Publié le 18 octobre 2014 à 16h08 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
Répondant à la demande des édiles, Marylise Lebranchu avait installé le 18 juillet dernier un conseil paritaire territorial où siègent les élus et les représentants du gouvernement. L’objectif étant d’élaborer ensemble le projet de la future métropole de 1,8 million d’habitants qui doit voir le jour le 1er janvier 2016. Pour montrer la bonne volonté du gouvernement, elle avait entrouvert une porte en annonçant qu’ils pourraient préparer des amendements à l’article 42 de la loi de décembre 2013. Déclarant: «Le Gouvernement est prêt à ce que des amendements soient présentés et il pourrait même symboliquement en reprendre certains en cas d’accord unanime». La très grande majorité des maires des Bouches-du-Rhône concernés par le projet n’acceptant pas de perdre leurs compétences en matière de fiscalité et de maîtrise des sols que le texte prévoit de transférer à la métropole.
Le second Conseil paritaire territorial de projet qui s’est déroulé ce vendredi 17 octobre à la préfecture de Marseille a sonné le glas de l’entente cordiale avant même la tenue de la séance. En effet dans un entretien paru le jour même dans La Provence, Marylise Lebranchu déclarait, entre autres: «J’entends les désaccords et je comprends. On peut continuer à en discuter. Mais ce n’est pas une raison pour reculer»; « Les élus eux-mêmes m’ont demandé de pouvoir discuter d’égal à égal sur ce grand projet lors de réunions. D’accord, mais le préfet ne pourra être que ferme sur nos positions». Les dés étaient jetés et c’est dans un climat tendu que la séance s’est tenue. A l’issue les réactions étaient vives.
«Une proposition « Canada Dry »».
Guy Teissier, le président de la Communauté urbaine Marseille-Provence Métropole (MPM) de lancer: «Cet élan est brisé. Ce que le préfet nous a proposé ce sont, en fait, les têtes de chapitre de nos propositions sans rien derrière. Je me suis permis de lui dire que c’était une proposition «Canada Dry». Je pense que pour avoir une métropole qui nous ressemble, il faut une métropole qui rassemble. Mais, la loi qui nous est imposée n’offre aucune ouverture de la part du gouvernement. On apprend que la ministre accepterait une petite ouverture sur les PLU mais ce n’est pas cela que l’on veut.» « Ensuite, poursuit-il, dans la période transitoire entre le 1er janvier 2016 et 2020, date qui pourrait être retenue pour la fin des EPCI, on nous propose les Conseils de territoires mais, concernant ces Conseils, on oublie de dire qu’ils n’auront pas de fiscalité propre puisque le gouvernement s’est prononcé sur une fiscalité unique; qu’ils n’auront plus d’autorité sur les personnels et bien entendu on transfère la responsabilité des salaires aux EPCI qui n’existeront plus ou aux communes. Et enfin, on n’aura pas de personnalité juridique donc, on n’existera plus. Je ne vois pas comment cela pourra fonctionner. On sera obligé de demander des dotations de fonctionnement à la métropole. Le préfet m’a dit en partant que c’est une chose qui pourra être négociable dans la période transitoire. Alors, on va voir. Le parlementaire que je suis va présenter des amendements».
«Que le gouvernement fasse un effort financier pour Marseille»
Maryse Joissains (UMP), maire d’Aix-en-Provence et présidente de la Communauté d’agglo du Pays d’Aix, ne décolère pas: «On nous a proposé des sucres d’orge. On doit prendre le temps de mettre en place une métropole de projet et pas une métropole fourre-tout qui sera gérée par des fonctionnaires qui ne sauront plus de qui ils dépendent avec des élus qui ne sauront plus les périmètres sur lesquels ils peuvent intervenir.» Elle rappelle que tous les maires étaient représentés: «Nous avons aussi Guy Teissier avec nous qui est d’accord sur tous les termes que nous proposons parce qu’il a compris que nous continuons à affirmer une solidarité avec Marseille.» Et de lancer un appel au maire de Marseille: « Nous disons, il ne reste plus que Jean-Claude Gaudin. Il suffit qu’il nous tende la main pour que nous puissions enfin avoir une métropole de projet.» En revanche, poursuit-elle: «On est d’accord sur la coopération métropolitaine mais on n’est pas d’accord sur la métropole qui en fin de course risque de doubler les impôts et les taxes. Ce n’est pas en détruisant des territoires qu’on va aider Marseille. Il faut trouver des fonds pour aider la 2e ville de France, pour payer ses déficits qui se sont accumulés depuis des années et des années. Que le gouvernement fasse un effort financier pour Marseille puisqu’il donne de l’argent en permanence à Paris. Et, on se laisse du temps, 2 ou 3 ans, pour mettre en place une métropole avec des compétences ciblées avec une fiscalité ciblée qui n’oblige pas les territoires à doubler leur fiscalité. Parce que moi, je m’y refuse».
