Publié le 15 décembre 2014 à 21h33 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h31
Cinquième année de direction musicale à la tête de l’Orchestre Français des Jeunes pour Dennis Russell Davies. Cinquième et dernière ! Après le concert qui sera donné au Grand Théâtre de Provence, à Aix-en-Provence, jeudi soir, et à l’issue du concert à la Cité de la Musique, ce samedi 20 décembre, le maestro sera certainement salué chaleureusement par les 101 jeunes instrumentistes qui auront travaillé sous ses ordres. Triste de partir, le chef ? «Vous savez, à mon âge, s’il fallait que je sois triste, ce serait dramatique. Aujourd’hui, je veux profiter de la vie, de chaque jour qui passe. Alors je suis simplement heureux d’avoir travaillé pendant cinq ans avec l’Orchestre Français des Jeunes et satisfait de la qualité de ce travail». Rencontre avec Dennis Russell Davies.
En cinq années de travail à la tête de l’OFJ, quel regard portez-vous sur l’évolution qualitative de l’Orchestre?
S’il y a eu évolution, c’est surtout de ma part et de la part du staff de l’OFJ. Les musiciens qui composent l’orchestre sont toujours de très haut niveau. C’est une constante. Moi, j’ai gagné en expérience et j’ai pu optimiser mon travail avec eux. Puis, je pense que sous l’impulsion du directeur, Pierre Barrois, l’orchestre a affirmé une identité forte ces dernières années.
Mis à part le côté musical, qu’est-ce qui vous marque dans cette structure?
C’est le fait qu’en ces temps difficiles pour les jeunes artistes, ils apprennent ici à gérer leurs espérances, leurs rêves, leurs soucis en ayant la possibilité de participer à des ateliers qui vont de l’apprentissage de la médiation à la mise en place d’un projet personnel en passant par la gestion du trac. Une telle structure qui aborde ainsi la professionnalisation est un exemple pour toute l’Europe.
En parallèle au travail d’orchestre, la pratique de la musique de chambre s’est développée cette année. De ce fait, constatez-vous une évolution dans le comportement des instrumentistes?
Je pense que cela améliore grandement l’écoute entre eux et favorise leurs réactions musicales. La musique de chambre, c’est aussi très efficace pour l’esprit.
Comment organisez-vous le travail avec Mathieu Romano, le chef assistant ?
La première année, nous avions travaillé en amont. Mais cette année je lui ai fait entièrement confiance. C’est quelqu’un qui est très doué. Il a des oreilles et il a des idées. Il prépare idéalement l’orchestre. Et même s’il donne des lignes qui ne sont forcément les miennes, je préfère qu’il fasse ça plutôt que d’essayer de faire ce que je vais demander aux musiciens. Mieux vaut un orchestre bien préparé pour travailler en profondeur.
Comment composez-vous le programme ?
C’est une composition à deux, avec Pierre Barrois. Nous devons couvrir un très grand spectre, prendre en compte l’apprentissage des jeunes musiciens, faire travailler un effectif important, donner une place à la musique française, changer de programme chaque année et, j’y tiens particulièrement, avoir toujours au programme une œuvre classique ; Brahms cette année, Haydn, l’an dernier.
Et lorsque vous ne travaillez pas pour l’OFJ…
J’ai la chance d’être directeur musical du Bruckner Orchester de Linz et directeur de l’opéra de cette ville. Un opéra tout neuf qui vient d’ouvrir ses portes. J’y consacre beaucoup de temps car je pense que si on veut bien s’occuper d’une maison comme ça il faut être présent. Un bon chef d’orchestre d’opéra c’est comme un entraîneur de football. Il doit être en permanence aux commandes de son équipe. En ce moment, je prépare «La Flûte enchantée» et les deux derniers opéras du Ring.
Pierre Barrois : «Dennis joue l’ouverture sur des répertoires originaux»
Lorsque l’on demande à Pierre Barrois, le directeur de l’Orchestre Français des Jeunes, ce qu’ont apportés les années DRD (Dennis Russell Davies), il n’hésite pas une seconde: «L’ouverture sur des répertoires originaux. Dennis a une parfaite connaissance des grands compositeurs du XXe siècle et, tout particulièrement, sur les Américains. De plus il excelle dans la direction des grandes œuvres du grand répertoire. Le programme de jeudi à Aix-en-Provence avec Adams, Stravinsky et Brahms porte la marque DRD. Puis il ne faut pas oublier que c’est grâce à lui, entre autres, que nous avons créé la 10e symphonie de Philip Glass; et que nous avons joué la symphonie n°0 de Bruckner.»
Les prochaines saisons de l’OFJ seront placées sous la direction musicale d’un autre grand maître, David Zinman. Si Rotterdam, Baltimore et Zurich ont été des points d’ancrages de sa carrière, il est celui qui a fait grandir le Festival d’Aspen dans la Colorado où il a créé une école et l’académie de direction. «Il y a, chez lui, une véritable envie de transmettre, nous confie Pierre Barrois. Et je suis d’autant plus heureux qu’il ait accepté de cheminer avec nous car il est, de l’avis général, un précurseur de l’interprétation classique historiquement informée. Nous avons d’ailleurs convenu de mettre au programme de l’OFJ, la saison prochaine, la 4e de Beethoven. L’occasion pour les mélomanes de découvrir ce qu’est un vrai travail d’interprétation classique.»
On a hâte d’y être. Mais, pour l’heure, profitons d’un nouveau bonheur, jeudi, avec Dennis Russell Davies…
Michel EGEA
