Publié le 19 septembre 2014 à 20h34 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h11
Mahmoud Abbas, actuel Président de l’Autorité palestinienne et, en même temps Secrétaire général de l’OLP, organisation censée représenter tous les Palestiniens (11 millions environ dont 4 en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza), mais dont le Hamas ne fait pas partie, aura, en mars prochain, 80 ans. Le problème de sa succession se pose tout naturellement, d’autant plus qu’il a formulé à plusieurs reprises, ces derniers mois, son souhait de se retirer de la vie politique. Se pose alors la double question : qui le remplacera ? Et, a-t-il préparé sa succession en désignant un dauphin ? La réponse à la seconde question est simple car il ne semble pas avoir désigné un successeur potentiel. La course au pouvoir est donc ouverte.
Un éventuel candidat s’était, dès 2012, déclaré prêt à prendre la relève. Il s’agit de l’ancien Premier ministre, Salam Fayyad. Il a pour lui de bien connaître les affaires, en particulier dans le domaine économique, car il a travaillé, en tant qu’économiste au FMI, avant d’être Premier ministre. En tant que Premier ministre, il a mis en œuvre le Plan de réforme et de développement palestinien (PRDP), à la suite de la Conférence des pays donateurs à la Palestine, organisée à Paris en décembre 2007 et, a mis en place le Plan de développement (Pan Fayyad de deux ans) dont l’objectif était de lutter activement contre la corruption, de garantir la sécurité et de fournir les services publics et les services sociaux à la population. Pour Pierre Duquesne [[Duquesne, « Palestine : L’État sans l’État », Alternatives économiques, 2012/3, n°55]], «le Premier ministre palestinien a su tirer sa légitimité du soutien du Président Abbas, de son langage de vérité, des succès qu’il a engrangé, des milliers de petits projets qu’il a porté, du concept de résistance pacifique qu’il a introduit et de son approche finalement moins distante et plus concrète des attentes de la population palestinienne que bien des leaders charismatiques du passé».
Pourtant il a eu contre lui de s’être opposé à M. Abbas en se déclarant, en 2012, candidat à la Présidence. Il a, par ailleurs contre lui d’être perçu plus comme un technocrate qu’un homme politique. Enfin, n’appartenant pas au Fatah, principal parti politique, il lui manquera le soutien indispensable pour faire campagne.
Un second candidat potentiel est Marwan Barghouti, 55 ans, qui a pour lui d’être très populaire auprès de la population. Depuis 2002, Barghouti est en prison en Israël, où les tribunaux l’ont condamné à vie. Certains voient en lui le futur Mandela palestinien. Si sa libération par Israël n’est pas à exclure, elle est néanmoins fort peu probable.
Un sondage récent, effectué par le très sérieux institut de sondages palestinien [[Palestinian Center for Policy and Survey, “Special Gaza War Poll”, 26-30 août 2014.]] a posé la question de savoir qui pourrait sortir vainqueur d’élections futures présidentielles selon trois hypothèses : entre Abbas et Hanyeh (Hamas), entre Haniyeh et Barghouti, et enfin entre les trois candidats, Abbas, Barghouti et Haniyeh.
Cisjordanie (%) | Bande de Gaza (%) | Palestine (%) | ||
H1 | Abbas | 24.7 | 43.3 | 32.1 |
Haniyeh | 65.8 | 52.5 | 60.5 | |
H2 | Barghouti | 40.1 | 51.9 | 44.7 |
Haniyeh | 52.0 | 44.7 | 49.2 | |
H3 | Abbas | 16.8 | 23.1 | 19.2 |
Haniyeh | 50.9 | 42.2 | 47.5 | |
Barghouti | 26.2 | 32.5 | 28.6 |
Les résultats montrent :
– 1 Haniyeh l’emporte dans tous les cas de figure. Les sondages précédents donnaient un résultat différent : Haniyeh perdait aussi bien contre Abbas que contre Barghouti.
– 2 La Bande de Gaza, ayant directement souffert du conflit, se distingue de la Cisjordanie. En cas de duel Barghouti – Haniyeh, ce serait Barghouti qui l’emporterait. La popularité du Hamas est d’autant plus forte que la population n’a pas directement été impliquée dans les combats (Cisjordanie).
