Publié le 16 février 2015 à 20h42 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h41
«Une ethno-cuisine du cabanon serait encore à écrire…», mentionne Vladimir Biaggi dans un texte introductif de l’ouvrage «Le goût du cabanon, recettes, savoirs et légendes» qu’il signe chez Eanna éditions avec Fabien Morréale. Mais que ne l’écrit-il point, ce maître en philosophie et en gourmandise, cette ethno-cuisine du cabanon. Car il y a là matière à disserter doctement, certes, mais aussi amoureusement et «épicurieusement» pour user de ce barbarisme usité chez les vignerons de la vallée de Jouques à Rians qui, chaque année au printemps, convient ceux qui le désirent à leur «envie épicurieuse» où les mets et les vins font bon ménage dans la nature.
La nature ! C’est là qu’en règle générale trône le cabanon. Sur des chemins escarpés qui bordent les calanques, entre deux parcelles de vignes entre Sainte-Victoire et Sainte-Baume, dans le Garlaban ou dans le Luberon. Aux multiples usages qu’en faisaient les paysans, chasseurs, pêcheurs et autres, tout au long de l’année, il faut ajouter au cabanon sa fonction d’accueil des familles pour les fêtes. C’était presque un rituel, les beaux jours arrivés, de venir passer quelques heures à côté de la maisonnette en pierres sèches. Et c’est là que les mères de famille faisaient preuve de génie pour cuisiner au feu de bois. Car il n’y avait pas d’électricité au cabanon, et d’eau courante non plus… On ne pouvait y conserver certaines matières grasses et des denrées qui en possédaient. Alors des recettes sont nées dans les cabanons. Plats partagés, en famille, entre amis, grands et petits bonheurs transmis de générations en générations par la grand-mère, la tante ou la voisine âgée et trop souvent solitaire que l’on invitait à partager la table les jours de fête.
Ce goût du cabanon, je l’ai retrouvé en parcourant le livre de Vladimir Biaggi et Fabien Morréale. Le premier, outre ses textes documentés et savoureux (à consommer sans modération) apporte ce qu’il sait des poivrons à l’huile, des olives cassées, des marinades et des tapenades.
Le deuxième, qui revendique avant tout deux maîtres, Pierre Gagnaire et Michel Bras, mais qui s’est fait le cuir auprès des Banzo, Chibois, Clor, Sourrieu ou Hebet, revisite (le terme est à la mode) les recettes du cabanon du premier pour en faire des plats sans chichis mais savoureux sur le piano de son « Garage » à Martigues. Ce qui fait que le lecteur cuisinier peut puiser chez l’un ou chez l’autre avec la même facilité et le même bonheur. Coup de cœur, en cette saison, pour le «Risotto de piombi à la truffe» et pour les « Brochettes de petits oiseaux façon Edouardde Carry »… A dénicher, entre autres, dans cet ouvrage superbe à la qualité duquel il convient d’associer le photographe Frank Buschardt. A vous, désormais, de vous régaler en tournant les pages de ce «Goût du cabanon». Vous y apprendrez beaucoup, tout en (vous) faisant plaisir… Et n’oubliez pas l’essentiel, les racines. Comme il est écrit dans cet ouvrage : «Vers 1880, un chef cuisinier marseillais, Meynier, officiant à La Maison dorée, voulant garnir des moitiés d’œufs durs d’une composition qui ne soit ni macédoine, ni mayonnaise, bat au fouet un mélange parfumé fait d’olives noires, de câpres, d’anchois, de thon à l’huile, le tout lié par huile d’olive, cognac et poivre. Revenir aux sources a parfois du bon!»
Michel EGEA
« Le goût du Cabanon », textes et recettes Vladimir Biaggi, recettes du chef Fabien Morréale. Photos Frank Buschardt. 154 pages. Eanna édition, 39 euros.