Publié le 14 mai 2013 à 5h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 15h49
L’assemblée générale du Crédit Coopératif, qui se tient ce mercredi 15 mai à Marseille, marque les 120 ans de la banque coopérative. A cette occasion, l’héritière des anciennes Caisses de solidarité ouvrières de la République invite à s’interroger, alors que Marseille-Provence 2013 bat son plein, sur la force du projet culturel à travers un forum, ouvert au grand public, sur le thème « La culture : une chance pour la Provence, la France et l’Europe ? Un moyen d’inventer le futur ? ».
« Le Crédit Coopératif est une banque. On reste une banque, on est quand même des banquiers » : si Stéphane Salord, président du comité de région PACA du Crédit Coopératif se sent obligé d’apporter cette précision, c’est que la banque coopérative détonne dans le paysage financier hexagonal. « C’est une banque toute petite qui représente 1,5% des dépôts. Mais elle dispose d’une couverture nationale avec un réseau de 90 agences et un siège tout neuf à Paris (Nanterre) », précise le président du comité de région. Une banque, dirigée dans la région par Gérard Palacin, qui compte 2 000 collaborateurs dans toute la France, dont une centaine en PACA où elle dispose de cinq agences : Marseille, Aix (ouverte il y a 7 ans), Avignon (qui changera de locaux en 2014), Toulon (où elle changera de locaux d’ici 18 mois) et Nice.
Or, s’il exerce tous les métiers et expertises du banquier, le Crédit Coopératif, traditionnellement la banque des « grandes familles de l’économie sociale », s’est mis, par vocation et par choix, au service des acteurs d’une économie responsable, respectueuse des personnes et de leur environnement. Ce qui conduit la banque coopérative à cultiver un certain nombre de particularismes, comme le détaille Stéphane Salord. La banque est ainsi « hors circuit de la finance internationale et n’a donc pas d’actifs risqués ». Il s’agit aussi de la seule banque française qui « permet de partager un taux d’intérêt (livret Agir) entre un particulier et une association de son choix ». « 5 M€ ont été redistribués cette année à Handicap International, Médecins du Monde ou encore des associations pour l’environnement », précise le président du comité de région.
Une banque qui mise sur la Méditerranée en créant un fonds « MedCoop »
C’est encore la seule banque hexagonale qui « s’est auto-taxée de la taxe Tobin » à hauteur de 0,01% des demandes de change. « Nous ne faisons pas payer nos clients, mais cette somme ira à une ONG », indique Stéphane Salord. La manne bénéficiera à l’association GERES (Groupe Energies Renouvelables, Environnement et Solidarité), basée à Aubagne, qui est reconnue au niveau mondial pour la qualité de son travail. « Nous donnons à cette structure 150 000 € par an pendant 3 ans sur un projet humanitaire ciblé. Il s’agit d’aider des régions du Nord Himalaya à gérer les changements climatiques. L’association GERES accompagne ainsi un bassin de 70 000 habitants dans un changement de mode de vie, avec notamment l’installation de climatisation dans les maisons, pour éviter qu’ils deviennent des réfugiés climatiques et qu’ils puissent conserver leur spécificité culturelle », explique le président du comité de région.
Enfin, le Crédit Coopératif a décidé de miser résolument sur la Méditerranée en créant un fonds « MedCoop ». « A la fin du bloc de l’Est, nous avions créé « CoopEst » qui devait être un outil de financement de l’économie sociale. Dans les années 90, 40 M€ ont ainsi été confiés à des partenaires locaux. Aujourd’hui, notre parti pris est d’accompagner un deuxième changement historique, les révolutions arabes. Notre réflexion est de dire que là où se manifeste un renouveau de liberté, il y a forcément une réponse qui va naître de l’économie sociale et solidaire », plaide Stéphane Salord. Pour sa première tranche (2014-2020), le fond MedCoop, qui naîtra officiellement le 1er janvier 2014, se verra doté de 20 M€, « moitié par appels de fonds, moitié par encours de dettes ». « On va passer par des réseaux qui vont financer des projets d’économie sociale, avec une orientation, à 70%, sur la résistance des coopératives agricoles en Tunisie, au Maroc et en Libye. En Algérie, il s’agira de projets plus sociétaux », détaille le président du comité de région.
L’héritière du courant de l’utopisme social
Autant d’actions qui s’inscrivent dans la droite ligne de l’ADN de la banque coopérative, héritière des anciennes Caisses de solidarité ouvrière de la République. « Il s’agissait de se prémunir contre les accidents du travail, pour la retraite… L’histoire du Crédit Coopératif, c’est le regroupement de toutes ces caisses. C’est le grand courant de « l’utopisme social » : on peut faire beaucoup de choses en termes d’entraides. On porte un héritage moral et historique », insiste Stéphane Salord. Une histoire qui fête cette année ses 120 ans.
Alors pour célébrer l’événement, l’assemblée générale du Crédit Coopératif PACA, ce mercredi 15 mai à Marseille, prendra une ampleur particulière avec la tenue d’un forum, ouvert au grand public, sur le thème « La culture : une chance pour la Provence, la France et l’Europe ? Un moyen d’investir le futur ? ». La banque coopérative, partenaire de l’année Capitale à hauteur de 120 000 € – avec notamment une exposition de genre sur les échanges culturels entre l’homme et la femme en Méditerranée qui se tiendra à partir du mois de juin au Mucem – et du Festival d’Avignon, invite ainsi à s’interroger sur « la force, l’intelligence du projet culturel au moment de Marseille-Provence 2013 ». Et pour en débattre, c’est un panel de très grande qualité qui sera réuni ce mercredi à 17h30 au Ballet National de Marseille, 20, boulevard de Gabès (8e), avec les interventions de Hortense Archambault, co-directeur du Festival d’Avignon, Stéphan Brousse, président du Medef PACA, Jean-Louis Chougnet, directeur général de Marseille Provence 2013, Daniel Hermann, adjoint au maire de Marseille délégué à l’Action culturelle, Macha Makeïeff, directrice du théâtre de la Criée, Pierre Sauvageot, directeur de l’association Lieux Publics, et François Vienne, directeur général adjoint du Festival d’Aix-en-Provence. Un débat qui sera animé par Jean-Pierre Mongarny, secrétaire général de la Fondation du Crédit Coopératif.
Des prix ouverts aussi à des non clients et des non sociétaires
La soirée sera également rythmée par la remise des Prix régionaux de l’Initiative en économie sociale. Décernés par la Fondation du Crédit Coopératif, ils récompensent des actions exemplaires mises en place dans la région par des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Mais là encore, la banque coopérative se démarque puisqu’il s’agit des seuls prix remis par une banque française qui sont « ouverts y compris à des non clients et des non sociétaires ».
Cette année, le premier prix (4 000 €) est revenu à l’association aixoise « Ressource » présidée par le docteur Jean-Louis Mouysset. « Cette association, qui commence à être bien connue dans le soutien aux malades du cancer, a importé en France une méthode : la randomisation. Il s’agit de fournir un accompagnement aux personnes malades ou guéries afin que leur rémission soit la plus longue possible. C’est une méthode qui apporte des résultats concrets puisqu’on observe une baisse de 40% de la rechute maladie », souligne le président du comité de région.
Le deuxième prix (3 000 €) a été décerné à l’association France Alzheimer basée à Avignon depuis 20 ans. « Elle apporte un soutien aux familles et développe des projets sur Avignon. Elle vient ainsi d’organiser avec une association allemande une rencontre de malades des deux côtés de la frontière, ce qui ne s’était jamais vu. C’est un projet déjà mis en œuvre, le premier voyage a concerné sept couples, qui peut être reproduit, ce qui constitue l’un des critères de ces prix », explique Michel Vlahovitch, directeur de l’agence de Marseille du Crédit Coopératif.