Elle tient également à souligner: «On a affiché notre désir d’être dans la coopération métropolitaine autour de 4 ou 5 compétences majeures pour le territoire le reste étant réparti comme il l’est aujourd’hui.» Elle juge: «Cette coopération métropolitaine que l’on veut tous, maintenant, qui pourrait aider les territoires, elle ne se mettra pas en place parce qu’on a un gouvernement totalitaire et incompétent ».
«C’est une métropole de chape de plomb où personne n’y trouvera son compte»
Robert Dagorne, maire UDI d’Éguilles de présenter sa commune : «Elle est située à l’Ouest d’Aix-en-Provence et compte 8 300 habitants. C’est mon 4e mandat et il est impossible aujourd’hui d’effectuer un mandat tranquille. Un mandat où finalement nous allons nous occuper des véritables problèmes de nos administrés, les véritables problèmes du Département, de la Région. Paris est toujours en train de nous imposer ce qui est totalement inapplicable pour ne pas dire inacceptable. Les hauts fonctionnaires parisiens, assis derrière leur bureau, viennent régler, régir les problèmes notamment que nous rencontrons dans les Bouches-du-Rhône. Mais nous, tous les jours, nous rencontrons nos administrés, nous discutons avec eux, nous savons ce que nous devons faire.» Il assure: «Nous ne sommes pas opposés à ce que l’on appelle la métropole. Mais, tels que les articles de la métropole ont été écrits ce n’est pas une métropole de projets c’est une métropole de chape de plomb où personne n’y trouvera son compte pas plus Marseille, nos communes, que nos administrés.» Et de proposer: «Élaborons une métropole qui réponde aux aspirations de nos concitoyens.» S’insurge: «Je vois que nos propositions n’avancent pas. Marylise Lebranchu a finalement annoncé que rien ne se passerait comme les élus l’imaginaient. Expliquant que « pour la métropole de Paris, nous négocions, pour la métropole de Lyon les choses se passent bien, pour la métropole de Marseille nous passerons en force ». Avec aujourd’hui 113 maires sur 119 dans les Bouches-du-Rhône opposés à la métropole et bien Marylise Lebranchu ne passera pas en force».
Le maire d’Eguilles de revenir sur la fiscalité et le droit du sol. «Si on entre dans une métropole dite marseillaise avec les déficits de la ville de Marseille, la fiscalité, qui sera métropolitaine, connaîtra une hausse et nous en subirons tous les conséquences. En ce qui concerne le droit du sol, qui connait mieux que les maires ce qu’ils doivent faire de leur territoire? Ce n’est pas les Parisiens, ni la métropole. Ce sont des points d’achoppements sur lesquels nous ne céderons pas. A partir de là tout reste bloqué.»
«Si le gouvernement ne veut pas nous entendre nous allons reprendre des positions beaucoup plus dures»
La sénatrice, Sophie Joissains (UMP), vice-présidente de la Communauté d’agglo du pays d’Aix trouve cette réunion «très décevante». «Le préfet fait beaucoup d’efforts, c’est quelqu’un de très consensuel qui a beaucoup réfléchi à nos côtés. Dans une interview Marylise Lebranchu dit : « Je ne reculerai pas ». On n’est pas dans un combat, on est dans une négociation concernant un territoire de 2 millions de personnes. Si elle avance cela maintenant cela veut dire que ses positions resteront les mêmes qu’elle ne lâche pas à l’extrême marge et cela n’ira pas ni pour nos communes, ni pour nos habitants, ni pour la ville de Marseille.»
Elle se souvient de la dernière rencontre du18 juillet : «La ministre avait un discours qui était ouvert. C’est la raison pour laquelle nous avons tous travaillé à la préfecture et dans les Comités paritaires territoriaux pour améliorer les choses, pour essayer de se substituer à un texte inapplicable en l’état, pour faire quelque chose qui apporte au territoire. Sauf que, nous assistons, aujourd’hui, à une reculade de sa part. Elle dit, « ils peuvent faire ce qu’ils veulent, je ne reculerai pas », c’est quand même elle qui nous a demandé de travailler dans les Comités paritaires. Donc, c’est l’incompréhension et la déception d’autant plus que sur Paris, ils discutent énormément et l’on parle déjà de milliards donnés à ce territoire et à Lyon également. Alors pourquoi, les Provençaux seraient comme cela méprisés?». Et de s’inquiéter quant à l’état des finances notamment avec la baisse les dotations globales de fonctionnement des collectivités. «Dix milliard d’économie cette année. On parle de 28 milliards prochainement, j’espère que cela ne sera pas le cas parce qu’on ne pourra pas travailler. Tout va à l’encontre de la mise en place d’une grosse organisation qui sera de toute façon coûteuse et qui n’a jamais eu d’évaluation financière. L’harmonisation du statut des fonctionnaires, par exemple, personne n’a jamais étudié cela. les fonctionnaires d’Aubagne n’ont pas les mêmes régimes de primes que ceux d’Aix ou de Marseille. Tout cela, il va falloir l’harmoniser. On ne va dire à des gens dans la même structure : « vous aurez des régimes différents ».» Elle souhaite arriver à négocier au moins sur les 4 compétences prévues en commun : la coordination du développement économique, les transports, la fusion des universités et l’environnement. «Cela nous paraît cohérent. Après, si d’autres compétences venaient à s’imposer, pour avoir une vision autre que celle de la commune, nous travaillerons en commun. Nous, on est de bonne volonté, on travaille mais, si on nous dit que le gouvernement agira exactement comme il l’a décidé, sans nous entendre, évidemment on va reprendre des positions beaucoup plus dures.»
