Publié le 19 décembre 2014 à 13h41 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h31
Ils sont entrés côté cour sur la scène du Grand Théâtre de Provence au mois d’août dernier; ils sont sortis côté jardin, jeudi soir, de la même scène. Ainsi va la vie de l’Orchestre Français des Jeunes. Entre temps, les 101 musiciens et musiciennes auront vécu un moment qui restera certainement à jamais gravé dans leurs mémoires. Du travail, beaucoup de travail, de l’amitié, beaucoup d’amitié, des rires, beaucoup de rires, parfois fous, et ce bonheur indicible de pouvoir jouer ensemble, au sein d’un grand orchestre, dans un pays où l’on préfère trop souvent former des solistes. Et demain, à l’issue d’un ultime concert donné à la Cité de la Musique à Paris, ils retourneront à leurs chères études déjà bien entamées ; Emmanuelle à Bruxelles, Pascal à Genève, Tigran à Bordeaux, Tess à Paris, entre autres…Tous répartis sur la planète musique, un peu plus riches en cette fin 2014 qu’ils ne l’étaient en janvier dernier. Tous tournés vers un avenir qu’ils savent difficile, mais tous prêts à l’affronter, en concours pour intégrer un orchestre, entre amis pour faire de la musique de chambre, en classe pour partager leur savoir avec des élèves. Des rêves plein la tête, mais les pieds sur terre, terriblement sur terre.
Alors, ces derniers jours partagés à Aix-en-Provence ont été savourés sans modération.
D’autant plus que la collaboration du maestro Dennis Russell Davies avec l’OFJ s’arrête aussi cette semaine après Paris. Les 101 musiciens, tous pupitres confondus, ont donc mis un point d’honneur à briller pour fêter dignement celui qui leur a beaucoup appris depuis son estrade de directeur musical et du haut de ses 70 printemps. Adams, Stravinsky et Brahms étaient au programme de cette dernière aixoise au Grand Théâtre de Provence, lieu de résidence, rappelons le, depuis de nombreuses années pour les formations symphonique et baroque de l’OFJ.
Un programme à l’image de Dennis Russell Davies, de ses goûts et de ce qu’il a apporté pendant cinq années à l’orchestre. La musique américaine, tout d’abord, avec John Adams et sa pièce «The Chairman dances» de 1985, tirée de son opéra « Nixon in China ». Un modèle de musique répétitive qui bénéficie de «surprises» instrumentales tout au long de son interprétation. Le chef d’orchestre se délecte visiblement de cette direction, pouvant compter sur la vitalité d’un orchestre attentif, aux cordes superbes, aux vents précis, aux cuivres très présents et solides et aux percussions efficaces. Entrée en matière réussie… Pour suivre, c’est le très rare «Concerto pour piano et instruments à vents» d’Igor Stravinsky qui était au programme. Un échange permanent entre le clavier et les autres instruments, une performance indéniable pour le soliste. En l’occurrence «la» soliste Maki Namekawa qui s’est approprié l’œuvre depuis longtemps et qui la vit totalement de l’intérieur en la jouant. Un toucher très «percussif», de la puissance, de la personnalité au service d’une grande virtuosité et d’une vélocité qui sied totalement à cette composition surprenante caractérisent sa prestation. Entourée efficacement par les vents et les contrebasses de l’OFJ, Maki Namekawa impose ce concerto avant de donner, en bis, une étude de Philip Glass, compositeur qu’elle affectionne tout particulièrement et dont elle a enregistré de nombreuses œuvres. Un bis séduisant marqué par une parfaite maîtrise du rythme et du toucher. Superbe.
Après la pause, c’est Brahms et sa Symphonie n°2 qui étaient au rendez-vous. Si la musique d’Adams avait permis la mise en valeur de la solidité et de la précision de l’OFJ, ce sont les couleurs et «le» son de cet ensemble qui étaient mis en avant avec Brahms. « Cette symphonie c’est de la musique pour la musique », nous confiait un jeune musicien de l’orchestre. Effectivement, rien de narratif dans cette composition qui a vu le jour au pied des montagnes; tout juste une ambiance «pastorale»… Et ces grands élans romantiques qui s’échappent d’une partition à l’architecture très marquée, parfois légèrement austère. Les cordes de l’OFJ ont ici la part belle : sensibles, suaves, rondes. On aurait aimé que le maestro introduise une légère dose de pathos dans sa lecture de l’œuvre afin d’en exacerber les nuances. Mention spéciale au pupitre de cor et à son premier… Une nouvelle page de l’OFJ s’est désormais tournée. Vivement le mois d’août 2015 et la naissance d’un nouveau chapitre sous la direction de David Zinman…
Michel EGEA