Publié le 19 mars 2015 à 21h04 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h43
La Mutualité Française Provence-Alpes-Côte d’Azur initie une rencontre sur le tiers-payant afin que chacun puisse exposer son point de vue et qu’il puisse être débattu. Pour cela, elle réunit : Martine Corso, présidente de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône, Noëlle Chabert, présidente de l’URPS, Philippe Lance, président du syndicat des pharmaciens des Bouches-du-Rhône, le docteur Rémy Sebbah, secrétaire de l’Union régionale des professionnels de santé – médecins libéraux (URPS-ML) et Jean-Paul Benoît, président de la Mutualité Française Paca.
La mesure phare du projet de loi de santé publique est la généralisation du tiers payant à tous les assurés sociaux au 1er janvier 2017. Selon un sondage réalisé récemment par Opinionway pour MG France, (le premier syndicat de médecins généralistes) 63% des personnes interrogées ont répondu favorablement à la question : «Personnellement, souhaiteriez-vous être dispensé d’avancer le montant de la consultation chez votre médecin généraliste ?». Pourtant, cette mesure ne fait pas l’unanimité chez tous les acteurs de la santé.
«33% des Français déclarent renoncer ou reporter des soins pour eux ou un membre de leur foyer en raison de difficultés financières»
Jean-Paul Benoît explique: «Nous avons voulu créer un échange entre les acteurs sur cette question qui prend de plus en plus d’ampleur. Il est clair que, pour ce qui nous concerne, nous sommes très favorables au tiers-payant d’autant que 33% des Français déclarent renoncer ou reporter des soins pour eux ou un membre de leur foyer en raison de difficultés financières». «De plus, poursuit-il, le tiers-payant n’est en rien une création, ce système est déjà pratiqué dans les pharmacies, le paramédical. Il est vrai que cela pose des problèmes auxquels il faut apporter des solutions. Mais cela paraît être une bonne chose pour les patients. En cela je tiens à remercier tous ceux qui acceptent de participer à cette table-ronde. Nous n’avons pas la prétention de résoudre tous les problèmes mais de nous comprendre un peu mieux. Je tiens d’ailleurs à dire que je comprends la crainte de l’alourdissement administratif ainsi que la crainte du non-paiement».
Mais il avoue être surpris par l’opposition unanime des médecins «alors que je me souviens avoir rencontré beaucoup de médecins qui sont confrontés à un nombre croissant de chèques impayés. Le tiers-payant pourrait donc être aussi une réponse aux questions auxquelles ils sont confrontés. De plus, des solutions techniques peuvent être apportées pour réduire les contraintes».
Et d’avancer que la carte Vitale pourrait devenir un moyen de règlement. Il conteste également le fait que ne plus rien payer chez le médecin pourrait se révéler inflationniste en matière d’actes de soins. «Un rapport de l’Igas met en avant le fait que les pays ayant adopté le tiers payant généralisé n’ont pas constaté d’augmentation de leurs dépenses de santé», précise-t-il.
«Il faut arrêter de croire que les médecins sont des nantis»
Jean-Paul Benoît conteste enfin le fait que le tiers-payant pourrait conduire à une fonctionnarisation des médecins. Une vision que le docteur Rémy Sebbah est loin de partager. «Nous sommes contre le tiers-payant », insiste-t-il. Et, si la ministre a pris des engagements en matière de règlement du tiers-payant, là encore la réaction ne se fait pas attendre: «Est-ce que nous pouvons vraiment la croire ?». Ajoutant:«Comment croire quelqu’un qui dit vouloir faire une réforme pour les usagers, puis, après une mobilisation massive des professions de santé, qu’elle mettra en place sa réforme progressivement». Pour le docteur Rémy Sebbah : «Il faut arrêter de croire que les médecins sont des nantis. Prendre enfin conscience que les généralistes qui sont au plus près des patients sont tout à fait conscients de ce qui se passe dans la société. Ils savent les difficultés de la population. Si vous saviez le nombre de consultations que nous ne faisons pas payer. Sans oublier le nombre de fois où nous attendons que la personne soit remboursée par la Sécu pour encaisser son chèque. De même on oublie que cela fait 7 ans que l’acte médical de base n’a pas été relevé et demeure à 23 euros». Et de juger: «Le tiers-payant va à l’encontre du travail de responsabilisation des patients qui devrait être mené».
«Il me semble évident que le tiers-payant va poser de gros problèmes aux médecins généralistes»
Philippe Lance avoue, pour sa part, ne pas prendre en compte tous les arguments avancés par les médecins : «Nous sommes là devant un inventaire à la Prévert. En revanche, au vu de notre expérience dans les pharmacies, il me semble évident que le tiers-payant va poser de gros problèmes aux médecins généralistes qui n’auront ni le temps ni les moyens de gérer ce surplus de travail, surtout avec un acte de base à 23 euros.».
Michel CAIRE