«Qu’est -ce qu’on fait le 1er janvier 2016 et comment on harmonise des structures qui sont si différentes sur des territoires différents»
Frédéric Vigouroux, maire socialiste de Miramas ne comprend pas pourquoi «le gouvernement ne met pas les moyens nécessaires pour fonctionner. Le compte n’y est pas.» «Il faut dans une discussion, préconise-t-il, aller au-delà d’une simple mise en place d’un Conseil des territoires. Il faut aussi afficher très clairement les ambitions financières. J’en ai parlé, c’est un sujet éminemment important.» Estimant : «Il va falloir mettre un gros paquet vu les retard qui sont les nôtres. C’est une discussion qu’il faudra avoir chez moi (Miramas) avant le 25 octobre (date de la prochaine réunion). C’est ce que j’ai indiqué au Préfet pour qu’il le fasse remonter au gouvernement.» Il évoque un schéma directeur: «C’est nouveau. L’accord se ferait à la fois sur les projets, les priorités et comment on les finance. Cela est plutôt bien parce qu’il faut un pacte cimenté dans la loi. Un calendrier, un échéancier, 2020 pourquoi pas mais, sur les moyens on n’entend plus rien « Allo la France ». Je ne veux pas croire que Manuel Valls n’ait pas prévu de filer un grand coup de main au Sud-Est de la France qui est la force de l’Europe du Sud. On a quand même des gros retards». Selon lui, la question est de savoir : «Qu’est -ce qu’on fait le 1er janvier 2016 et comment on harmonise des structures qui sont si différentes sur des territoires différents qui ont des particularité fiscales, sociologiques, géographiques. Au cours de la réunion, il y a eu des éléments mais ce n’est pas suffisant.» Et de conclure son propos: «Avant même d’arriver dans la salle Marylise Lebranchu avait donné son point de vue, c’est son droit; évoqué des amendements portés par certains maires, c’est leur droit. On s’est tous mis d’accord sur ce Comité paritaire pour travailler ensemble et on s’est senti un peu dépossédé. La vicissitude de la vie politique fait que ce qui compte ce n’est pas notre état d’âme mais le résultat.»
«Elle n’a de sens que si elle résulte de la fusion des 6 intercommunalités existantes et si elle dispose d’une fiscalité unique»
Autre vision, celle du maire UMP de Marseille, Jean-Claude Gaudin qui annonce
Dans un communiqué, prendre acte de la bonne volonté « apparente » du Gouvernement sur le projet de Métropole. «La création d’une Métropole est plus que jamais nécessaire pour répondre aux besoins de développement économique de notre territoire. Elle n’a de sens que si elle résulte de la fusion des 6 intercommunalités existantes et si elle dispose d’une fiscalité unique. En s’engageant dans ce sens, l’État confirme les grands axes votés dans la loi instituant les Métropoles le 27 janvier dernier. En tant que Maire de Marseille, il m’appartient de défendre en priorité les intérêts de ma ville et de ses habitants. Cela exige d’avoir un dialogue direct avec le Gouvernement pour parvenir à faire prendre en compte mes amendements sur le PLU, le tourisme et les plages. Des améliorations sont encore possibles, notamment en ce qui concerne le PLU, le Tourisme et la participation des maires dans la gouvernance. En tentant de rétablir le dialogue avec les élus les plus hostiles au projet de Métropole, le Gouvernement a suscité des propositions parfois insensées qui mettent à mal l’idée de simplification et de solidarité intercommunale à l’échelle Métropolitaine. C’est donc à lui de faire preuve de pédagogie et de fermeté pour ne retenir que les propositions d’amendement les plus raisonnables et les plus compatibles avec l’esprit de la loi : à la Métropole les compétences stratégiques qui engagent l’avenir, aux territoires et aux communes les services publics de proximité.
Si la Métropole ne répond pas à cette logique de simplification et de solidarité à l’échelle de tout notre territoire, ce sera un échec dont le Gouvernement, par démagogie ou par faiblesse, porterait seul lʼentière responsabilité. Les habitants de nos 93 communes en seraient les premières victimes.»
Patricia MAILLE-CAIRE