Publié le 27 novembre 2014 à 20h35 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h29
Les pourparlers sur le nucléaire entre les grandes puissances et l’Iran n’ont pas permis d’aboutir à un accord, malgré les gestes de bonne volonté envers Téhéran. La date butoir a été une fois de plus repoussée et accompagnée également de mesures incitatives. Ce manque de fermeté ne risque-t-il pas de convaincre la théocratie chiite qu’elle peut continuer impunément jusqu’au point de non-retour ?
Jouer la montre, mais le temps commence à manquer
Comme on pouvait s’y attendre les pourparlers qui ont eu lieu à Vienne entre le groupe P5+1 (USA, Russie, Chine, France, Royaume Uni, Allemagne) et l’Iran sur son programme nucléaire controversé n’ont rien donné tant les positons sont éloignées. Pourtant, afin d’amener le régime des Mollahs à faire des gestes d’ouverture envers la communauté internationale, les grandes puissances avaient allégé les sanctions mises en place en 2006. Ces dernières avaient montré une réelle efficacité. Du fait des répercutions sur l’économie, les dirigeants iraniens furent contraints de s’assoir à la table des négociations et d’annoncer leur accord pour limiter le programme d’enrichissement d’uranium.
Cependant, les gestes de bonne volonté des grandes puissances n’ont pas été payés en retour. L’Iran n’a rien fait pour restaurer la confiance sérieusement mise à mal. Ainsi, malgré la date limite des négociations atteinte, les désaccords restent toujours aussi profonds et Téhéran se rapproche dangereusement du point de non-retour.
L’Iran souffle le chaud et le froid
Ce n’est pas pour rien que l’on attribue la paternité du «jeu d’échec» à la Perse. En fins tacticiens, les dirigeants iraniens ont bien évalué les forces en présence et se servent des ambitions contradictoires de leurs adversaires pour gagner du temps, ce qui manque le plus dans ce dossier.
Ainsi, parmi le groupe P5+1, tous n’ont pas les mêmes objectifs. Certains, comme la Chine, aimeraient passer rapidement à la suite pour bénéficier des débouchés économiques que représente un marché de 77 millions d’habitants. D’autres jouent un jeu ambiguë, telle la Russie, à la fois alliée de Téhéran face aux occidentaux, mais en même temps inquiète de la menace que représenterait la République islamique disposant de la bombe. Obama, quant à lui, désire plus que tout redorer son blason et celui de l’Amérique en signant un accord historique, même incertain. La France, en revanche, tient une ligne plus dure, François Hollande voulant obtenir des garanties tangibles et non de veines promesses.
Ce manque de cohésion, conjugué aux fortes réticences des occidentaux à se lancer dans une plus âpre confrontation avec les iraniens, affecte l’efficacité des négociations et aggrave considérablement la situation internationale. Ce dont Téhéran a pleinement conscience, lui permettant de continuer à souffler le chaud et le froid en toute impunité et de cultiver l’illusion qu’il est toujours possible de trouver un terrain d’entente.
Outre la progression du programme nucléaire dans ses installations secrètes, ce que l’on sait grâce aux sabotages attribués au Mossad, et son programme de lanceurs balistiques, l’Iran poursuit sa quête hégémonique en dehors de ses frontières en étant une des causes essentielles du chaos régional avec l’État Islamique (EI) et al-Qaeda. Ainsi, elle accroit sa mainmise sur l’Irak sous prétexte de lutte contre Daesh (acronyme de l’EI en arabe). Elle poursuit son ingérence en Syrie auprès de son allié Bachar el-Assad. Elle contribue à déstabiliser un peu plus le Liban via le Hezbollah, à soulever les populations chiites dans les pays sunnites modérés, ainsi qu’à raviver les violences en Israël et contre l’Autorité Palestinienne via le Hamas. Cette politique agressive alimente la guerre plus que millénaire que se livrent au sein de l’Islam les sunnites et les chiites, et vient cristalliser la motivation des groupes djihadistes sunnites.
Et pendant ce temps l’Iran continue en toute impunité d’avancer ses pions… !
Ainsi, malgré le risque que représenterait un Iran nucléarisé, non seulement pour la région, mais également pour le reste du monde, la communauté internationale a décidé une prolongation des négociations jusqu’au 30 juin 2015 afin de trouver un accord définitif. Pour faire bonne mesure, Téhéran, bénéficiera durant cette période d’un «dégel de ses avoirs à hauteur de 700 millions de dollars par mois»!
Au vu de l’expérience passée, on peut déjà anticiper qu’à l’issue de ce temps supplémentaire, aucun progrès substantiel n’aura été accompli et que l’on se rapprochera plus dangereusement encore du terme fatidique. Et la théorie selon laquelle, la théocratie Chiite saura s’arrêter et devenir une «puissance du seuil nucléaire», c’est-à-dire avoir la maîtrise de toute la filière sans finaliser l’arme nucléaire elle-même, est une illusion de plus. Pourquoi, l’Iran déciderait-elle, après toutes ces années de s’arrêter si près du but et de se priver d’un levier politique aussi efficace, ce que démontre régulièrement la Corée du Nord ? En ne faisant que peu ou pas de concession, non seulement l’Iran avance ses pions, mais ses adversaires du P5+1 lui offrent des pièces sur un plateau en ayant l’espoir de voir Téhéran se ranger au côté de la coalition pour lutter contre l’EI.
Il est plus que temps de changer de stratégie ?
Il faut bien se rendre à l’évidence que la méthode employée jusqu’à présent par les grandes puissances a peu de chance d’être couronnée de succès. A-t-on oublié que c’est par la surenchère que l’URSS s’est effondrée ? Cette dernière n’a pas été en capacité de rivaliser avec les USA dans la course à l’armement. Il ne s’agissait pas en réalité d’attaquer l’Union Soviétique, mais de faire peser une menace crédible. Peut-être devrait-on s’inspirer de ce précédent. Si l’on veut éviter le pire, il n’y a plus que quelques mois pour mettre en place une stratégie efficace. L’Ayatollah Ali Khameneï, le Guide Suprême de la révolution iranienne, en bon joueur d’échec, comprendra vite qu’il vaut mieux sacrifier quelques pièces que d’être échec et mat.