Le troisième prix (2 000 €) sera quant à lui remis à l’association « Renouer » basée à Grasse. « Elle organise une cueillette solidaire de fruits. Il y a en effet de nombreux arbres fruitiers dont la récolte n’est pas exploitée et reste délaissée. Les particuliers et les collectivités locales donnent l’autorisation de vendre les fruits, et le produit de la vente sert à financer des emplois. L’année dernière, 10 tonnes de fruits ont été cueillies sur 800 oliviers grâce à 50 donneurs sur Le Cannet ou Grasse », précise Michel Vlahovitch.
Une banque qui surfe toujours sur « l’effet Cantona »
Enfin, le troisième temps fort de la journée sera l’assemblée générale du Crédit Coopératif durant laquelle les clients sociétaires devront se prononcer sur les comptes 2012, désigner leurs représentants au conseil d’administration et revenir sur la place de Crédit Coopératif au sein de la région. Une place qui ne cesse de grandir, la banque coopérative surfant toujours sur « l’effet Cantona » – l’ancien international avait alerté l’opinion publique en retirant symboliquement 3 000 € de ses comptes pour mettre en lumière les risques bancaires qui pouvaient exister en France, mettant ainsi le doigt sur la confiance bancaire. « Autrefois, le Crédit Coopératif était une banque de niches affinitaires. Le cœur historique était les organisations d’intérêt général (OIG) : le Crédit Coopératif est la banque des tutelles, des grandes structures culturelles, des associations, du monde des syndicats, de la mutualité, et dans le monde de l’entreprise, des sociétés coopératives de production (SCOP) mais aussi d’une très grosse partie des distributions coopératives (moyennes surfaces). Un monde nouveau arrive, les collectivités locales, avec quelques succès commerciaux dans la région. Nous avions quelques particuliers qui avaient un compte professionnel et finissaient par ouvrir un compte privé. On voit aujourd’hui apparaître le particulier avec, depuis 2008, un flot de plusieurs centaines de clients par mois », souligne Stéphane Salord.
La banque coopérative attire des personnes de 30, 40, 50 ans « qui ont des actifs ». « Elles nous parlent d’avenir : « Un matin on va se réveiller et ça va se finir à la chypriote » », témoigne le président du comité régional PACA qui observe que « la faillite des grandes banques et la restructuration des dettes souveraines montrent l’extrême pénétration des banques françaises dans des opérations beaucoup plus difficiles à justifier en temps de crise ».
Une « banque de verre »
Le Crédit Coopératif a ainsi connu une croissance du Produit net bancaire (PNB) – les collectes c’est-à-dire le chiffre d’affaires – de 4,2% l’an dernier, une croissance qui atteint 5% en PACA où la banque compte désormais 22 000 clients. 5 000 sont localisés à Marseille où la clientèle particulière ne cesse de croître. « On compte environ 2 000 personnes morales et 3 000 particuliers. Ils nous disent : « Vous êtes une banque différente, notre argent, on sait ce qu’il devient ». 30 à 50 personnes viennent ainsi vers nous chaque mois à Marseille rien que par le bouche à oreille. La clientèle particulière génère 15 à 20% du PNB. A Marseille, on est ainsi passé en 5 ans de un à trois conseillers clientèle particulière », indique le directeur de l’agence de Marseille.
Des clients qui sont massivement séduits par le côté « banque de verre » du Crédit Coopératif qui a inventé « la traçabilité du compte courant ». « Le client peut dorénavant orienter l’utilisation de ses engagements, ce que le banquier va en faire. Ça commence à entrer dans la culture. Quant au salaire des dirigeants, il est voté en assemblée générale. Difficile d’aller plus loin en termes de transparence », relève le président du comité régional. Une banque qui figure en outre « dans les trois moins chères de France » au niveau des services bancaires. « Nous pratiquons la vérité des prix. Chez nous, rien n’est gratuit mais rien n’est cher », résume Michel Vlahovitch.
Et cela, sans jamais renier sa philosophie. « Nous faisons de la prévention : on téléphone à un client plutôt que de lui refuser un chèque. Cela nous coûte des marges mais nous voulons lutter contre la précarisation financière : la taxation minimale des services bancaires est un de nos objectifs », conclut Stéphane Salord.
Serge PAYRAU