Publié le 1 février 2015 à 20h29 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h37
Certes Aix-en-Provence n’est pas la Principauté de Monaco mais, il n’en demeure pas moins vrai que pendant trois jours, la naissance des grandes orgues de l’auditorium Campra du Conservatoire Darius Milhaud a été célébrée comme il se doit. Par un concert inaugural donné trois fois entre vendredi et samedi, riche de la symphonie n° 3 de Saint-Saëns et de la fantaisie et fugue sur le choral «Ad nos, ad salutarem undam» de Liszt. Pour servir les œuvres, les organistes Bernard Foccroulle, pour Saint-Saëns et Brice Montagnoux, pour Liszt, furent les premiers solistes en public sur l’instrument accompagnés respectivement par l’orchestre symphonique du conservatoire et l’ensemble de cuivres du
conservatoire, le tout sous la baguette de Jean-Philippe Dambreville, le directeur de l’établissement.Ce dimanche, une carte blanche était offerte aux organistes Bernard Foccroulle, Dominique Serve, Jean-Pierre Rolland et Chantal de Zeeuw pour quatre prestations entre 11h30 et 18h30. Bernard Foccroulle qui est, faut-il le rappeler, musicien, compositeur et directeur du Festival d’Aix-en-Provence, ouvrait le ban en fin de matinée avant de s’envoler pour Lisbonne, vers d’autres claviers. Avec toute l’érudition qu’on lui
connaît, celui qui fait partie du gotha des organistes, grand spécialiste de Jean-Sébastien Bach devant l’Éternel, avait concocté un programme afin de faire découvrir, entre baroque et contemporain, les multiples facettes de l’instrument. «Dans cet auditorium, soulignait-il
en préambule, l’orgue devient un instrument de détail, car il n’y a pas la réverbération générée par les voûtes d’une église.» Alors, avec Bernard Foccroulle, ce fut l’orgue en majesté puis en finesse pour Bach, l’orgue et ses couleurs avec l’une de ses compositions de 2007, «Kolorierte Flöten» consacrée aux sonorités du jeu de flûte de l’instrument, l’orgue et la nature avec deux extraits témoignant du génie d’Olivier Messiaen qui faisait chanter les oiseaux dans ses partitions de messes, l’orgue spirituel avec la «Tierce en taille» de la messe de Nicolas de Grigny et les «Litanies» de Jehan Alain. Un éventail musical lumineux et intelligent pour faire aimer cet instrument; le tout en présence du facteur Daniel Kern, successeur d’Alfred Kern, fondateur en 1953 de la manufacture d’orgues éponyme à Strasbourg. C’est cette maison qui a réalisé l’orgue de l’église Saint-Jean de Malte à Aix-en-Provence et qui s’occupe de sa maintenance comme elle aura en charge, désormais, la maintenance de l’instrument de l’auditorium Campra.
Un auditorium qui fait parler de lui
Cet auditorium Campra n’a pas mis longtemps à s’imposer, mais surtout à imposer son acoustique, comme l’une des meilleures dans les salles de même configuration en France et en Europe, voire plus loin. Une acoustique tellement satisfaite que Renaud Capuçon a décidé d’y enregistrer désormais en petites formations et formations de chambre. Son dernier opus, en duo avec Khatia Buniatishvili, a d’ailleurs été capté ici même à l’issue du Festival de Pâques, l’an dernier. La décision de doter l’auditorium d’un orgue s’est donc imposée dès la construction du nouveau conservatoire. Cet orgue est une pièce unique,
sur mesure, construit en six mois dans les locaux de Kern à Strasbourg puis assemblé l’été dernier à Aix-en-Provence. En novembre, pendant trois semaines, l’harmonisation de l’instrument a été menée par les spécialistes qui ont eu la charge d’accorder les 2 000 tuyaux, en bois pour les plus grands, en métal pour les autres. Seule une soixantaine de
ces tuyaux est visible sur la façade mais l’orgue s’étend «en coulisse» sur trois niveaux et près de 50 m². Son intégration au lieu s’est faite avec la collaboration du cabinet Kengo Kuma qui a signé l’architecture du bâtiment. Cet instrument, doté de 27 jeux (21 jeux
pour l’orgue de Saint-Jean de Malte, 40 jeux pour celui de la cathédrale Saint-Sauveur) est équipé d’une double console numérique permettant à l’organiste de choisir de prendre place à la galerie ou sur scène.Ces grandes orgues qui, visiblement, semblent satisfaire les musiciens qui y jouent, sont un atout de plus au registre culturel de la ville. Nul doute que de nombreux organistes auront à cœur, désormais, de venir s’y confronter, pour le plus grand plaisir des mélomanes.
Michel EGEA