Publié le 26 août 2014 à 17h41 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h07
«Ce qui est admirable, ce n’est pas que le champ des étoiles soit si vaste, c’est que l’homme l’ait mesuré». (Anatole France)
S’il y a un domaine d’activité qui ne connait pas la crise, c’est celui de la mesure économique. Aucun champ d’activité n’échappe à la comparaison internationale, du pays où il fait le meilleur vivre, au pays où l’on est le mieux soigné, du pays où l’on se sent le plus en sécurité, au pays où l’on déprime le plus, tout y passe et leur verdict sonne bien souvent comme un couperet ou un Graal selon le rang qu’atteignent ces villes ou ces pays.
La résorption des déficits publics partout en Europe, conduit les gouvernements et les territoires à se doter d’outils objectifs d’anticipation, d’impact et de mesure de leur politique d’attractivité. Ces innombrables outils, appelés, souvent à tort, baromètres ne présentent pas, et de loin, le même degré de fiabilité. Parmi les plus connus, citons le PNB (Produit National brut) et le PIB (Produit Intérieur Brut), le BIP (Baromètre des inégalités) en France, le Baromètre d’Ernst & Young qui benchmark chaque année les flux d’investissements pays par pays, le Trust Barometer du World Economic Forum, qui mesure l’écart entre le niveau attendu d’éthique et les pratiques de chefs d’entreprises par pays, etc.
Faciles à lire et simples à commenter, ces baromètres sont surexploités par les élites gouvernantes
Faciles à lire et simples à commenter, ces baromètres sont surexploités par les élites gouvernantes, enclines à contrôler la bonne propagation de l’onde médiatique.
Le baromètre d’Ernst and Young est chaque année un bel exercice de communication pour le ministère de l’Économie et des Finances, dont l’Agence française des investissements internationaux (AFII) est le bras armé. Si le suivi d’un panel de chefs d’entreprises référents aux États-Unis comme en France peut raisonnablement donner un indice de satisfaction ou de désamours, le calcul des investissements étrangers en France prête à interprétation, dès lors que l’exhaustivité des décisions recensées varie selon la rigueur de chacun des pays. La France à ce titre, est très bien appréciée puisqu’elle continue de figurer dans le Top 3 des pays les plus pourvoyeurs de projets en Europe, un mystère selon moi qui s’explique en partie par le niveau des réinvestissements qu’effectuent chaque année, un certain nombre d’entreprises étrangères implantées historiquement sur notre territoire.
Il en est un qui résiste depuis fort longtemps à l’évaluation, c’est le champs de l’attractivité des pays ou des villes à travers le sport et le bien-être
Un baromètre n’échappe pas en théorie à celui qui le conçoit, alors il est de bon ton de faire partie des premiers lauréats en adhérant très tôt aux sujets échantillonnés, au risque de vouloir casser le baromètre si celui-ci ne donne pas les résultats escomptés. Tout est mesurable ou presque, dès lors qu’un ensemble identifié (pays, ville, Région,… ) agit sur un champ d’activité reconnue par une communauté d’agents économiques, a fortiori internationale, mais il en est un qui résiste depuis fort longtemps à l’évaluation, c’est le champs de l’attractivité des pays ou des villes à travers le sport et le Bien-être ; Jugé certainement comme secondaire, le sport souffre injustement d’une dévalorisation historique par les grands prescripteurs internationaux (Les grands cabinets d’audits, les organisations internationales etc.). Qu’est une ville sportive ? Peut-on mesurer l’impact de la pratique sportive sur une population ? Comment l’événementiel sportif agit sur l’image d’une ville ? Existe-t-il un lien et si oui lequel entre sport/ bien-être et attractivité territoriale? L’influence et le rôle du sport sur la cohésion sociale et l’inclusion (et son impact) sur les territoires ?…
L’influence du Qatar est au sport ce qu’est le café Robusta au Brésil, le marché de l’or à l’Afrique du Sud, le marché de l’art à la Suisse
Sur ce chantier, la page est blanche alors que les enjeux sont considérables cf. la prise en charge de grands évènements sportifs (J.O, coupes du monde Etc.) dans les pays et les villes qui souhaitent faire du sport un enjeu de territoire, un vecteur d’image et d’attractivité. Le Qatar a perçu bien avant tout le monde l’enjeu économique, et sait en user en tant que Soft Power. La métaphore est excessive mais l’influence du Qatar est au sport ce qu’est le café Robusta au Brésil, le marché de l’or à l’Afrique du Sud, le marché de l’art à la Suisse. S’il y avait un indice de référence international de l’état de santé de la valeur sport, le Qatar serait le poids lourd du baromètre et cet indice toucherait aujourd’hui son plus haut niveau, au regard du marché des transactions de stars sportives, du marché du sponsoring, du niveau des paris, des investissements d’infrastructures et d’équipements, des investissements sur les marques, etc.
L’ICSS (International Centre For Sport Security), dont la mission historique est de prévenir, veiller et recommander les pays sur les risques et dangers
Il existe cependant un organisme international dont le siège est à Doha, encore peu connu pour l’instant des acteurs du sports : ICSS (International Centre For Sport Security), dont la mission historique est de prévenir, veiller et recommander les pays sur les risques et dangers qui accompagnent souvent les grands événements sportifs internationaux (corruption, paris frauduleux, dopages, blanchiments, hooliganismes, etc.). La raison économique ayant horreur du vide, ICSS s’est même lancé depuis 2 ans dans la construction d’un INDEX mondial qui permettrait de mesurer l’impact du sport dans les Pays ou les grandes métropoles à l’aune d’indicateurs pertinents. Co-designer par un professeur de Harvard, spécialiste des modèles économétriques, Ricardo Haussmann, une douzaine de grandes métropoles ont été retenues par ICSS pour figurer dans l’indice, dont Marseille qui fut la première à s’engager dans ce partenariat et à endosser le statut de ville pilote. En s’engageant volontairement ainsi à révéler au grand jour sa position, ses points forts et ses points de progrès, Marseille s’invite à la table de jeu pour s’étalonner, faire valoir ses ambitions sportives, se placer encore un peu plus haut dans les radars de l’attractivité internationale.
(*) Pierre Distinguin est spécialiste sport et attractivité territoriale Marseille