrement intenses, place de Lenche, puis sur le Parvis de l’Église Saint-Laurent où la Vierge de la Major est présentée à Notre-Dame-de-la-garde, la Bonne Mère. La procession s’arrête, applaudit.
Le Père Ottonello revient sur le sens de cette procession du 15 août : «La Vierge nous conduit. Ce 15 Août, c’est sa fête, c’est celle de notre Cathédrale. C’est aussi celle de la Femme, qui est symbole de beauté, qui existe par elle-même. Une religion ne peut être belle que si elle célèbre la Femme. Et, bien avant Aragon, que j’admire, l’Eglise a exprimé l’idée que la Femme était l’avenir de l’Homme».
Dans un monde où certains, quelle que soit la religion, utilisent le religieux à des fins politiques, pour le pouvoir, pour exclure, tuer, il est réconfortant de voir, dans ce quartier du Panier, une Foi qui s’affirme non contre l’Autre, mais s’offre dans une mise en partage.
Michel CAIRE
Ils ont dit…
Léonie est accompagnée de son petit-fils Mathias 12 ans. Elle assiste pour la première fois à la procession. Pour elle la Vierge est celle«à qui on se confie. C’est une protection». «Ce jour là, poursuit-elle, on est un peu plus démonstratif.» Elle avoue aller souvent à Notre-Dame-de-La-Garde. Aujourd’hui, elle veut que, si un jour son petit-fils a besoin de se confier, «il sache qu’il pourra le faire à la Vierge».
Rose est une ancienne habitante du Panier et a décidé de faire découvrir la procession à son amie Roselyne, une Marseillaise d’adoption puisque son pays d’origine est la Tunisie. «Je me languissais de voir la Vierge en procession, elle est très impressionnante avec ses deux mains tendues», indique Rose. Et ne tarit pas d’éloges sur le père Ottonello «qui a su faire perdurer cette tradition». Rappelant au passage que, comme elle, «il est d’origine Napolitaine».
Danielle, Suzanne et Jackie forment un trio de choc qui œuvre pour la défense de l’Église Saint-Martin d’Arenc qui est menacé de destruction. «On est des habituées et des passionnées de ce quartier qui a une identité italienne, corse… et qui est le seul à avoir conservé certaines traditions», explique Danielle. Cette procession de la Vierge, elles la vivent intensément et se réjouissent de voir autant de monde y assister. Et elles n’omettent pas d’avoir une pensée pour les Chrétiens d’Orient. « On ne peut pas rester insensible à ce qui se passe. On espère que la paix reviendra mais le monde est en train de devenir fou.»
Cyril et Catherine sont de Meudon en région parisienne et de passage à Marseille. En quelque sorte, ils ont vu de la lumière et sont venus. «Lorsque nous sommes sortis du Mucem, nous avons été attiré par la foule qui était devant la Cathédrale», explique Cyril en ne cachant pas son étonnement tout en appréciant cette pratique qu’il qualifie de «culturelle».
Maryvonne arrive de l’île de La Réunion et ne cache pas son émotion.
«C’est la première fois que j’assiste à la procession de la Vierge et j’attendais ce moment avec impatience. Je suis bouleversée. Hier, Je suis allée à Notre-Dame-de-la-Garde. La Vierge c’est tout.»
Propos recueillis par Patricia MAILLE-CAIRE