– 3 Le vote en faveur de Abbas est plus élevé :
– pour les partisans du processus de paix (46%) par rapport à ceux qui y sont opposés (8%)
– pour les non religieux (66%)
– 4 Les élections législatives.
Cisjordanie (%) | Bande de Gaza (%) | Palestine (%) | |
Hamas | 47 | 44 | 46 |
Fatah | 27 | 36 | 31 |
Une majorité se prononce pour les candidats du Hamas 46%, 31% voteraient pour les candidats du Fatah, le parti de Mahmoud Abbas. En juin, les scores étaient inverses : 32% pour le Hamas et 40% pour le Fatah. A nouveau, on note que le Hamas enregistre un score plus faible dans la Bande de Gaza.
Un autre candidat possible pourrait être Mohamed Dahlan (53 ans), originaire de Khan Younes dans la Bande de Gaza. Responsable du mouvement de jeunesse à 20 ans, il a ensuite été nommé par Arafat, chef des Forces de la Sécurité Préventive à Gaza. En 2007, le Hamas prend le pouvoir à Gaza et il est obligé de partir. Il est actuellement en Égypte mais a conservé de solides appuis, en particulier dans la Bande de Gaza. Ses chances de succès sont cependant très limitées pour au moins deux raisons. En premier, il s’est ouvertement opposé à M. Abbas et s’en est fait un ennemi. En second, il a amassé une véritable fortune, ce qui, pour la rue palestinienne, est une preuve de sa corruption.
Jibril Rajoub, est un autre candidat potentiel. Il a occupé, en Cisjordanie, les mêmes fonctions que celles de Dahlan, responsable de la Sécurité Préventive. Depuis, il est responsable de la Fédération de football palestinienne, et à ce titre, Rajoub est très populaire.
Mohammed Shtayyeh, économiste, appartient à la même génération (56 ans). Il a, longtemps dirigé le PECDAR (Palestinian Economic Council for Research and Development), fonds d’investissement financé en grande partie grâce à l’aide internationale. Il a été l’un des deux négociateurs avec Saeb Erakat, face aux Israéliens, mais a préféré démissionner au bout de quelques mois, estimant que la position israélienne était trop intransigeante. Ses chances ne sont pas nulles, mais faibles. [[Pour la petite histoire il avait participé de manière active au Colloque israélo-palestinienne que l’Université Paul Cézanne avait organisé en 1999 à Arles avec le soutien du Conseil régional Paca et du Conseil général des BdR.]]
Un candidat, peu médiatisé, Majid Faraj (50 ans), a des chances certaines. Il est responsable des services de renseignement palestinien. A ce titre, il entretient des relations étroites avec les Américains et les Israéliens. Il a, entre autres, aidé la CIA à capturer Abou Anas-al-Libi, responsable de l’attentat contre l’ambassade des États-Unis à Tripoli en Lybie en 1998. Il a passé six ans dans les prisons israéliennes, et comme beaucoup d’autres dans son cas, il a appris l’hébreu, qu’il parle couramment. Lorsque Shtayyeh a démissionné de l’équipe de négociation en octobre dernier, c’est Faraj que Mahmoud Abbas a désigné pour le remplacer, car il a toute sa confiance. Il s’est révélé habile négociateur. Son caractère et ses fonctions le poussent à la discrétion, et, malgré le fait qu’il soit peu médiatisé, il est possible que le Président palestinien cherche à en faire son successeur. Il est né et a vécu toute son enfance dans le camp de réfugiés Dheisheh qui se trouve près de Bethléem, et dès cette époque il a fait partie du Fatah. En 1987, on pense qu’il est à la tête de l’Intifada dans cette ville, ce qui lui vaudra d’être arrêté par les Israéliens. Avec la création de l’Autorité palestinienne il intègre les services de renseignement qu’il dirigera à partir de 2009. Cette fonction constitue un tremplin idéal pour être considéré comme un candidat valable. Affaire à suivre, probablement dans les prochaines semaines. Majid Faraj, le nom à surveiller.
(*)Le groupe d’Aix, présidé par Gilbert Benhayoun comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées.