Publié le 7 décembre 2014 à 13h05 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h30
«L’Enfance du Christ» fait partie des joyaux musicaux que l’on sort peu souvent. Et c’est fort logiquement que l’Opéra d’Avignon avait fait le plein, vendredi, pour une unique représentation en forme d’événement. Un public avide de découverte ou de redécouverte de cette trilogie sacrée, composée par Berlioz au fil de plusieurs années et qui figure ainsi, au catalogue, parmi les dernières ayant été créées. Et personne ne fut déçu. Il faut dire que pour servir la partition, l’Orchestre régional Avignon-Provence, une importante masse chorale, le chœur symphonique Avignon-Provence et les solistes avaient été conviés pendant quelques jours à plusieurs services de répétition par le directeur musical Samuel Jean.
Et ce travail a porté ses fruits. L’orchestre, tout d’abord, a livré une interprétation de très haut niveau. Un son superbe, des couleurs bienvenues, des cordes précises et sensuelles : de la puissance dramatique de la première partie jusqu’à la spiritualité délicate de la dernière partie, tout fut ressenti sous la direction attentive et très fouillée de Samuel Jean qui a su insuffler la vie à cette musique et faire briller un ensemble se présentant quasiment en effectif de chambre. Discret en première partie, le chœur s’affirmera après la pause soutenant l’action avec précision et puissance. On le sait, «L’Enfance du Christ» est une trilogie. Avec une première partie intitulée «Le songe d’Hérode» c’est le massacre des innocents qui est annoncé. Et cette partie est taillée sur mesure pour une voix de basse. En Avignon, Hérode c’était Nicolas Courjal. Brillant à Marseille les semaines précédentes dans «Moïse et Pharaon» de Rossini puis dans le «Mosé» de Colonna, Nicolas Courjal fut une fois de plus au rendez-vous d’un rôle qu’il tenait à inscrire à son répertoire après l’avoir longtemps travaillé. Il procure toute sa dimension dramatique à cet Hérode, avec ce qu’il faut de puissance, mais aussi de terreur dans le chant. Sa tessiture fait merveille au moment d’attaquer une partie mezzo-voce et très haut pour terminer très basse profonde quelques instants plus tard. Jamais pris en défaut, Nicolas Courjal est, à notre avis, l’une des plus belles voix de basse du moment. Le lendemain, il partait à Moscou pour le Requiem de Verdi et nous le retrouverons en début d’année prochaine dans Guillaume Tell à Monte-Carlo puis à Bordeaux en mars et avril où il sera le Roi Marc dans Tristan et Isolde. A ses côtés, Yves Saelens fut un récitant délicat, Geoffroy Buffière, belle voix de baryton basse, un Ismaelite convaincant après avoir été Polydorus. Marie Gautrot, qui incarnait Marie, a fait briller sa belle voix de mezzo, solide et bien placée et le Joseph de Thomas Dolié, baryton franc et puissant, fut très présent. Une belle réussite que cette production qui, redisons le, si elle a séduit par l’excellence de ceux qui se sont mis à son service, doit beaucoup à celui qui a porté le projet artistiquement, Samuel Jean, le directeur musical.
Michel EGEA