Publié le 2 mars 2015 à 23h30 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h42
Dans cette France qui vient de connaître des attentats, où des dérives communautaristes prennent de l’ampleur, où racisme, xénophobie et antisémitisme s’expriment de plus en plus librement, l’exposition « Mémoire pour demain », événement réalisé avec le Site-mémorial du Camp des Milles, qu’accueille la Maison de la Région, prend toute son importance. Cette manifestation propose en effet un retour sur ce que le XXe siècle a produit d’inconcevable, pour nourrir la connaissance et la réflexion. Ainsi, du 2 au 31 mars l’exposition, des débats, rencontres et films sur les génocide juif, arménien et tutsi sont programmés à la Maison de la Région, autour d’une exposition sur le Camp des Milles.
Retenu à l’Assemblée Nationale, Michel Vauzelle, le président de la Région a été représenté par Gaëlle Lenfant, vice-présidente déléguée à la jeunesse, aux solidarités, à la prévention et la sécurité, à la lutte contre les discriminations. Ses premiers mots sont pour citer Hannah Arendt «Contre l’imprévisibilité, contre la chaotique incertitude de l’avenir, le remède se trouve dans la faculté de faire et de tenir des promesses.»
Pour l’élue la Fondation du Camp des Milles, avec cette exposition, «nous dit bien les dangers, les périls. Il est vrai que ce site n’est pas refermé sur lui-même, sur une page d’histoire, il est ouvert sur les enjeux actuels». Elle en vient à la jeunesse: «Il est très important de la sensibiliser, de lui permettre de se rendre compte. Ainsi, chaque année des lycéens se rendent à Auschwitz. Pour avoir discuté avec ces jeunes, je peux dire que, pour eux, il y a un avant et un après». «Ces jeunes, que l’on voit comme un problème, ajoute-t-elle, il faut les écouter, les entendre, leur donner à voir. Il en est qui sont venus assister à une plénière de la Région. Ils ont pu se faire leur propre opinion et leur regard sur le politique et notamment sur un certain groupe a changé».
«Nous vivons dans un pays où des juifs ont été tués parce que juifs»
Elle en vient à la gravité de la situation : «Nous vivons dans un pays où des juifs ont été tués parce que juifs, des journalistes tués parce qu’ils dessinaient, des policiers tués parce qu’ils défendaient les valeurs de la République. Nous vivons dans un pays où un jeune rom s’est fait lyncher parce que rom». Puis d’insister sur l’importance du vote : «Il faut aller voter aux élections sinon une minorité dangereuse prendra le pouvoir et cela en sera fini pour la démocratie».
Alain Chouraqui, le président de la Fondation du camp des Milles explique que, lorsque cette exposition a été décidée, «il s’agissait de marquer le 70e anniversaire de la libération des camps; le 70e anniversaire de la victoire des résistances; de marquer le 100e anniversaire du génocide arménien. Il s’agissait de comprendre hier pour mieux vivre ensemble demain. Puis le mois de janvier est passé par là et, cette mémoire pour demain est devenue une mémoire pour aujourd’hui». Les leçons de l’histoire sur les extrémismes, les racismes,les antisémitismes, la xénophobie, «sont des leçons hyper-actuelles». L’histoire, poursuit-il: «Nous apprend que les mécanismes qui mènent au pire sont récurrents, répétitifs car l’Homme ne change pas fondamentalement. Mais il existe une grande différence : aujourd’hui nous savons que cela s’est passé. Les engrenages qui mènent au pire sont déjà en marche comme les moyens d’y résister».
«Les racismes et l’antisémitisme ont un pouvoir de contamination et un potentiel explosif exceptionnels lorsque le terreau leur est favorable »
Alain Chouraqui avance : «Les racismes et l’antisémitisme ont un pouvoir de contamination et un potentiel explosif exceptionnels lorsque le terreau leur est favorable et justifient une vigilance et une fermeté elles-mêmes exceptionnelles; ne voit-on pas tous les jours dans le monde que les racistes se trompent de colère mais que leur colère est dévastatrice ? Et que les générations racistes deviennent vite souvent l’aliment principal de tous les extrêmes, occultant la complexité des vrais problèmes au point d’unir souvent ultra-droite et ultra-gauche, dans une sainte haine fusionnelle bien illustrée d’ailleurs par le national-socialisme».
«A un moment, prévient-il, on se retrouve devant des emballements possibles et les choses alors peuvent aller très vite. Pour en arriver là, certes la situation a dû pourrir longtemps mais on peut se demander si les choses ne pourrissent pas depuis longtemps dans notre société?». Il rappelle: «Hitler est arrivé avec 34% des voix au pouvoir. Il faut d’ailleurs savoir qu’il y a rarement plus d’un tiers de la population qui aspire à un régime autoritaire. Mais ce tiers peut suffire pour aller au pouvoir parce que certains passent des accords plus ou moins tactiques, parce que certains pensent qu’il est possible de négocier avec le Diable».
Il évoque enfin le mur « des actes justes » qui conclut la visite du camp des Milles. «Des actes justes car tout le monde peut en faire. Il suffit parfois de détourner le regard. Chacun peut le faire à sa manière. Déjà, il faut ne rien laisser passer sur internet, comme lors de réunions de famille, au boulot, sans parler des engagements plus fondamentaux de responsables associatifs, politiques».
La manifestation prend fin avec le groupe « Les Oreilles d’Aman » qui interprètent, une première à l’époque contemporaine, de l’hymne du camp des Milles. Écrit en 1939 sur la musique de Blanche Neige de Walt Disney et Adolf Sieberth, cette œuvre est un pied de nez à ceux qui voulaient interdire aux compositeurs de composer, un texte au second degré, un hymne à la vie : « La guerre est dure mais pas pour nous. On nous donna rendez-vous aux milles au joli camp.
Nous sommes ici très bien soignés, comme millionnaires nous sommes traités.
Et voilà notre chant !
Aux Milles près d’Aix-en-Provence,
nous vivons dans le camp.
Un jour nous appell’ra la France,
et nous serons présents !
(bis).»
Alain Chouraqui précise : «L’appel à la France évoqué dans la chanson traduit la volonté de ses personnes bien qu’internées par la France, de s’engager dans l’armée française».
Michel CAIRE
Un programme dense du 2 au 31 mars
Du 2 au 31 mars, des débats, rencontres et films sur les génocides juif, arménien et tutsi sont programmés à la Maison de la Région, autour de l’exposition sur le Camp des Milles. Cette exposition s’articule autour de trois volets : un volet historique et un volet mémoriel qui s’appuient sur l’histoire et la mémoire du Camp des Milles, seul grand camp français d’internement et de déportation encore intact et accessible au public ainsi que sur les résistances aux crimes de masse commis pendant la Seconde Guerre mondiale, et un volet réflexif qui propose des repères pluridisciplinaires et des clés de compréhension qui peuvent aider à éveiller les consciences et à réagir à temps face aux crispations identitaires et aux extrémistes, « Mémoire pour demain » est en cela une invitation à la vigilance et à l’analyse des mécanismes du pire, un appel à la résistance et à la responsabilité des citoyens face aux racismes, à l’antisémitisme et à tous les fanatismes.
Renseignements pour le public et les scolaires au 04.91.57.57.52 ou plus d’info: regionpaca.fr
Des visites guidées de l’exposition pour le grand public et les scolaires sont possibles, sur réservation à maisondelaregion@regionpaca.fr